Gabriel Fortin : témoignage de sa mère, de proches... Le profil du "tueur de DRH" se précise

Gabriel Fortin : témoignage de sa mère, de proches... Le profil du "tueur de DRH" se précise Le procès de Gabriel Fortin s'est ouvert mardi 13 juin à Valence. Cet ingénieur est accusé de trois assassinats et de tentative d'assassinat visant des responsables des ressources humaines et une salariée de Pôle Emploi en janvier 2021.

Enfin des réponses après deux ans et demi de silence ? C'est ce qu'attendent les proches des trois femmes tuées par Gabriel Fortin en janvier 2021. Cet homme est resté mutique depuis son arrestation au milieu du pont Frédéric-Mistral à Valence qui sépare la Drôme et l'Ardèche.

L'accusé a livré ses premiers mots lors du procès ! Invité à réagir à la suite des actes d'accusations, Gabriel Fortin a déclaré : "Je souhaite dire qu'il a beaucoup de mensonges. Ces faits sont des atteintes à ma vie privée (...) j'ai envoyé de nombreuses plaintes", a-t-il énoncé d'une voix "claire et ferme" selon France 3.

La mère de Gabriel Fortin le revoit au procès après plus de deux ans sans aucune interaction

Sa mère, Francine Fortin, a ensuite été invitée à témoigner. Lorsque le président de la cour d'assises l'a invité à regarder son fils, elle a éclaté en sanglots puis lui a adressé la parole : "Pourquoi, tu ne m'a pas parlé ? Je t'en prie, réponds bien aux questions qu'on te pose, essaye de leur dire ce qui s'est passé. Ils ont besoin de faire leur deuil !" Gabriel Fortin a refusé de lui parler puis après une nouvelle requête, il a demandé la parole.

"J'ai alerté le procureur de Valence, le procureur de Chartres (...) le CSM, vous connaissez Monsieur le président ? J'ai alerté le défenseur des droits sur ma situation. J'ai alerté le procureur de Valence, en rouge ! Levez-vous !", a sermonné Gabriel Fortin avant d'être rappelé à l'ordre par le président. Il a poursuivi en lisant un papier : "Les parties civiles n'ont pas à donner des instructions aux témoins. L'affaire est finie."

Un long mutisme durant l'enquête et sa détention provisoire

Gabriel Fortin n'a pas donné toutes les clés de son passage à l'acte durant l'enquête. Il a conservé le silence depuis son arrestation que ce soit lors des interrogatoires, mais aussi face à la juge d'instruction. Cet homme de 47 ans n'a pas souhaité sortir du fourgon pénitentiaire lors des reconstitutions.

"Son périple semble parler lui de même", selon Nicolas Estano, psychologue clinicien, dans le podcast "Tueur de DRH" de la journaliste Marion Dubreuil. L'ordonnance mise en accusation met en lumière une "vengeance froide et déterminée d'un homme intelligent".

L'ordinateur de Gabriel Fortin a éclairé les enquêteurs

Une autre manière de s'exprimer apparaît : l'écrit. Dans ses fichiers d'ordinateurs, dans des écrits retrouvés dans sa cellule, les enquêteurs en apprennent bien plus sur le suspect des trois assassinats et une tentative d'assassinat. Les 15 dernières années sont ainsi retraçables grâce à des milliers de fichiers. Ses notes ont permis à la police de constater que Gabriel Fortin avait préparé avec minutie son parcours meurtrier : il s'est rendu à plusieurs reprises dans les lieux des assassinats, a suivi les carrières des DRH ayant mené ses licenciements, il recense leurs plaques d'immatriculation.

Il a regretté ne pas faire assez la une des journaux sur l'un de ses carnets : "L'impact médiatique a été amoindri et couvert par d'autres affaires médiatiques." En perquisitionnant son domicile, la police avait mis la main sur deux lettres présumées d'adieux destinées à sa mère et à son frère. Il les avait rédigées avant de débuter son parcours meurtrier le 25 janvier 2021. Il les "remerciait pour ces moments". Deux lettres quasiment identiques. 

L'enfance de Gabriel Fortin 

Ses parents, Francine et Jean-Marie, se sont rencontrés à la fac Saint-Jérôme à Marseille à la fin des années 1960. Son père, gabonais, est reparti chez lui alors que sa femme est enceinte de Gabriel, il ne reconnaîtra jamais son fils. Gabriel Fortin est un temps élevé par ses oncles à Marseille. Jean-Marie a également d'autres enfants au Gabon. 

Sa mère l'élève ensuite à Nancy. Elle place sa réussite scolaire au-dessus de tout avec des sanctions physiques en cas d'erreurs. À l'âge de 14 ans, il est obligé d'arrêter le rugby à cause d'une blessure, sa seule activité extra-scolaire alors qu'il a peu d'amis au collège. Il est alors plutôt isolé socialement. En 1999, il décroche un diplôme d'ingénieur. 

Son frère, Olivier, le décrit comme "bizarre et asocial" aux enquêteurs. Ils restent régulièrement plusieurs mois sans se voir. Les retranscriptions de leur SMS dévoilent des échanges impersonnelles avec de courts échanges lors des anniversaires ou des fêtes.

Il n'a pas répondu à sa mère peu avant son arrestation

Francine Fortin confie que son fils était parti en sanglotant lors de leur dernière rencontre, elle sentait la détresse de son fils. Elle lui envoie même un SMS d'inquiétude le 23 janvier, sans réponse. Selon Franceinfo, elle confesse "l'avoir trouvé déprimé et l'a senti 'à bout'" quelques jours avant les assassinats que son fils est accusé d'avoir commis. 

Derrière les barreaux, Gabriel Fortin écrit un brouillon pour rompre tout contact avec sa mère, mais il n'enverra jamais cette lettre. Il ressent "un profond sentiment d'injustice et tente de le faire savoir aux autres avec ses écrits" selon les enquêteurs.

Les victimes et plusieurs femmes étaient espionnées depuis des années

L'accusé vivait seul, sa dernière relation connue, Maud, remonte au lycée, une amourette de quelques semaines. Il tente à deux reprises de la revoir, mais après un déjeuner sans saveur, la deuxième tentative échoue alors que cette femme s'est mariée entretemps. Maud serait "un espoir de normalité" pour Gabriel Fortin selon Nicolas Estano. Il ne supporte pas "d'être rejeté et devient obsédé par cette femme. Il la suit de manière paranoïaque sur les réseaux sociaux à un point de savoir la disposition de son appartement, les horaires des repas et l'école des enfants sont consignés dans son ordinateur."

Le confinement aurait accentué ses fixations : "Il envoie une soixantaine de messages à une femme croisée seulement une semaine près de 15 ans avant à l'occasion d'un stage de parapente". Il suit de manière pathologique les faits et gestes de ces personnes tout comme les trois femmes assassinées. Maud semblait viser par un projet d'assassinat. Selon Le Monde, "le 27 janvier 2021, après avoir tiré sur Estelle Luce et Bertrand Meichel en Alsace, et avant de rejoindre la Drôme, Gabriel Fortin a roulé jusqu'en Île-de-France. La station-service où il s'est arrêté était à une dizaine de kilomètres de l'immeuble où vivait Maud, à Nanterre. Par chance, elle avait déménagé quelques mois plus tôt."

Deux avocats et le procureur de Valence étaient également dans l'œil de Gabriel Fortin. Il avait calculé la distance des cabinets avec les postes de police et de gendarmerie les plus proches et s'était même rendu à Valence pour cartographier le tribunal de grande instance de Valence.