Des rumeurs sur le scrutin municipal 2014
[Mis à jour le 30/03/14 à 19h52] Immuable et sans possibilité d'y échapper pour ceux qui ont pignon sur rue. C'est à 20h00 que les médias sont officiellement autorisés à communiquer les résultats des municipales, dans les communes qui sont en mesure de fournir les données des premiers dépouillements. Mais à l'heure du Web 2.0, difficile d'éviter sur les réseaux sociaux la propagation des informations sur le scrutin, notamment sur Twitter, où les données essentielles peuvent être mises en ligne en 140 signes seulement. Le hashtag #RadioLondres propage en ce moment même des chiffres sous couvert de messages codés sur la "couleur bleue du ciel" à Paris, l'état des "parterres de roses" à Strasbourg ou encore sur le pseudo "régiment de Marine" de Béziers... Et les fuites ne concernent pas que les grandes tendances nationales. Associer le hashtag #RadioLondres avec le nom d'une ville dans le moteur de recherche de Twitter permet également d'obtenir des données sur le scrutin.
Le hashtag de l'AFP "mun + code postal" est aussi utilisé par certains twittos, comme lors du premier tour. Dans la grande majorité des communes de France, le scrutin est clos à partir de 18h ou de 19h, seules les grandes villes étant concernées par le fermeture à 20 heures. Sur les 6500 villes où un second tour a lieu aujourd'hui, il est donc possible aux sondeurs et aux particuliers d'obtenir les premières tendances des dépouillements bien avant l'heure légale. Il arrive même parfois que le vainqueur dans certains bureaux de votes uniques, voire dans une ville où il n'y en a qu'une poignée, soit connu avant 20h. La promulgation "physique" des résultats par procès verbal est en effet obligatoire dans chaque bureau à l'issue du dépouillement. Mais la loi interdit pourtant que soient communiqués par voie de presse ces résultats, bien qu'ils soient affichés officiellement dans les bureaux de vote. C'est cette absurdité juridique, entre autres, qui permet à certains d'avoir accès à des fuites avant 20h, puisque toute personne présente dans un bureau de vote où sont dépouillés les bulletins (et parfois proclamés les résultats avant l'heure) en a connaissance.
Dimanche dernier déjà, plus d'une heure avant la publication officielle des résultats du premier tour, des messages indiquaient, avec plus ou moins de transparence et de pertinence, que "Paris aime l'Espagne ! #RadioLondres", que "Bordeaux serait en jupe ! #RadioLondres" ou prévoyaient "un ciel bleu marine dans le Gard ! #RadioLondres". Alors que la campagne officielle se termine le vendredi à minuit,interdisant dès lors toute propagande électorale, de nombreux messages militants ont également été postés sur Twitter tout au long du week-end et continent à accompagner des estimations non sourcées dans le flou le plus total.
Mais les réseaux sociaux ne sont pas les seuls pourvoyeurs d'informations avant la prise d'antenne des grandes chaînes de télévision. Certains sites Internet étrangers mettent eux aussi en ligne en ce moment même les informations dont ils disposent sans respecter l'embargo imposé par le code électoral dans l'Hexagone. Il s'agit principalement de sites de médias belges et suisses, qui ne sont pas soumis à la loi française. Dimanche dernier, avant les résultats du premier tour, la Tribune de Genève avait livré dès 18 heures de grandes estimations nationales. La Libre Belgique donnait quant à elle plusieurs estimations dans des villes convoitées par le Front national.
Les rumeurs sur les résultats des municipales peuvent aussi avoir une autre source que qu'un compte Twitter, difficilement identifiable. Quand les fuites ne viennent pas d'un électeur passionné (ou militant), présent lors d'un dépouillement, elles peuvent venir tout simplement d'un institut de sondage. Ces derniers réalisent en effet un bon nombre d'enquêtes tout au long de la journée d'élection et notamment des estimations à partir des premiers bulletins dépouillés à 18 heures. Les électeurs sondés à la sortie des urnes peuvent aussi venir constituer des statistiques exclusives, vendues aux télévisions pour le début des directs, à 20 heures. Une fuite chez le sondeur ou chez son client (titre de presse, radio ou chaîne de télévision) suffira pour propager estimations et rumeurs avant l'heure légale.
A la Commission des sondages, on ne sait pas exactement d'où peuvent provenir de telles fuites, mais on se montre sceptique. Quel intérêt aurait un institut de sondage, grassement rétribué par une chaîne de télévision pour lui fournir dès 20 heures des estimations en exclusivité, à laisser échapper ces chiffres dans d'autres médias avant l'heure ? Il est possible que les chiffres de certains médias, présentés comme les toutes premières tendances du scrutin, ne soient en réalité qu'une série de moyennes des sondages publiés plusieurs semaines avant le scrutin. Dimanche dernier, la tribune de Genève se contentait de mentionner ses propres "estimations à quelques heures de la fin du scrutin", sans donner plus de détails sur la source.