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Septembre 2005

Bertrand Betsch : "Lassé de l'état animal, j'aimerais rejoindre l'état végétal ou minéral !"

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[Propos recueillis par Louis-Paul Astraud, L'Internaute]
 

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Le franc parler de Bertrand Betsch fait qu'on l'écoute, le timbre inhabituel de sa voix et sa capacité à mélanger les styles et les inspirations font que l'on réécoute et qu'on l'aime. Bertrand Betsch réussit la prouesse d'offrir dans son troisième album tout ce qui fait la richesse de sa culture musicale : du rock bien sûr, mais aussi du jazz, du reggae, et même des fanfares ! L'Internaute Magazine a rencontré ce garçon étrangement inspiré, capable d'intituler un album "Pas de Bras, pas de Chocolat".

Si l'on écoute attentivement vos chansons, on a envie de vous demander : comment allez-vous ? Ou peut-être même de quoi souffrez-vous ?
Bertrand Betsch. Ça va plutôt bien, du moins aussi bien que possible, si toutefois cela est possible. Comment je vais vraiment et de quoi donc est-ce que je souffre ? Je vais où mes pas me mènent, c'est-à-dire je ne sais pas très bien où. On verra. La route, je le sais maintenant, est encore longue. Espérons que les vents ne malmèneront pas trop mon embarcation.
Je souffre d'être vivant et de ne pas toujours savoir quoi faire de cette écrasante liberté. Je suis comme Roquentin, le personnage de "La Nausée" de Sartre. Chaque jour, je prends un peu plus conscience du vertige qu'entraîne la prise de conscience de son existence, je me perds dans le dédale de ses possibilités et de ses impossibilités, lesquelles sont plus ou moins inextricables. Je me débats dans l'océan de mes pensées et de mes volontés toutes invariablement contradictoires. Toutefois j'essaie de garder un cap (disons le cap de la Vérité) et de m'y tenir mais c'est un combat de chaque seconde.
La mer est houleuse et je ne suis pas un très bon capitaine. Pourtant je ne désespère pas de prendre de l'assurance. Pour cela il me faudra me libérer du charriot d'angoisses que je traîne derrière moi. Je me raccroche à cette phrase de Mendelson (ancien compagnon d'écurie de Lithium, mon ancien label) : "L'avenir est devant".

Vous avez subi une extinction de voix durant près d'un an. Comment avez-vous vécu ce moment si difficile pour un chanteur ?
J'ai effectivement perdu la voix pendant un an à la suite d'une tournée exténuante. Perdre la voix c'est-à-dire, d'une part, perdre son instrument de travail, et d'autre part, perdre la possibilité de communiquer avec autrui (déjà qu'en temps normal, c'est pas facile, alors là !). Donc paralysie du corps, de la personnalité et isolement grandissant.
Comment vit-on un tel truc ? On souffre au jour le jour et chemin faisant on accepte, après l'avoir rejetée, de faire sienne cette douleur, de l'accepter comme faisant partie de soi et, pour finir, d'essayer d'écouter ce qu'elle vient nous dire. La maladie est un langage, elle vient nous indiquer quelque chose d'important : par exemple qu'à l'avenir il faudra faire attention, attention à ne pas trop se maltraiter et surtout attention à toujours parler (et chanter) de façon aussi vraie et juste que possible.

Vous partagez certains des morceaux de " Pas de Bras, Pas de Chocolat " avec Hervé Le Dorlot. Pourriez-vous nous parlez de la manière dont vous travaillez avec lui ?
Hervé Le Dorlot est mon compagnon de scène depuis sept années. Il intervient sur les arrangements de certains morceaux, il contribue à leur donner une ampleur, une direction, une assise, une substance sonore, rythmique que je serais incapable de leur donner par mes propres moyens - limités il faut bien le dire, la faute à mon indécrottable dilettantisme et, oserais-je l'avouer, à une certaine inclinaison à la paresse. Je suis quelqu'un d'instinctif. Je vais très vite et dès qu'une chanson est plus ou moins terminée, je n'ai qu'une seule hâte : passer à la suivante. Hervé, lui, est beaucoup plus pondéré. Hervé, lui, est capable de remettre cent fois l'ouvrage sur le métier, jusqu'à obtenir quelque chose qui le satisfasse, si tant est que ce garçon puisse être satisfait.

Sur votre site Internet, vous publiez chaque mois une nouvelle que vous avez écrite. Est-il possible que vous passiez un jour à une autre forme d'écriture ?
J'expérimente effectivement d'autres modes d'écriture que celui de la chanson (trop limité, trop formaté à mon goût). J'écris ainsi des nouvelles (plutôt pour me délasser), des poèmes, des essais, des essais poétiques, humoristiques et beaucoup de choses tout à fait inclassables (je dirais des "tentatives" - de quoi, d'échapper à quoi, de toucher à quoi, je ne sais pas, à l'innomable peut-être). A vrai dire, ce qui m'excite le plus dans l'exercice littéraire est d'essayer d'inventer de nouvelles formes. Rien qui m'ennuie plus que le roman, le théâtre ou la poésie, du moins tels qu'ils sont pratiqués couramment.

Vous concluez votre nouvelle Marche-à-terre par ces mots" Je ne suis presque plus rien (…) une bouchée de chair diluée par le souffle de l'humidité." Portrait de l'artiste par lui-même ?
Oui, peut-être. Du moins dans certaines périodes où, lassé de l'état animal, j'aimerais rejoindre l'état végétal ou minéral et me fondre réellement au monde, à la matière.

Dans votre chanson, " Les Petits Mammifères ", vous chantez : " Je vous aimais mieux avant, je vous aimais mieux Bertrand ". Nostalgique ? Quels sont vos projets actuels ?
La nostalgie est un sentiment qui m'est étranger. L'état adulte s'apparente cependant souvent à la prise de conscience d'une terrible perte (mais est-ce réellement une perte ou est-ce un gain ?) : celle de l'innocence (c'est un des sujets esquissés par "Les petits mammifères" et c'est le thème central de "Tout vu", chanson qui clôture l'album).
Mes projets actuels sont les suivants : continuer de répandre la "bonne" (ou mauvaise, je laisse cela à l'appréciation de chacun) parole de mon album à travers la promo et, j'espère début 2005, à travers la scène.

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DISQUE
Titre :
Pas de Bras, Pas de Chocolat
Artiste :
Bertrand Betsch
Genre :
chanson française
Date de sortie : août 2004
Editeur : Labels
Site : BertrandBetsch



 
 Rédaction L'Internaute
 
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