Pourquoi l'influenceur algérien "Doualemn" a-t-il été expulsé puis renvoyé en France ?

Pourquoi l'influenceur algérien "Doualemn" a-t-il été expulsé puis renvoyé en France ? Après la publication d'une vidéo dans laquelle il "appelait à donner une sévère correction à un homme semblant résider en Algérie", l'influenceur "Doualemn", 59 ans, a été expulsé vers Alger, avant d'être renvoyé aussitôt à Paris.

L'influenceur algérien "Doualemn", agent de nettoyage dans une salle de sport, interpellé à Montpellier dimanche dernier, et qui avait été expulsé vers l'Algérie ce jeudi a finalement été renvoyé vers la France, dans la soirée. Son pays d'origine l'a refusé sur le sol national, comme indiqué à l'Agence-France-Presse (AFP) par une source policière. Son avion de retour a atterri à l'aéroport de Roissy, jeudi soir. 

L'homme de 59 ans a ensuite été placé dans un centre de rétention administrative (CRA) au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Mardi dernier, le procureur de la République de Montpellier, Fabrice Belargent, annonçait que l'homme allait être jugé le 24 février prochain pour "provocation à commettre un crime ou un délit", sans le placer en détention provisoire ni sous contrôle judiciaire.

Il reconnaît un "écart de langage"

Suivi sur TikTok par près de 140 000 abonnés, il avait été arrêté puis placé dans le CRA de Nîmes (Gard) avant son expulsion vers l'Algérie, à la suite d'une vidéo publiée sur le réseau social dans laquelle il "appelait à donner une sévère correction à un homme semblant résider en Algérie". Il avait alors fait l'objet d'un signalement par le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, et le préfet de l'Hérault, François-Xavier Lauch. Ce dernier expliquait que la vidéo publiée en arabe appelait à "tuer", "à faire souffrir" et visait "un opposant au régime actuel en Algérie", justifiant le retrait de son titre de séjour et son expulsion du territoire français. 

Problème, le procureur de la République de Montpellier, M. Belargent, a précisé que des traductions de la vidéo en question, "réalisées par deux interprètes expertes (…) établissaient que les mots "tuez-le" n'avaient pas été prononcés" et que la vidéo "ne contenait pas davantage un appel à tuer une personne nommée 'Cohen'". Une chose est sûre, l'influenceur a reconnu un "écart" de langage, qu'il "regrette amèrement", selon son avocat. Il indique que son client n'a "pas lancé d'appel au meurtre". 

Interdit de territoire en Algérie

Aussitôt arrivé, aussitôt reparti. "Doualemn", 59 ans, a tout simplement été recalé lorsqu'il a posé le sol sur le territoire algérien, ce jeudi. Les autorités locales l'avaient en réalité "interdit de territoire", comme indiqué par une source policière auprès de l'Agence-France-Presse (AFP). "La suite dépendra des discussions avec Agler", précise une source proche du dossier auprès du quotidien Le Figaro.

Justement, les discussions avec Alger pourraient être relativement compliqués étant donné les relations diplomatiques tendues entre l'Algérie et la France. Ces derniers jours, plusieurs influenceurs algériens ont été interpellés. Comme "Zazou Youcef", suivi par plus de 400 000 abonnés sur le réseau social TikTok et arrêté à Brest la semaine dernière. ll avait appelé à commettre des attentats en France dans de récentes vidéos, notamment contre les opposants au régime algérien dans l'hexagone. Tous les détails sont disponibles dans cet article, publié le 3 janvier dernier.

Boualem Sansal, baromètre du climat diplomatique entre Paris et Alger

Le cas de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal est l'illustration parfaite des tensions entre la France et l'Algérie. Placé en détention provisoire, il est accusé d'"atteinte à l'intégrité du territoire national", ce qui est assimilé à un acte terroriste. Il risque ainsi la réclusion à perpétuité, voire la peine de mort. Ecrivain à succès, Boualem Sansal est connu pour sa posture critique vis-à-vis du régime algérien et de l'islamisme. Plusieurs de ses livres ont même été censurés en Algérie, mais sont par exemple publiés en France. En 2015, il est lauréat du grand prix du roman de l'Académie française pour son roman 2084 : la fin du monde, aux éditions Gallimard. Malgré les menaces, il n'a jamais accepté de se coucher sous les pressions d'Alger et revenait même "régulièrement" dans son pays, précise le journal Marianne. 

Les autorités algériennes n'ont pas digéré l'appui d'Emmanuel Macron au plan d'autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental, en juillet dernier. Ancienne enclave espagnole, cette zone est majoritairement contrôlée par le Maroc, mais revendiquée par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenu par Alger. Depuis que le chef de l'Etat français a reconnu la souveraineté du Maroc sur ce territoire, la neutralité de Paris n'est plus et les relations avec Alger sont délicates.

En direct

"L'Algérie cherche à humilier la France", la gronde de Retailleau

Colère de Bruno Retailleau. Le ministre de l'Intérieur a réagit après le fiasco de l'expulsion de l'influenceur algérien "Doualemn" vers son pays d'origine, avant d'être renvoyé en France quelques heures plus tard, jeudi. "Avec l'Algérie, on a atteint un seuil extrêmement inquiétant. L'Algérie cherche à humilier la France", a lancé le locataire de Beauvau, ce vendredi 10 janvier. 

Un appel à la violence contre tout opposant au régime algérien

Au sujet des faits qui sont pour l'heure reprochés à "Doualemn", le ministère de l'Intérieur explique - toujours dans un document lu par BFMTV - que l'homme de 59 ans "appelle ses concitoyens algériens à la violence contre un individu opposant politique au régime algérien et, de manière générale, contre tout autre opposant au régime". Il évoque "également des actes de torture pratiqués par les forces de l'ordre" algériennes.

Dans certaines vidéos, "il légitime et cautionne l'idée selon laquelle il ne faudrait pas prendre en charge médicalement les personnes torturées", indique la chaîne d'information en continu. "Il ne peut être exclu que les représailles auxquelles il invite soit également dirigées contre des Algériens résidant sur le territoire national", alerte le document.

Une "urgence absolue", ce que contient l'arrêté d'expulsion

BFMTV annonce ce vendredi avoir pu consulter l'arrêté d'expulsion qui a été pris contre "Boualem", l'influenceur algérien expulsé vers l'Algérie et aussitôt renvoyé en France, ce jeudi. Une expulsion qui présente "un caractère d'urgence absolue". L'homme de 59 ans est "entré une première fois irrégulièrement en France en 1988 à l'âge de 23 ans " et "s'est inscrit dans la délinquance de droit commun", peut-on lire.

"Il s'est rendu coupable de multiples infractions et a été condamné à six reprises pour un quantum total de peine de 11 ans et 8 mois", notamment pour des faits de transport de stupéfiants. Le document précise que l'influenceur algérien a bénéficié en février 2010 d'une régularisation de sa situation en 2010 en qualité de parent d'enfant français.