Procès de l'ASE à Châteauroux : "l'horreur" vécue par des dizaines d'enfants se dévoile

Procès de l'ASE à Châteauroux : "l'horreur" vécue par des dizaines d'enfants se dévoile Ce lundi s'est ouvert un procès hors norme à Châteauroux. Dix-neuf personnes sont jugées pour avoir accueilli, sans agrément, des enfants de l'Aide sociale à l'enfance.

"Hors norme". Tel est l'adjectif le plus employé pour qualifier le procès de 18 personnes - le 19e prévenu étant mort en avril dernier - jugées depuis ce lundi 14 octobre et pendant cinq jours au tribunal correctionnel de Châteauroux, dans le Centre-Val de Loire. Elles comparaissent, entre autres, pour violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substance nuisible ou usage de faux en écriture, et risquent jusqu'à dix ans de réclusion.

Pendant sept ans, de 2010 à 2017, l'Aide sociale à l'enfance du Nord a confié des dizaines d'enfants à la structure d'accueil "Enfance et bien-être" basée dans l'Indre, moyennant des indemnités qui s'élèveraient à au moins 630 000 euros sur les sept années - jamais déclarés au fisc, souligne Radio France. Une structure qui ne disposait pourtant pas de l'agrément nécessaire.

Résidentes dans l'Indre, la Creuse et la Haute-Vienne, les familles d'accueil qui se voyaient confier les enfants n'avaient pour leur part pas non plus d'agrément. Pire encore, certaines s'étaient même déjà fait retirer un premier agrément, selon la cellule d'investigation de Radio France et Mediapart, après avoir été condamnées pour... agressions sexuelles sur mineurs. 

L'hospitalisation d'un des enfants à l'origine de l'affaire

Outre l'absence d'agrément, de nombreux enfants confiés ont fait par de violences subies alors même qu'ils étaient placés par celle qu'on appelle encore la DDAS. Du travail forcé aux sévices, en passant par des surdosages médicamenteux ou des humiliations, "ces enfants ont été violentés, insultés, maltraités et le silence est le roi", a déploré lundi en ouverture du procès l'une des avocates des victimes, Me Myriam Guedj-Benayoun.

Au micro de BFMTV, l'avocate s'interroge : "Comment est-ce possible qu'on ne soit pas venu voir où les enfants étaient logés ?", pointant le fait que certains aient été logés "dans des caravanes complètement insalubres, sans eau ni électricité ni chauffage".

À l'origine de l'affaire, l'hospitalisation pour un "accident de vélo" de Mathias. Lui affirme aujourd'hui qu'il s'agissait plutôt d'une violente agression. Alors qu'il dit avoir été soumis quotidiennement à des travaux forcés (tonte de moutons, récolte du maïs, la moisson...), il explique avoir été "poussé sur un poteau métallique" et avoir reçu "une douzaine de coups de pied dans la tête" par la suite, ce qui lui vaudra six jours de coma.

L'ASE absente du banc des accusés

C'est en refusant de retourner chez son bourreau qu'il a finalement mis en lumière ce réseau qui aurait fait potentiellement une soixantaine de victimes, comme le relaie La Nouvelle République. Avec Mathias, Angelina, Kamilia, Maeva et Damien. Ils sont au moins cinq victimes à vouloir témoigner durant ce procès.

Aujourd'hui, les victimes regrettent qu'aucun responsable de l'Aide sociale à l'enfance ne soit sur le banc des accusés. "C'est la première fois qu'un procès pointe directement l'ASE", affirme auprès de l'AFP, dont Le Figaro se fait l'écho, la présidente de l'association Innocence en danger. Selon elle, avec ce procès, "on a l'occasion de crever un abcès gigantesque et d'offrir une seconde chance à des enfants qui ont vécu l'horreur". Car derrière cette affaire, c'est aussi la crise qui touche depuis plusieurs années l'Aide sociale à l'enfance qui est mise en lumière. Faute de moyens, d'argent, de familles d'accueil, d'éducateurs, et face à des enfants toujours plus nombreux à placer, l'ASE peine à tenir la barre.

"On aurait souhaité que l'Aide sociale de l'enfance, la DDAS comme tout le monde l'appelle, soit là pour s'exprimer, mais elle n'est pas là, comme elle n'est pas là depuis le début", déplore auprès de l'AFP l'avocate Me Myriam Guedj-Benayoun, qui concède toutefois auprès de Radio France : "L'ASE, ce sont les pouvoirs publics. La pointer du doigt dans ce procès, c'est prendre le risque de faire s'effondrer tout le système de la protection de l'enfance. Je ne sais pas si nos institutions sont prêtes à ça."