« L'affaire Makropulos » de Leoš Janácek à la Fenice de Venise
Pénultième chef-d'oeuvre de Janácek, opéra en trois actes sur un livret du compositeur librement inspiré à la comédie homonyme du dramaturge Karel Capek, première absolue le 18 décembre 1926 au théâtre National de Brno, ville natale du compositeur tchèque.
L'affaire
Makropulos est
proposée pour la première fois avec une nouvelle réalisation
scénique co-produit par la Fondation
Teatro La Fenice
avec l' Opéra
National du Rhin de Strasbourg
et le Staatstheater
de Nuremberg
où il a déjà été représenté en avril 2011 et mai 2012, avec
pour réalisateur Robert
Carsen, les
scénographies
de Radu
Boruzescu, les
costumes de Miruna
Boruzescu et
les jeux de lumières de
Peter Van Praet. L'orchestre
et le choeur du teatro La Fenice est dirigé par Gabriele
Ferro, le
Maître
du Choeur est Claudio
Marino Moretti.
Comme
cast d'excellence, car c'est une oeuvre complexe et difficile à
interpréter: la soprano espagnole Ángeles
Blancas Gulín
dans le rôle
d'Emilia Marty (alias Elina Makropulos), le baryton tchèque Martin
Bárta
dans celui de Jaroslav Prus; le ténor Véronais Enrico
Casari
dans celui de son fils Janek, le ténor Tchèque Ladislav
Elgr
dans celui d'Albert Gregor, le ténor suisse Andreas
Jäggi
dans celui du comte Hauk-Šendorf, le baryton italo-espagnol Enric
Martínez-Castignani
dans celui de l'avocat Kolenatý, le ténor Leonardo
Cortellazzi
dans celui de Vítek et Julie
Mellor
dans celui de sa fille Krista. Leona
Pelešková
interprète les rôles
de la femme de chambre et de la femme de ménage, William
Corrò
celui du machiniste.
Cette œuvre fantastique est centrée sur le personnage d'Emilia Marty. Cette femme énigmatique, née en 1585, dont le père alchimiste à la court de Rodolphe II à Prague, lui fit don de l'élixir de longue vie : 300 ans de vie ininterrompue. Près de trois siècles après, en 1922, E. M. est une célèbre chanteuse lyrique idolâtrée à l'Opéra de Vienne. Mais elle est obligée de changer d' identité périodiquement pour cacher son terrible secret. Tricentenaire, mais avec l'aspect d'une belle jeune femme, elle est désormais lasse de cette vie qui n'en finit plus, qui ne lui apporte plus de joie mais que de l'indifférence. Elle décide d'en finir avec l'immortalité en ne reprenant pas l'élixir de longue vie qui lui aurait procuré autres 300 ans de vie....Elle offre la formule à sa jeune émule Krista, qui la brûle, pleine d'horreur et de compassion pour cette femme contrainte malgré elle à une vie artificielle.
Le thème de la vieillesse fascinait Leoš Janácek, dès l'époque où il était confiné dans la province des Hasbourgs, dans l'attente de la reconnaissance de son génie. Combien de chef-d'oeuvre aurait perdu le théâtre musical du XIX ème siècle si le compositeur morave n'avait eu une longue vie créative, étrangement étendue de sa maturité à sa vieillesse! Janácek avait 50 ans quand son talent explosa finalement aux yeux de tous à Brno avec « Jenufa » en 1916. Mais il ne connut la reconnaissance internationale pas avant ses 62 ans! Il était jusqu'alors considéré comme trop « provincial » pour être joué à Prague. Aussi, son œuvre représentée pour la première fois dans sa ville natale de Brno en 1904 dut attendre plus de dix autres années pour être représentée à Prague, ce qui illustre bien les difficultés qu'eut Janácek pour faire accepter au public et à la critique l'originalité de son talent. Il n'est devenu vraiment célèbre qu'après sa mort (1928). Puis la Bohême devint protectorat allemand du Reich nazi, ce qui fut un obstacle insurmontable à sa diffusion pendant la guerre. La recherche sur l'oeuvre de Janácek reprit vers la fin des années cinquante, avec une véritable explosion d' intérêt dans les années 70. Aujourd'hui Janácek a finalement acquis la juste importance qui lui revenait et presque toutes ses œuvres font désormais parties du circuit international. En Italie, la diffusion de ses œuvres a essentiellement eut lieu grâce à la Fenice de Venise et à la Scala de Milan.
C'est une œuvre complexe et sans doute un peu difficile au premier abord, avec l'utilisation de la langue Tchèque qui reste surprenante, mais qui rapidement captive toute notre attention par son rythme chargé d'émotion. Une grande œuvre magnifiquement interprétée à la Fenice, qui reste encore et toujours une valeur sûre.