Quels droits d'auteurs pour les photographes ?

Aujourd’hui, le partage de photographies sur Internet est devenu chose commune. Pourtant, le droit d’auteur est une réalité que chaque « diffuseur » se doit de connaître. Cette chronique propose un état des lieux.

Définition

En matière juridique, le mot « œuvre » désigne toute création de l’esprit : photographie, musique, dessin, peinture, film, etc.

Les œuvres

La protection des droits d’auteur en matière de photographie s’applique à toutes les œuvres, même inachevées, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

L’œuvre photographique

Elle se prête à la mise en œuvre concomitante de plusieurs droits enchevêtrés. Le droit du photographe, lui-même, ainsi que divers droits liés à la nature des sujets représentés, l’utilisateur de la photographie devra acquérir l’autorisation de communiquer l’information contenue dans la photographie, qu’il s’agisse de l’image d’une personne, d’un édifice architectural ou d’une marque.

L’œuvre composite

Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière. Réaliser une œuvre composite impose l’accord indispensable et préalable des titulaires de droits sur les « œuvres premières ».

L’œuvre collective

C’est l’œuvre qui est créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale. Cette dernière édite l’œuvre, la publie, et la divulgue sous son nom. Les différents intervenants à la création réalisent des contributions qui se fondent dans un ensemble, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. La qualification d’œuvre collective est recherchée par les promoteurs/producteurs d’œuvres plurales, car ils sont automatiquement investis des droits des auteurs, et que la rémunération de ces derniers peut être forfaitaire, contrairement à la règle régissant les autres créations, qui imposent une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitations de l’œuvre.

L’œuvre de collaboration

L’œuvre de collaboration est celle à la création de laquelle plusieurs personnes physiques ont pris part. Les coauteurs sont titulaires des droits sur l’œuvre finale. Ils exercent leurs droits d’un commun accord, sauf à saisir les tribunaux du différend qui les oppose.

Les œuvres de commandes et de salariés

L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu par le code de la propriété intellectuelle.
L’existence d’un contrat de commande n’emporte aucune dérogation aux règles d’attribution des droits d’auteur, à moins que ledit contrat ne prévoie le contraire. De la même façon, l’existence d’un contrat de travail entre l’auteur de la création et son employeur n’aura aucune répercussion sur la titularité des droits.

Les prérogatives de l’auteur

De nature incorporelle, le droit d’auteur est démembrable et se décompose en deux attributs majeurs, le droit moral et les droits patrimoniaux.

Le droit moral

Le droit moral est attaché à la personne de l’auteur. Le droit moral est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il se compose de quatre attributs : le droit de divulgation, le droit à la paternité, le droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre contre toute dénaturation, modification, altération, ainsi que le droit de retrait et de repentir.

Le droit de divulgation

Le droit de divulgation permet à l’auteur de décider, seul, de l’instant, des procédés et conditions de la communication de sa création au public.

Le droit à la paternité

Le droit à la paternité répond au privilège absolu de l’auteur de voir sur son œuvre l’inscription de son nom et de ses qualités.

Le droit au respect de l’œuvre

Le droit au respect de l’œuvre protège l’auteur de toute atteinte à l’esprit de l’œuvre, dénaturation ou modification de sa création, que ce soit par la sortie de son contexte, l’addition ou la soustraction de données la composant.

Le droit de retrait ou de repentir

Le droit de retrait ou de repentir permet à un auteur de retirer son œuvre de la circulation ou bien de la modifier s’il veut la faire évoluer pour mieux la faire correspondre à sa pensée créative.

Les droits patrimoniaux

Ce sont les droits économiques dont bénéficie l’auteur et qu’il peut céder en contrepartie d’avantages financiers. Ils perdurent toute la vie de l’auteur et encore soixante-dix années après son décès.
Les droits patrimoniaux se décomposent en droit de reproduction et en droit de représentation.
  • Le droit de reproduction
Le droit de reproduction est le droit exclusif pour l’auteur d’autoriser ou non la fixation matérielle de l’œuvre, quel que soit le procédé utilisé, dès lors que cette fixation est nécessaire pour communiquer l’œuvre au public.
Il s’agit de tous les actes de reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, en ligne ou hors ligne, sur support matériel ou immatériel. Ces actes interviennent toujours en amont ou de manière simultanée avec la communication de l’œuvre au public.
  • Le droit de représentation
Représenter, au sens du code de la propriété intellectuelle, consiste en la possibilité pour l’auteur de communiquer l’œuvre au public, par un procédé quelconque. Il caractérise le droit exclusif des auteurs « d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres originales et de copies de celles-ci, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de telle manière que chaque membre du public peut y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».

La cession du droit des auteurs

Les droits détenus par une personne sur les créations d’autrui dépendront dans une très large mesure de la portée et du contenu des contrats de cession dont elle bénéficie.
Ces accords ou contrats d’exploitation sont régis par le principe d’interprétation restrictive selon lequel tout ce qui n’est pas expressément autorisé par l’auteur est interdit.
Le contrat doit, de ce fait, énumérer de façon précise et exhaustive l’ensemble des droits cédés. La jurisprudence française ne tolère pas les simples références à des cessions larges, qu’elle considère comme nulles.
La cession à un tiers de la jouissance et de l’exercice de tout ou partie des droits patrimoniaux peut être gratuite ou onéreuse.
De plus, la cession du droit de reproduction n’entraîne pas la cession automatique du droit de représentation, et inversement.
La loi interdit la cession des œuvres futures : nul auteur ne peut valablement céder des droits sur des choses qui n’existent pas. La cession des droits d’auteur ne pourrait à la rigueur intervenir, le cas échéant, qu’au fur et à mesure de leurs naissances, sous réserve que cette mention de cession progressive soit inscrite au contrat.
Toutefois, la cession des droits consentie sur une œuvre au titre d’un contrat de commande est juridiquement valable dès lors que cette cession a pour objet une création spécifique dont les formes et le contenu sont déjà approximativement déterminés.
Les contrats de représentation d’une œuvre doivent être constatés par écrit, sous peine de nullité au bénéfice de l’auteur. L’échange de consentement peut s’effectuer par télégramme, précise encore la loi, à condition que les conditions essentielles soient mentionnées : le prix, la durée, le territoire et une destination donnée. La mention de chaque droit cédé doit être expresse et faire état des modes et formes d’exploitation envisagées. De ces raisons, et dans les mêmes conditions, on pourrait inférer que l’accord pourrait être donné par voie de télécopie ou de courriel.

Pour être valide, la contrepartie financière de la cession de droits d’auteur doit être en principe une rémunération proportionnelle aux résultats d’exploitation de l’œuvre.

Toutefois, il faut rappeler que le code de la propriété intellectuelle prévoit quelques exceptions à ce principe : c’est le cas lorsque « la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée », ou lorsque « les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre », ou également dans les cas où « soit la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’œuvre, soit l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité ».

L’article L 131-4 du Code de la propriété intellectuelle donne comme assiette les recettes provenant de la vente ou de l’exploitation de l’œuvre. Les redevances sont calculées sur le prix hors taxe effectivement payé par le public, et ne devraient donc être calculées ni sur les bénéfices de l’exploitant, ni sur le produit net d’exploitation.

Les limitations à l’emprise du droit des auteurs

Malgré l’étendue des domaines sur lesquels le titulaire des droits d’auteur peut exercer son monopole, il existe toutefois quelques dérogations aux règles d’appropriation par l’auteur, dont nous livrons ci-après les principales.
  • Les représentations privées
De telles représentations, telles des diaporamas, peuvent avoir lieu sans autorisation de l’auteur sous réserve qu’elles soient gratuites et effectuées uniquement dans le cercle de la famille.
  • La copie privée
La loi autorise, au titre des exceptions au droit d’auteur, les reproductions strictement réservées à l’usage privé (sur support d’enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) du copiste et non destinées à une utilisation collective ou commerciale, mais le copiste doit être le propriétaire de l’appareil de reproduction.
  • Les œuvres exposées dans un lieu public
Une œuvre photographique exposée dans un lieu public accessible à tous peut être représentée sur une photographie, sans demander l’autorisation de l’auteur, lorsqu'elle ne constitue pas le sujet principal de la reproduction ou de la représentation. (Illustration de l’affluence du public pour un article de presse, par exemple).
  • Les œuvres tombées dans le domaine public
Les œuvres tombées dans le domaine public, soixante-dix ans après la mort de l’auteur, peuvent librement être exploitées. Mais attention : l’utilisateur de ces emprunts doit se méfier de l’existence du droit moral qui par principe ne s’épuise jamais.