Dieudonné : malade et sur le point de quitter la France, il rédige une lettre d'excuses

Contre toute attente, l'humoriste et polémiste Dieudonné a "demandé pardon" à la communauté juive dans une lettre d'excuses publiée dans le média "Israël Magazine". Il y évoque également être malade et vouloir s'installer au Cameroun.

"Je demande pardon". Voici le titre de la lettre signée Dieudonné et publiée dans le média franco-israélien "Israël Magazine". Tant la surprise est grande, Le Parisien a pu obtenir de l'humoriste que cette tribune était bien écrite de sa main. Dans cette lettre, il demande "pardon". "Pardon à toutes celles et ceux que j'ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques", écrit-il.

L'homme franco-camerounais a été condamné à de multiples reprises par la justice française pour injure antisémite ou encore pour contestation de crime contre l'humanité. En 2009, par exemple, la justice française l'avait condamné à 10 000 d'amendes pour avoir fait monter sur scène le négationniste Robert Faurisson. L'affaire était même aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme qui en 2015 avait débouté Dieudonné car "la Convention européenne des droits de l'homme ne protège pas les spectacles négationnistes et antisémites", avait répondu la CEDH. Dieudonné avait également été condamné en Suisse pour propos négationnistes.

Vives réactions après la lettre d'excuses de Dieudonné

Plusieurs personnalités ont réagi à la lettre d'excuses de Dieudonné. Parmi elles, sans surprise, des personnes qui se sont retrouvées confrontées à lui en justice. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le mea culpa de Dieudonné ne passe pas. Ainsi, l'écrivaine Rachel Khan, invectivée par Dieudonné dans une vidéo en octobre 2020 qui avait alors estimé qu'elle resterait "une pauvre négresse à la fin de l'histoire", a déclaré sur Twitter, non sans rappeler les faits : "Condamné pour injure à raison de l'ethnie, race, religion. I.Soskin et R.Malka m'ont informé qu'il a fait appel. Ce qui semble être l'inverse d'un pardon."

Dans les colonnes du Point, mercredi 11 janvier, elle est également revenue sur la lecture de la lettre de Dieudonné par Cyril Hanouna sur le plateau de TPMP, mardi. "J'ai trouvé cela fou", a-t-elle déclaré, dénonçant le fait que l'émission n'est "ni le lieu ni le cadre" pour faire ça. "Républicaine, je crois aux tribunaux, pas aux médias, ni à Cyril Hanouna endossant le rôle de procureur", a-t-elle estimé, jugeant que "c'est à la justice de tirer les conséquences" et qu'"il ne suffit pas de faire diffuser une lettre pour s'en disculper". Pour elle, "cela se réglera devant les tribunaux. Si Dieudonné tient à demander pardon, qu'il vienne au tribunal, devant les représentants de la loi et de la justice." Auprès du Dauphiné libéré, Me Guenoun, qui a été le tout premier à attaquer en justice Dieudonné, a également réagi à la lettre d'excuses du polémiste. Lui  non plus n'accepte pas ses excuses du polémiste.

Une lettre en guise d'adieu à la scène

Dieudonné Mbala Mbala demande donc aujourd'hui "pardon". Dans cette lettre où il annonce "vouloir quitter la scène en paix" car sa santé "l'invite" à partir en retraite au Cameroun, il y a déclaré que son "ambition était de faire rire tout le monde, et la communauté juive fait partie de mon monde". Et de poser sur le papier de profonds regrets sur ces dernières années, : 

"Cela fait 35 ans que j'exerce la profession d'humoriste. Bien plus qu'un métier, cette fonction fut pour moi une véritable passion, un sacerdoce pour lesquels j'ai consacré l'essentiel de mon existence et de mon énergie, au détriment souvent de mon entourage le plus proche, et notamment de mes sept enfants, que je n'ai quasiment pas vus grandir. Je saisis l'occasion qui m'est donnée ici pour leur demander pardon et de leur redire à quel point je les aime. Je tiens également à demander pardon à toutes celles et ceux que j'ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive, avec lesquels je reconnais humblement m'être laissé aller au jeu de la surenchère", écrit-il.

Le directeur d'Israël Magazine, André Darmon a accepté de publier cette lettre car il a "préféré que l'humoriste écrive ce qu'il avait à dire à ceux qu'il avait tant maltraités, les Juifs, et auxquels il voulait demander pardon". Il dit plus loin, vouloir laisser le public en juger. Le directeur de publication a également expliqué au Parisien avoir été contacté par son ami Francis Lalanne pour que Dieudonné et André Darmon se rencontrent, ce dernier a préféré le format écrit. 

Une démarche "sincère" ?

Interrogé sur la lettre de Dieudonné, son avocat Me Emmanuel Ludot a répondu mardi soir sur le plateau de TPMP. L'avocat a donc défendu une lettre d'excuse "sincère". Il a également ajouté sur le canal 8 de la TNT que l'humoriste avait eu "une prise de conscience" depuis quelques années de ne "pas pouvoir rire de tout". 

Sa retraite au Cameroun, car "pas en bonne santé" selon avocat, interroge. Est-il parti pour fuir le fisc ? L'avocat a répondu "qu'il se faisait un point d'honneur que toutes les condamnations soit exécutées et payées car on ne peut pas demander pardon et avoir des dettes", a-t-il admis. Pourtant en octobre dernier, comme le révélait Libération, c'est son ancienne compagne Noémie Montagne qui avait porté plainte contre lui pour des faits de "harcèlement" et "d'escroquerie". Il risque alors jusqu'à cinq ans de prison et 375 000 euros d'amendes selon l'article 313-1 du code pénal. 

En 2021, la cour d'appel de Paris avait condamné à trois ans d'emprisonnement, dont deux ferme, et de 200 000 euros d'amende pour fraude fiscale, blanchiment, abus de biens sociaux ou encore organisation frauduleuse de son insolvabilité. En effet, les conseillers ont reconnu que l'humoriste avait détourné plus d'un million d'euros de recettes non comptabilisées lors de ses spectacles au théâtre de la Main d'Or dans le 11ème arrondissement parisien.

Un spectacle antisémite joué en Suisse quelques jours avant la lettre ?

Pourtant comme l'a révélé le média suisse RTS, malgré son interdiction de jouer son spectacle en Suisse, il aurait menti sur son identité pour pouvoir jouer son spectacle dans le théâtre de l'Uptown. Le directeur de la salle a expliqué au média avoir "loué la salle pour la présentation d'un film, avec éventuellement la participation de Frank Dubosc, mais en aucun cas pour un spectacle comme celui-ci". Dans ce spectacle joué samedi 7 janvier, Dieudonné y aurait interprété "un sketch qui tourne en dérision la Shoah". Difficile à suivre. Comme l'a indiqué au Parisien le directeur de publication d'Israël Magazine, le temps dira si Dieudonné était sincère.

Un projet de spectacle tombé à l'eau avec Jean-Marie Bigard 

Jean-Marie Bigard avait pour projet de monter sur scène avec Dieudonné et de faire un spectacle "Foutu pour Foutu". Cependant, l'humoriste de 68 ans aurait eu peur de ne plus pouvoir participer à l'émission des Grosses têtes sur RTL s'il collaborait avec Dieudonné. Début août 2022, Jean-Marie Bigard, a donc décidé de mettre fin à sa collaboration avec Dieudonné, "compte tenu des pressions" qu'il aurait subies, écrivait-il sur les réseaux sociaux.

En novembre 2022, Dieudonné sortait un livre retraçant l'histoire de ce spectacle annulé intitulé "Bigard et Dieudo : carnet de bord d'un spectacle interdit". Dans le synopsis, Dieudonné dit revenir "sur les pressions qui ont forcé un artiste tel que Jean-Marie Bigard à se coucher". 

Selon une enquête de Libération, lors de l'ouverture de la billetterie, cette collaboration entre Jean Marie Bigard et Dieudonné "n'existait pas" mais des billets non remboursables ont quand même été vendus. Libération parle donc d'une escroquerie. Ainsi, au contact du journal, Jean-Marie Bigard aurait parlé de "vol".