Un nouveau quinquennat perdu pour les réformes ?
A l'occasion de l'anniversaire de l'élection de Nicolas Sarkozy, et tandis que la campagne pour 2012 débute, L'Internaute a demandé à une série d'experts de faire un premier bilan du quinquennat qui s'achève. La tribune de Terra Nova.
Que retenir du quinquennat de Nicolas Sarkozy dans le domaine des réformes économiques et sociales ? La réponse n'est pas aisée, tant les effets de la crise financière rendent difficile le bilan exact des réformes lancées depuis mai 2007.Les implications de la crise ont été majeures. Une explosion historique des déficits et de la dette publique française, une envolée du chômage notamment des jeunes et des peu qualifiés, la disparition de plus de 110 000 emplois industriels depuis 2007 et une pauvreté, une exclusion et une précarité dans l'emploi qui n'ont cessé de continuer à progresser : depuis 2008, l'économie française ne créé plus ni pouvoir d'achat, ni emplois stables puisque 90 % des emplois créés depuis un an et demi l'ont été sous forme de CDD ou d'intérim !
Face à cette crise, la France aura lancé comme les autres un plan de relance, financé par la dette, ni plus grand, ni plus limité que les autres, qui aura amorti le choc de la crise sans toutefois poser les bases d'un réinvestissement pérenne de notre pays dans son économie.
Toutefois, la crise n'explique pas tout. En matière de croissance et de finances publiques, le paquet fiscal, voté à l'été 2007, n'a pas relancé la croissance mais s'est traduit par un véritable "choc historique" sur les finances publiques, avant même l'entrée dans la crise.
Dans le domaine de l'emploi, la "réhabilitation de la valeur travail", l'assouplissement des 35 heures, la flexibilisation du marché et du code du travail, ou encore la "responsabilisation" des chômeurs ont tourné court face à l'explosion des plans sociaux et à l'envolée du chômage pendant la crise. L'emploi des jeunes et des séniors a continué à se dégrader depuis 2007 et la crise aura détruit plus de 110 000 emplois industriels.
De même, en matière de compétitivité, les problèmes structurels de notre pays n'ont pas été résolus loin de là. En cause, le maintien d'une stratégie de compétition salariale par les prix, plutôt que par l'innovation, qui n'aura pas permis corriger nos problèmes structurels de compétitivité et la fragilité de notre spécialisation industrielle et de nos entreprises dans la mondialisation. A 50 milliards d'euros, jamais la France n'a connu un déficit commercial aussi élevé qu'aujourd'hui.
Notre appareil productif demeure en panne de compétitivité et notre tissu de PME reste affaibli, faute d'investissements suffisants, notamment dans le secteur industriel. La France ne manque pas d'épargne, mais le capital en France part s'investir ailleurs, dans des projets de développements à l'étranger, pour y produire et créer des emplois, au lieu de le faire en France. Résultat : une balance des investissements directs déficitaire d'une centaine de milliards d'euros par an, et de très grandes entreprises qui n'investissent pas suffisamment dans nos PME.
Paradoxe pour celui qui voulait mettre à bas le "modèle social français", ce sont les dépenses sociales et les stabilisateurs automatiques (indemnisation du chômage, accroissement des transferts sociaux) qui auront surtout protégé les Français pendant la crise.
Si seulement la France avait mis à profit cette période pour poser les bases d'une nouvelle croissance ! Mais le bilan est là aussi limité. Les promesses du Grenelle de l'environnement, de refonte globale de la fiscalité, ou de réforme structurelle de la sphère publique ont elles aussi accouché de résultats limités et souvent contestables.
Vouloir poursuivre trop d'objectifs à la fois n'aura-t-il pas l'autre erreur de ce quinquennat ? La multiplication des réformes dans tous les domaines a obscurci la lisibilité de l'action. Très vite, le slogan de la réforme permanente se sera délité sous le poids de mesures et de décisions tantôt brouillonnes, tantôt incohérentes, tantôt prises à revers par la crise.
Le rythme des textes législatifs se sera certes indéniablement accéléré mais la réalité n'a pas suivi. Les mutations ont été plus souvent engagées qu'elles n'ont été achevées, comme c'est le cas pour la Révision générale des politiques publiques ou la réforme de l'université.
Mal préparées, lancées souvent sans concertation après avoir été annoncées dans la précipitation, les réformes emblématiques du quinquennat - assouplissement du marché du travail, réforme de l'Etat, réforme des régimes spéciaux de retraite - se sont soldées par des bilans limités.
Surtout, le gouvernement n'a pas su expliquer suffisamment le projet de société sous-tendant les réformes entreprises. La prochaine majorité devra également, et quelle qu'elle soit, réconcilier les Français avec l'idée même de la réforme.