Cette recette française très simple est en voie de disparition, des restaurateurs alertent
C'est une sauce au nom familier pour certains, oubliée par beaucoup. Découverte au cours du XXe siècle, elle puise ses origines sur deux récits, comme l'a rapporté Nantes Patrimonia. Dans le premier, Clémence, cuisinière au service d'un marquis, aurait oublié les jaunes d'œufs en préparant une béarnaise pour accompagner un brochet — une erreur qui donne naissance à une sauce inédite, aussitôt adoptée. Dans l'autre version, Clémence tient déjà un restaurant près de Nantes, quand des notables dénigrent sa préparation, la traitant de "vulgaire sauce à moules". Vexée, elle affine sa recette, réduit des échalotes, ajoute du vinaigre, monte le tout au beurre. Le résultat séduit les palais nantais.
Ce mélange subtil d'échalote grise, de vinaigre blanc, de muscadet et de beurre porte un nom : le beurre blanc. Cette sauce onctueuse se sert généralement avec de la viande ou du poisson. Et elle est aujourd'hui en danger. "Elle a quasiment disparu des cartes de Nantes", alerte le chroniqueur de TVdeschefs.com, cité par 20 minutes. Seuls quelques restaurants, principalement des bords de Loire et dans la capitale, comme le Bistro Le Mesturet, continuent de la servir. Face à ce déclin, Éric Fauguet, journaliste culinaire de 59 ans, a réuni une dizaine de "sages" - chefs, sommeliers et pêcheurs en eau douce - pour créer la Confrérie du beurre blanc en janvier 2025. Leur but : préserver et promouvoir cette recette, tout en sensibilisant le public.

Début avril, le groupement a déposé, via Vendée Qualité, un dossier à l'Inao (Institut national de l'origine et de la qualité) pour obtenir le label Spécialité traditionnelle garantie (STG), rapporte Le Figaro. Ce label permettrait d'inscrire la recette dans l'héritage culinaire français, garantissant traçabilité et transparence. "On deviendra la première sauce en France à obtenir ce label", affirme Éric Fauguet à 20 Minutes, tout en précisant que l'instruction pourrait prendre jusqu'à deux ans.
Pour autant, "ça n'empêche pas l'originalité", selon le journaliste culinaire, également "Grand Maître du Beurre Blanc". "À Nantes, on peut voir des beurres blancs au gingembre, à l'orange… Je pense que l'interprétation des cuisiniers est là. La créativité, il ne faut pas la brimer, mais il faut aussi préserver le cadre originel. C'est pour ça qu'il faut avoir une marque beurre blanc authentique", a-t-il déclaré en mars à France Bleu.
Autre objectif du collectif : la création de la marque BBA (Beurre blanc authentique), gage de qualité et de respect de la recette originelle. Le collectif souhaite également former les jeunes cuisiniers en nouant des partenariats avec des lycées hôteliers, afin de rapprocher apprentis et restaurateurs. Des ateliers pédagogiques seront aussi organisés au cours du printemps dans les quartiers populaires nantais, ainsi qu'auprès des personnes en situation de précarité, notamment dans le jardin d'insertion des Restos du cœur à Saint-Sébastien-sur-Loire.