Affaire Denis Baupin : nouvelles réactions et révélations sur le mari d'Emmanuelle Cosse

Affaire Denis Baupin : nouvelles réactions et révélations sur le mari d'Emmanuelle Cosse EMMANUELLE COSSE - Depuis les accusations graves de harcèlement publiées par Médiapart et France Inter, les commentaires à l'endroit de Denis Baupin se multiplient.

[Mis à jour le 11 mai 2016 à 12h27] L'affaire Denis Baupin a désormais de multiples dimensions et ramifications. Témoignages, accusations graves, commentaires, démission de l'intéressé, plainte en diffamation, enquête de la justice, réaction de la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse - son épouse. Un véritable feuilleton qui nécessite, pour en rendre compte, de veiller à respecter les procédures - Denis Baupin doit bénéficier de la présomption d'innocence - et autant que faire se peut, l'intégrité morale de toutes les parties.

Après les révélations de France Inter et de Mediapart lundi, qui ont publié les témoignages de huit femmes accusant le député écologiste de harcèlement sexuel voire d'agressions, Denis Baupin a porté plainte en diffamation. Celui qui a été contraint de quitter sa fonction de vice-président de l'Assemblée nationale lundi, a décidé d'attaquer devant les tribunaux les deux médias, mais pas les personnes ayant décrit des comportements délictueux à son encontre. Denis Baupin conteste tous les fais qui lui sont reprochés selon son avocat.

Le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire. Dans un communiqué, le parquet indique que les "allégations" parues dans la presse portent "sur des faits susceptibles d'être qualifiés d'agressions sexuelles, harcèlements sexuels, appels téléphoniques malveillants". Mais il écrit également qu'à ce stade, "aucune plainte relative à ces faits n'a été reçue" et que "l'enquête va s'attacher à recueillir les témoignages des victimes présumées".

De nouvelles révélations sur Denis Baupin

Depuis que les accusations ont été rendu publiques, de nombreux commentaires ont afflué, certains sont même de vraies révélations. Cécile Duflot a ainsi admis mardi soir sur France 5 qu'elle avait bien eu connaissance "il n'y a pas si longtemps" de la présumée agression de Sandrine Rousseau, la porte-parole lui aurait "raconté l'histoire". L'ancienne ministre a-t-elle minimisé les faits ? Elle, considère qu'elle ne pouvait pas imaginer que Denis Baupin puisse être un homme aussi malveillant : "Que c'était un goujat, oui, que c'était un harceleur dans ces proportions-là (...), non. Il faut dire la vérité", a-t-elle répondu lorsqu'elle a été interrogée sur sa réputation. Et d'ajouter, plus tard : "Il y a beaucoup de Denis Baupin à l'Assemblée". Commentaire de Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement ce mercredi sur iTélé : Si elle a dit ça, ça veut dire qu'elle sait des choses. [...] si Cécile Duflot sait des choses, il faut qu'elle le dise !".

"Six ou sept (nouveaux) témoignages ont été adressés, à nous ou aux journalistes de France Inter et Mediapart concernant Denis Baupin", a fait savoir mardi une responsable de EELV, Maryse Oudjaoudi, ajoutant : "J'espère que ce n'est que le début". Sandrine Rousseau affirme elle-aussi avoir reçu "des contacts de personnes qui (lui) disent qu'elles veulent parler".

Une journaliste de Radio France, Nathalie Fontrel (spécialiste sur France Inter des questions d'écologie", assure elle-aussi avoir été harcelée "dans l'indifférence générale". L'affaire Baupin délie donc les langues, plus largement, sur les comportements sexistes graves devenus banals dans le monde politique. Une tribune dans Libération, publiée hier, et une pétition en ligne appellent les responsables politiques à "lever l'omerta", à multiplier les témoignages à l'encontre de ceux qui ont des gestes délictueux.

Emmanuelle Cosse "touchée"

La ministre du Logement Emmanuelle Cosse s'est exprimée quant à elle hier sur France Info, au lendemain des révélations qui ont frappé de plein fouet son mari. L'épouse de Denis Baupin a affirmé qu'elle n'avait jamais été informée des faits reprochés avant de l'apprendre "par la presse" hier. "Si ces faits sont avérés, il faut que ces faits soient réglés devant la justice, et s'ils ne sont pas avérés, il faut aussi que ce soit réglé devant la justice", a-t-elle déclaré, ajoutant qu'il demeure selon elle "important que le combat de la cause des femmes ne soit pas abandonné et pas lâché dans cette affaire".

Suspectée d'avoir voulu camoufler les agissements présumés de Denis Baupin quand elle était à la tête d'Europe Ecologie-Les Verts, Emmanuelle Cosse dément avoir occulté des actes délictueux de la part de son mari. Mais elle n'a pas répondu directement aux accusations d'Yves Contassot, député de Paris, qui la soupçonne d'avoir verrouillé tout débat au sein d'EELV sur le cas Baupin : "J'ai été secrétaire nationale pendant deux ans. Je n'ai jamais été saisie sur ces faits. L'an passé, une militante a dit qu'elle avait eu connaissance de faits d'agressions sexuelles au sein du parti. J'ai rappelé des choses très simples : il faut transmettre ces faits à la justice, nous avons pris des positions immédiatement".

VIDEO - "J'ai confiance en mon conjoint", assure Emmanuelle Cosse.

"Affaire Denis Baupin : "J'ai confiance en mon conjoint", assure Emmanuelle Cosse"

Qu'est-il reproché à Denis Baupin ?

"L'affaire Baupin", révélée par Mediapart et France Inter après plusieurs mois d'enquête, se base sur huit témoignages de femmes accusant le député de comportements inadéquats, dont certains sont qualifiables d'agressions sexuelles. Parmi ces huit femmes, figurent des personnalités politiques importantes chez EELV, comme sa porte parole Sandrine Rousseau.

Les révélations du journal en ligne et de la radio publique portent sur des faits s'étant déroulés entre 1998 et 2014, pour la plupart prescrits au pénal. Mais trois témoignages portent sur des faits présumés qui ne seraient pas prescrits. Mediapart décrit dans son enquête des comportements clairement condamnables : "Ce sont huit cas pouvant relever de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle que nous avons découverts", écrivent les journalistes. Certaines des victimes présumées accusent notamment le député d'avoir envoyé des SMS extrêmement déplacés, d'autres évoquent des tentatives de chantage. Parmi les témoignages les plus poignants, celui de Sandrine Rousseau, qui accuse Denis Baupin de faits survenus en octobre 2011, en marge d'une réunion politique à Montreuil : "Dans le couloir qui longe la salle, Denis Baupin est venu. Il m'a plaquée contre le mur en me tenant par la poitrine, et a cherché à m'embrasser. Je l'ai repoussé violemment".

"Je me sentais coupable de recevoir ces SMS d'incitation sexuelle alors que je lui avais dit que je n'étais pas intéressée. Des propos plus que graveleux", raconte pour sa part Elen Debost, adjointe à la mairie du Mans et autre victime présumée, au micro de France Inter. Plusieurs des messages qui auraient été envoyés par téléphone portable ont été publiés sur le site de la radio publique, certains sont clairement explicites : "Rejoins-moi dans mon bureau", "Tu me résistes, j'aime bien ça", "J'aime ton cul", "Je suis dans un train, j'aimerais te sodomiser en cuissardes", "Tu dois être une dominatrice formidable".

Isabelle Attard, députée du Calvados, parle quant à elle de "harcèlement quasi quotidien par SMS". "C'était par exemple : 'J'aime bien quand tu croises tes jambes comme ça'. C'était même crûment dans des réunions ou des déjeuners de travail le fait de me proposer d'être mon amant. Au début, c'est dit sur le ton de la rigolade. Et puis, cela devient vite très lassant, pénible".

EN VIDEO - "J'en avais parlé à deux membres de la direction"

"Le député Denis Baupin accusé d'agressions et de harcèlement sexuels"

"Ne pas blesser Emmanuelle Cosse"

La direction des écologistes aurait été alertée à plusieurs reprises des agissements de Denis Baupin. C'est ce que révèlent également les enquêtes de France Inter et de Mediapart. David Cormand, nouveau secrétaire national d'EELV depuis la démission d'Emmanuelle Cosse à ces fonctions, a admis hier avoir été mis au courant. Lundi, en fin de journée, l'AFP relançait la thèse selon laquelle la direction d'EELV "savait", et ce depuis longtemps. "C'était très, très connu dans le parti ", a ainsi indiqué un collaborateur des députés du groupe d'élus écologistes du palais Bourbon à l'agence de presse. Après avoir déclaré qu'il était "abasourdi" et qu'il n'avait "jamais eu connaissance de tels actes", le député écologiste François de Rugy, un ami proche de Denis Baupin, a lui aussi reconnu avoir un jour "parlé" avec lui au sujet d'une collaboratrice.

A France Inter, Sandrine Rousseau, indiquait dès lundi en avoir "parlé à deux membres de la direction du parti" : "L'un m'a dit : 'Ah il a recommencé'. L'autre : 'Ce sont des choses qui arrivent très souvent'", explique-t-elle. Plusieurs témoignages laissent en outre penser que les présumées victimes ont souhaité préserver à la fois le parti et sa présidente. "Je savais que nous étions plusieurs députées et une collaboratrice à en recevoir [des messages du député - NDLR]. Beaucoup se sont tus pour ne pas blesser sa compagne", a précisé sur France Inter Isabelle Attard, députée du Calvados. 

Un autre témoin confirme, en gardant l'anonymat : "Oui on a déjà eu à traiter des problèmes de relation de travail avec Denis Baupin et une collaboratrice". Un ancien dirigeant d'EELV assure au Parisien.fr avoir eu connaissance d'un fait relevant de harcèlement sur une jeune femme : "L'une d'elle s'était confiée à moi, je l'ai poussée à porter plainte à l'époque, ajoute-t-il, mais elle n'a pas osé". Et d'ajouter : "On croyait que c'était un gros lourd, et en fait c'est pathologique [...] On n'avait pas toutes les pièces du puzzle, on n'avait pas mesuré l'ampleur, on ne s'imaginait pas que c'était industriel".

Emmanuelle Cosse visée par un élu EELV

Certains agissements de Denis Baupin auraient par ailleurs été dénoncés par des collaboratrices, il y a quelques années. Mais "rien n'était avéré. Les langues ne se délient pas facilement sur ces sujets. Il y avait une zone de flou sur ces comportements", se justifie Cécile Duflot, ex-secrétaire nationale d'EELV, dans Mediapart. "Il y avait aussi des liens amicaux profonds avec ses proches qui compliquaient énormément la situation. Quand on en parlait, certains disaient d'ailleurs qu'il ne fallait pas l'accabler parce qu'il avait pris conscience de ses actes et se soignait", poursuit-elle.

Le député EEVL Yves Contassot dit lui aussi avoir été "au courant" d'"un comportement disons un peu lourdingue avec les femmes", mais n'avoir "pas idée qu'il allait aussi loin". Mais sur la responsabilité d'Emmanuelle Cosse, il va plus loin. Il considère que l'actuelle ministre - qui était à la tête du parti de 2013 à 2016 - a tenté d'étouffer les accusations lancées contre son mari. "Quand il y a eu des allusions à ça, assez récemment lors d'un conseil fédéral, à la surprise générale, la personne qui est montée à la tribune pour demander qu'on arrête de discuter de ça, c'est sa compagne, c'est Emma Cosse qui a dit : 'stop, j'ai interdit qu'on poursuive ce débat. On réglera ça ailleurs et dans d'autres conditions'", a-t-il fait savoir lundi sur RMC.

Et de se faire plus précis : "Il y a eu une sorte de stupéfaction parce que même si le nom de Denis n'était pas évoqué, tout le monde se disait 'c'est possible qu'il soit implicitement évoqué. On parlait de harcèlement, de viols, etc...". Sur Europe 1, Yves Contassot a confirmé ses dires. Oui, assure-il, alors que les écologistes entamaient un débat sur le harcèlement sexuel, "on s'est retrouvés dans cette situation complexe où la secrétaire nationale, potentiellement concernée par son mari, a refusé de discuter".