Civils tués dans une distribution d'aides à Gaza : des individus "suspects" visés ?

Civils tués dans une distribution d'aides à Gaza : des individus "suspects" visés ? L'armée israélienne a donné de nouveaux éléments sur l'incident meurtrier survenu lors de la distribution d'aides sur la bande de Gaza, le 29 février. 155 civils auraient été tués par Tsahal selon le Hamas.

Une semaine après la scène de chaos lors d'une distribution d'aide humanitaire, le 29 février à Gaza, Tsahal a apporté des précisions sur l'événement, vendredi 8 mars. Ce jour-là, 115 personnes auraient été tuées selon les autorités du Hamas après que des soldats israéliens aient "tiré précisément sur plusieurs suspects", d'après Tsahal. L'armée israélienne s'était en effet défendue d'avoir mené "des tirs limités" sur la foule dont elle s'était sentie "menacée". Dans un premier communiqué, il était expliqué que "l'examen mené par le commandement a révélé que les troupes (israéliennes) n'ont pas tiré sur le convoi humanitaire, mais qu'elles ont tiré sur un certain nombre de suspects qui s'approchaient (de soldats israéliens) et présentaient une menace".

Tsahal a affirmé, vendredi dans un nouveau communiqué, que "pendant que les camions se dirigeaient vers les centres de distribution, un rassemblement violent d'environ 12 000 habitants de Gaza s'est formé autour d'eux, qui ont pillé le matériel qu'ils transportaient". L'armée israélienne explique qu' "au cours de ces pillages, des civils ont été gravement blessés et les camions les ont écrasés". Des habitants de la bande de Gaza se seraient alors "approchés, à une distance de quelques mètres, des forces de l'armée et ont ainsi constitué une menace réelle pour les forces en présence". Les soldats de Tsahal auraient donc tiré sur certains civils pour les faire reculer puis auraient continué de tirer "pour éliminer la menace", toujours selon l'armée.

L'incident fera l'objet d'une enquête, ont déclaré les forces israéliennes qui ont affirmé qu'ils déployaient "de nombreux efforts pour permettre le transfert de l'aide humanitaire vers la bande de Gaza".

Deux versions différentes

D'après le groupe islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza, une foule de personnes affamées s'est ruée sur un convoi de camions remplis d'aide alimentaire et sécurisés par les forces israéliennes. Ces dernières auraient, selon le Hamas et différents témoignages de Palestiniens, ouvert le feu sur les civils à plusieurs reprises faisant de nombreux morts et blessés. Après le drame, l'armée israélienne assurait, images de drone diffusées sur les réseaux sociaux à l'appui, que l'incident s'est produit alors que des Gazaouis auraient encerclé le convoi et pillé l'aide humanitaire.

Le bilan très lourd dressé par le Hamas comme les circonstances du drame restent incertains, mais l'incident a provoqué de nombreuses et vives réactions à l'international. Emmanuel Macron a fait part de sa "profonde indignation face aux images qui nous parviennent de Gaza où des civils ont été pris pour cible par des soldats israéliens" sur X, ancien Twitter. "J'exprime ma plus ferme réprobation envers ces tirs et demande la vérité, la justice et le respect du droit international" a ajouté le président de la République rappelant que "toutes les populations civiles doivent être protégées" et qu'un "cessez-le-feu doit être mis en place immédiatement pour permettre à l'aide humanitaire d'être distribuée". "Ce qui se passe est indéfendable et injustifiable. Cette situation doit cesser" a renchérit le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, sur France Inter. Le ministre a également exigé "des explications et estimé qu'il 'faudra une enquête indépendante pour déterminer ce qu'il s'est passé". 

"112 morts et 750 blessés" selon le Hamas

Seul le ministère de la Santé du Hamas a avancé un bilan chiffré après les tirs lors de la distribution d'aide alimentaire. Il parle d'un "massacre" qui a fait "112 morts et 750 blessés". L'agence de presse américaine Associated Press compte également plus de 100 morts, mais le nombre de victimes reste encore incertain. Plusieurs hôpitaux de Gaza ont indiqué avoir reçu plus d'une dizaine de corps et des dizaines de blessés, à l'instar du directeur de l'hôpital Kamal Adwan de la ville de Gaza, Hussam Abu Safieyah. "Nous ignorons combien d'autres victimes ont été conduits vers d'autres hôpitaux" a-t-il précisé auprès de Reuters. L'organisation humanitaire du Croissant-Rouge en Palestine a indiqué auprès d'Al-Jazeera que 25 de ses employés auraient été tués dans l'attaque de ce jeudi.

Vives condamnations à l'international

Le drame a suscité de vives réactions dans le monde. Le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a fait savoir qu'il condamnait l'événement. En France, le Quai d'Orsay a fait part, dans un communiqué, de sa "très vive émotion". "Les tirs par des militaires israéliens contre des civils tentant d'accéder à des denrées alimentaires sont injustifiables", a condamné Paris, qui a réclamé que "toute la lumière soit faite". Sur X, le chef de la diplomatie italienne, Antonio Tajani, a déploré "les morts tragiques à Gaza" et appelé "à un cessez-le-feu immédiat pour permettre davantage d'aide humanitaire". De son côté, la Turquie a qualifié la tragédie de "nouveau crime contre l'Humanité", jugeant que ce drame "est la preuve qu'[Israël] vise à détruire consciemment et collectivement le peuple palestinien". Condamnation unanime également des pays arabes du Golfe. Enfin, Washington a déclaré attendre "des réponses" de la part de son grand allié Israël.

Les prémisses d'une famine à Gaza ?

Les tirs observés ce jeudi sont intervenus après l'annonce d'un nouveau bilan par le ministère de la Santé du Hamas, selon lequel "plus de 30 000" personnes ont été tuées dans les opérations militaires israéliennes à Gaza depuis le début de la guerre, qui a éclaté le 7 octobre dernier. Les renseignements américains dressent un bilan de "plus de 25 000 femmes et enfants palestiniens" tués depuis le début du conflit, comme l'a annoncé le chef du Pentagone ce jeudi 29 février. Un chiffre qui ne tient donc pas compte des victimes masculines, dont les combattants du Hamas.

Ce nouveau drame de la guerre entre Israël et le Hamas traduit la situation de famine qui menace forment la bande de Gaza et contre laquelle l'ONU met en garde depuis plusieurs mois. Les Nations Unies estiment que 2,2 millions de Gazaouis, soit la quasi-totalité de la population, sont menacés par la famine. L'aide humanitaire acheminée n'est pas suffisante pour pallier les dommages de la guerre. D'après l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, quelques 2 300 camions d'aides sont entrés dans la bande de Gaza au moins de février, en moyenne 82 camions par jour, soit moitié moins que ceux acheminés dans l'enclave en janvier. La même agence explique qu'avant la guerre 500 camions humanitaires entrés quotidiennement des Gaza.