Le gouvernement Valls anticipe-t-il la légalisation du cannabis?
Le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement a-t-il lancé un "ballon d'essai" ? Les déclarations de Jean-Marie Le Guen, qui s'est dit sur BFMTV "personnellement" favorable à la dépénalisation du cannabis, ont en tout cas provoqué un tollé à droite. Ce mardi matin, plusieurs membres du gouvernement se sont précipités pour fermer la porte à toute polémique. Le premier d'entre-eux, Stéphane Le Foll, a été des plus clairs : "Ce n'est pas la position du gouvernement". Pour le porte-parole du gouvernement, proche de François Hollande, "si le Parti socialiste veut débattre, c'est tout à fait légitime. Mais il n'y a pas sur ce sujet d'autre position que celle qui a été exprimée jusqu'ici par le Premier ministre et le président de la République".
Les déclarations de Jean-Marie Le Guen, qui souhaite précisément réfléchir à des "mécanismes de légalisation contrôlée" et en faire l'un des débats de la présidentielle 2017, ne sont pourtant pas un hasard. Venant d'un proche de Manuel Valls, elles prennent même des allures de test, alors que dans une semaine jour pour jour, l'ONU organise une session extraordinaire sur la question (UNGASS, pour "United Nations General Assembly Special Session"). Une réunion exceptionnelle, du 19 au 21 avril, qui pourrait aboutir à un changement de cap à l’échelle mondiale sur la politique de lutte contre les stupéfiants. Car la répression, qui reste majoritaire dans le monde, est héritée d'un traité international de lutte contre les drogues datant de 1961. Les Nations unies avaient alors choisi d'"éradiquer les trafics de stupéfiants" et même "l'usage des drogues", avec en ligne de mire 2019. L'assemblée devait se réunir en 2018 pour un bilan. La réunion a été avancée en urgence de deux ans.
EN VIDEO - La sortie de Le Guen sur le cannabis a enflammé les réseaux sociaux.
Légaliser le cannabis : une perspective lointaine, mais crédible
Car force est de constater que trois ans avant l'échéance de 2019 et malgré plusieurs confirmations de cette ligne dure (notamment lors d'une assemblée extraordinaire en 2008 à New York), l'objectif n'est pas atteint. Selon le dernier rapport de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), "les Européens dépensent chaque année plus de 24 milliards d'euros en drogues illicites". Et les avis d'experts, notamment de scientifiques, médecins et spécialistes des politiques sanitaires, se multiplient pour critiquer les lois actuelles. Le manque de prévention sur l'usage des drogues aurait notamment facilité la propagation du Sida et de l' hépatite C. Le trafic de drogue et l'économie souterraine qu'il alimente auraient en outre permis à de puissants réseaux de se développer, certains ayant des ramifications avec le trafic d'armes, le business des passeurs ou encore le terrorisme.
L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a déjà reconnu l'échec de la politique instaurée en 1961. Une politique qui aurait une "conséquence inattendue dramatique : un marché noir aux proportions gigantesques [...], entre les mains de criminels qui peuvent déstabiliser des Etats, corrompre des fonctionnaires". Il semble ouvrir une brèche dans laquelle pourraient s’engouffrer plusieurs pays qui veulent introduire un changement radical. Le Mexique, la Colombie et le Guatemala, plombés par le trafic de drogue et ses cartels, ont l'intention de capitaliser sur de puissantes nations ayant elles-mêmes légalisé l'usage récréatif de la marijuana, comme les Etats-Unis, où plusieurs Etats permettent la vente légale de cannabis. Certaines organisations, favorables à la dépénalisation, pourront en outre participer aux tables rondes à New York. Une première qui semble aller elle aussi vers une inflexion du tout répressif.
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, lui-même, a déjà appelé les pays participants " à mener un débat large et ouvert qui considère toutes les options".