Les baromètres de popularité (partie 2) : Une méthodologie à surveiller

Nicolas Sarkozy connaîtrait actuellement une "nette progression dans les sondages". Le chef de l'Etat sortant "monte"… mais dans quoi précisément ? Voici la deuxième partie de notre série de chroniques sur les baromètres de popularité.

D’un point de vue méthodologique, les indicateurs de popularité présentent quelques avantages indéniables. D’abord, leur caractère barométrique (on pose chaque mois la même question) permet de mesurer des évolutions dans le temps. Il est souvent difficile d’interpréter un chiffre seul. Par exemple, personne n’est en mesure de dire si 50 % d’opinions favorables constitueraient une bonne ou une mauvaise proportion en soi. En revanche, la comparaison entre ce chiffre et les résultats des précédentes vagues (notamment lorsque l’indicateur existe depuis plusieurs années ou plusieurs décennies) offre à l’analyste de très nombreuses informations : quelle est la tendance qui se dessine depuis plusieurs mois ? La popularité actuellement mesurée est-elle exceptionnelle depuis que le président est en place et par rapport à ses prédécesseurs ? Observe-t-on des séquences durables de popularité ou d’impopularité et que peut-on en déduire du point de vue des liens entre gouvernants et gouvernés ?

Comme tout sondage, ces enquêtes barométriques souffrent de difficultés méthodologiques. Par exemple, la composition des échantillons est aujourd’hui affectée par un refus de répondre de plus en plus important : si les instituts de sondage disent remplir leur "quotas" et ainsi offrir des échantillons représentatifs de la population française, rien ne dit que le fait d’accepter de répondre à une enquête par téléphone ou sur Internet ne constitue pas un biais socialement discriminant. De même, trop peu d’enquêtes incluent systématiquement une modalité "je n’ai pas d’opinion" dans le canevas du questionnaire : tout est fait pour encourager l’interviewé à répondre (même s’il n’a pas d’avis) et diminuer artificiellement le taux de sans-réponse. Les résultats agrègent ainsi des réponses motivées et des réponses qui ne visent qu’à "faire plaisir" à l’enquêteur. Ces écueils méthodologiques sont toutefois moins problématiques dans ces baromètres que dans la plupart des sondages d’opinion. D’une part, les indicateurs de popularité reposent sur des questions relativement simples et univoques, notamment lorsqu’elles concernent les personnalités les plus notoires, Nicolas Sarkozy en tête. D’autre part, les mêmes difficultés surgissant à chaque vague d’enquête, on dit de ces sondages qu’ils fonctionnent "à biais constants", c’est-à-dire que les évolutions qu’ils mettent à jour ont de fortes chances de refléter de réelles évolutions dans l’approbation des leaders politiques.


Cette capacité à rendre compte de façon crédible des "mouvements d’opinion" tient aussi à la multiplicité des enquêtes (huit pour la seule popularité du chef de l’Etat). Même si trop peu de journalistes effectuent un tel travail, il est assez facile de comparer ces baromètres entre eux pour voir si une évolution rencontrée chez l’un se retrouve chez l’autre. D’un côté, cette comparaison met à jour des résultats convergents : la popularité du chef de l’Etat connaît une récente amélioration (de 0 à +8 % selon les instituts). De l’autre, on observe que le total de réponses positives est relativement hétérogène, variant de 30 % pour TNS Sofres à 40 % pour CSA. Comment expliquer de tels écarts ?

 

Tableau 2. Comparaison des indicateurs de popularité de Nicolas Sarkozy

 

Instituts

Date et mode de passation

% d’opinions favorables à Nicolas Sarkozy et évolution en un mois

Viavoice

20-22 oct.

(téléphone)

33 % (=)

Total opinions « très positives » et « plutôt positives » sur Nicolas Sarkozy

BVA

21-22 oct.

(téléphone et internet)

32 % (=)

Total « très bonnes » et « plutôt bonnes » opinions de Nicolas Sarkozy

TNS Sofres

28-31 oct.

(domicile)

30 % (+6)

Total « tout à fait confiance » et « plutôt confiance » à Nicolas Sarkozy pour résoudre les problèmes qui se posent en France actuellement

LH2

4-5 nov.

(téléphone)

37 % (+5)

Total opinions « très positives » et « plutôt positives » sur Nicolas Sarkozy en tant que président de la République

Opinionway

4-9 nov.

(téléphone)

34 % (+4)

Total « très satisfaits » et « plutôt satisfaits » de l’action de Nicolas Sarkozy comme Président de la République

CSA

7-8 nov.

(téléphone)

40 % (+8)

Total « confiance » au président de la République, Nicolas Sarkozy pour affronter efficacement les principaux problèmes qui se posent au pays

IFOP

9-18 nov.

(téléphone)

34 % (+3)

Total « très satisfaits » et « plutôt satisfaits » de Nicolas Sarkozy

Ipsos

10-12 nov.

(téléphone)

37 % (+2)

Total jugements « très favorables » et « plutôt favorables » sur l'action de Nicolas Sarkozy

 

Une première piste consiste – comme toujours – à regarder scrupuleusement les dates de passation de l’enquête. Or celles-ci sont étalées tout au long du mois, si bien qu’à un instant T (en l’occurrence ici le 21 novembre), on agglomère des études réalisées il y a à peine une semaine avec d’autres réalisées près de 30 jours auparavant. Pourtant cette explication est partiellement insatisfaisante : les enquêtes LH2, Opinionway et CSA ont beau avoir eu lieu à quelques jours d’intervalle, leurs résultats s’avèrent relativement divergents (37 %, 34 % et 40 % d’opinions favorables, soit près de 6 % d’écarts). Il faut alors, seconde piste, s’arrêter sur le libellé des questions et constater qu’elles ne sont pas totalement interchangeables. Tandis que certaines portent sur la confiance à l’égard du président pour résoudre les problèmes (TNS Sofres, CSA), d’autres interrogent la satisfaction à l’égard de Nicolas Sarkozy (IFOP) et de son action (Opinioway, Ipsos) ou tentent d’appréhender des jugements plus généraux sur l’image du chef de l’Etat  (Viavoice, BVA, LH2). Il n’empêche que cette explication-là ne paraît plus judicieuse que la précédente : les questionnaires les plus proches dans leur contenu (CSA et TNS Sofres) sont en même temps ceux qui offrent les résultats les plus éloignés (10 % d’écarts mais à une semaine d’intervalle). On se permettra en outre de douter que ces légères variations stylistiques puissent produire des effets significatifs : une personne émettant un jugement "négatif" sur Nicolas Sarkozy pourrait-elle se dire confiante dans la capacité du président à résoudre les problèmes du pays ? Ce rapide constat amène à lire ces résultats avec prudence : contrairement aux analystes qui gloseront de longues minutes sur de micro-variations, il faut admettre que seules des évolutions marquées et répétées dans le temps s’avèrent réellement significatives.