Affaire de Roanne : de la prison pour le père qui a "vengé" sa fille agressée sexuellement ?

Affaire de Roanne : de la prison pour le père qui a "vengé" sa fille agressée sexuellement ? À Roanne, dans la Loire, le père de famille qui a violemment passé à tabac le jeune homme suspecté d'avoir agressé sexuellement sa fille âgée six ans va être jugé devant le tribunal correctionnel. Il risque de la prison ferme.

[Mis à jour le 28 octobre 2022 à 12h18] D'après les informations de BFM TV publiées ce vendredi 28 octobre 2022, quatre personnes seront jugées devant le tribunal correctionnel de Roanne dans l'affaire des violences commises sur un adolescent, suspecté d'avoir agressé sexuellement une petite fille de 6 ans. Le procureur de la République de Roanne avait décidé de s'auto-saisir pour ouvrir une enquête pour "violences aggravées en réunion et avec usage d'une arme". Le jeune guinéen suspecté d'agression sexuelle sur une mineure de moins de 15 ans, niant les faits, avait également décidé de porter plainte a annoncé son avocate, Me Camille Thinon. Convoqués devant le tribunal correctionnel le 24 janvier à 13h, le père de famille et ses trois complices risquent théoriquement entre cinq à dix ans de prison, dans un dossier juridique qui s'annonce complexe. 

Les juges prendront également compte que les quatre personnes ayant agressé le suspect ont déjà un casier judiciaire. Le père de famille avait été condamné à de la prison ferme pour le braquage d'un bar tabac de Roanne en 2014. Il avait également été poursuivi pour des faits de vol, de conduites sous substance, refus d'obtempérer mais aussi violences en réunion. L'avocat du père de famille Me Canis, l'a défendu sur BFM TV indiquant que son client a "changé, évolué, l'homme d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui d'hier, ajoutant que "la réaction d'un père, ça n'a rien à voir avec l'adolescent, le jeune majeur qu'il a pu être" a plaidé l'avocat. 

Interrogé le 25 octobre sur BFM TV le père de famille, Aniss, avait déclaré ne pas regretter d'avoir fait justice lui-même : "Je pourrais prendre 30 ans, c'est pas grave, c'est pour ma fille" a-t-il justifié au micro de la chaîne. Propos atténué ce vendredi 28 octobre par l'avocat sur la même chaine d'information en continue, "il est évident qu'il a beaucoup de regrets et de remords par rapport à l'attitude qui a été la sienne" a t-il indiqué en parlant de son client. Ajoutant également que son client a été poursuivi mais n'est pas mis en examen.

Que s'est-il passé dans l'affaire de Roanne ?

Un adolescent est accusé de s'être introduit dans la maison de la fillette, le 20 octobre, et de l'avoir agressée sexuellement. Rapidement, le père de famille et des amis ont organisé des rondes dans le quartier avant d'apercevoir, le 21 octobre, un adolescent tenter d'escalader le grillage de sa propriété. La mère de famille qui était tombée nez à nez avec l'agresseur dans la chambre de la petite fille, lors de la supposée agression, l'aurait immédiatement reconnu et confirmé son identité. Dès lors, le père de famille à admis avoir "pété un câble" ajoutant être devenu "fou" au micro de RMC. S'en sont suivis des actes de grandes violences sur le jeune homme âgé de 16 ans. Accompagnés d'amis et de voisins, ils l'ont violemment frappé, à maintes reprises, usant de coups de poing et coups de pieds. L'adolescent aurait également été fouetté avec un câble électrique, causant au total 10 jours d'interruption totale de travail (ITT), selon le parquet. Le suspect de l'agression sexuelle, qui a été brutalisé, est un mineur isolé qui résidait depuis une quinzaine de jours dans le même quartier que la famille.

Une partie de la classe politique a également réagi sur BFMTV. Éric Ciotti, député Les Républicains des Alpes-Maritimes, a apporté son soutien au père de famille : "Qui peut condamner la réaction de ce père de famille ? Qui peut mesurer sa crainte, sa douleur ? Il ne devrait pas protéger sa fille, tenter que ça ne se reproduise pas ?", a-t-il demandé.

Que risque le père de famille ? 

Les peines du père de famille et des trois complices ayant passé à tabac le jeune suspect peuvent varier selon plusieurs critères. En principe l'article L222-11 du Code pénal dispose que "les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende." Cette peine peut être plus lourde en cas de circonstances aggravantes listées à l'article L222-12 du code pénal, notamment la violence commise en groupe, la préméditation, l'usage d'une arme. En l'espèce ces circonstances aggravantes sont présentes lors de l'agression du suspect. Le père de famille a réuni des amis et voisins pour violemment frapper le suspect, et ont usé d'une "arme", à savoir un câble électrique avec lequel il a été "fouetté" selon l'avocate du mineur de 16 ans. 

Cette vendetta ayant entraîné plus de huit jours d'interruption totale de travail (ITT), une peine de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende est encourue. Si deux circonstances aggravantes sont réunies la peine sera portée jusqu'à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende. Si trois éléments aggravés sont démontrées par l'avocate du mineur accusé d'agression sexuelle sur mineur alors le père de famille peut voir sa peine augmenter à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. 

Bien que le concept de circonstances atténuantes ait disparu du Code pénal en 1992, les juges continuent de prendre en compte les événements autour l'infraction pour fixer la peine. Au regard de l'affaire, à savoir l'agression sexuelle de sa fille âgée de six ans, le juge sera libre de fixer la peine au regard de la défense du père de famille. Les sanctions citées ci-dessus n'étant qu'un seuil maximal.

Une justice expéditive qui ne passe pas pour le procureur de la République

Un comportement déploré par le procureur de la République de Roanne, Abdelkrim Grini : "On ne peut pas accepter que de tels faits soient commis, quand bien même ce jeune homme aurait commis les faits pour lesquels il a été interpellé et mis en examen, ça ne justifie pas et ça ne légitime pas les violences". "Même si je peux comprendre la réaction du père, je ne la cautionne pas. Les violences ont été extrêmement graves. Le jeune homme a été passé à tabac. Ils lui ont mis la tête au carré !" a regretté le procureur.