Cameroun… Faut-il renoncer ?

Mercredi 19 février 2013 : « Sept personnes, dont quatre jeunes enfants, enlevées dans le Nord Cameroun dans la réserve de Wasa ». La nouvelle tombe, brutale, glaciale…

Chargée légitimement d’émotion, elle déclenche le grand cirque médiatique alors que l’enlèvement, dans une région proche au Nigéria, d’un Italien, un Grec, un Britannique et de quatre Libanais, deux jours auparavant, n’avait généré que de vagues haussements d’épaules…


Aussitôt les experts patentés déboulent sur les plateaux télévisés pour nous expliquer avec force certitude que : «  Boko Haram, Ansaru, possible effet collatéral de la nécessaire offensive au Mali, etc. »

Certains de ces omniscients insistent même sur le fait que le Quai d’Orsay avait été un peu léger en n’indiquant, jusque là, qu’un faible risque terroriste. Facile après coup de réécrire l’histoire ! Je n’ai pourtant pas souvenir d’un avertissement d’un quelconque expert avant cet enlèvement… Il aurait été pourtant plus honnête de reconnaître que personne n’a rien vu venir, pas même le très prudent Ministère des Affaires Etrangères Allemand (l’ancien colonisateur du Kamerun) qui, lui non plus, jusqu’au 19 février, ne voyait pas d’inconvénient à voyager dans le Nord du pays.


Nous mêmes, réputés pour notre approche très systématique de la sécurité (notre ADN Guide de Haute Montagne), fort de notre expérience terrain au Cameroun, avons continué à programmer le Nord Cameroun jusqu’à ce mercredi. Nous avions pourtant volontairement arrêté tous nos circuits au Mali et dans les pays limitrophes (essentiellement Mauritanie, Algérie, Niger, Burkina) au mois d’octobre, dès que nous avons compris que la France interviendrait militairement dans la région. Une décision crève cœur car nous avons eu le sentiment de trahir nos amis, en particulier les  Mauritaniens qui ont tant fait pour sécuriser leur pays. Mais une décision nécessaire.


 Alors oui : il faut bien reconnaître aujourd’hui, que, en géopolitique comme en haute montagne,  la sécurité à 100%, n’existe pas. Il est à ce propos essentiel de bien faire la différence entre sécurité objective et sécurité ressentie qui, elle, varie suivant « l’atmosphère », notamment médiatique. 


 Ainsi, les guides de haute montagne savent bien qu’une couverture légèrement nuageuse, sans danger objectif, tempère l’enthousiasme des alpinistes, alors qu’un temps radieux les encourage à prendre des risques. Pourtant, une légère couche de nuages n’a jamais influencé le placement d’un coinceur, la probabilité de chute de sérac ou de pierre.


Nous avons choisi, au moins temporairement de renoncer aux Rumsiki, ce fabuleux massif volcanique du Nord Cameroun que André Gide comptait parmi les plus beaux paysages du monde ; renoncer le temps que la tempête médiatique se calme, le temps, surtout, d’y voir plus clair afin de pouvoir à nouveau analyser, raisonner, décider en toute sérénité.


Mais faut-il pour autant renoncer aux merveilles et aux sourires du Cameroun ? Renoncer à l’Afrique ? Renoncer aux régions islamisées ? Renoncer au voyage? Renoncer à la banlieue Grenobloise parce que deux jeunes se sont fait massacrer par des barbares cet automne? Renoncer à la Haute Montagne parce qu’il y a des falaises, des crevasses et des pentes de glace ?


Faut-il renoncer à la Curiosité ? A la Beauté ? A la Rencontre ? Aux Autres ?

Gérard Guerrier, président général d'Allibert Trekking