Pap Ndiaye : origines, parcours, prises de positions... Qui est le nouveau ministre de l'Education ?

Pap Ndiaye : origines, parcours, prises de positions... Qui est le nouveau ministre de l'Education ? PAP NDIAYE. L'historien Pap Ndiaye a été nommé par Emmanuel Macron au ministère de l'Education nationale. Spécialiste de la question noire, adepte d'un débat sur l'immigration, la colonisation et les "races" apaisé, c'est un anti-Blanquer qui arrive au gouvernement. Éléments de portrait...

[Mis à jour le 21 mai 2022 à 12h23] C'est l'une des surprises de ce nouveau gouvernement.  Ce vendredi 20 mai, Pap Ndiaye a été désigné comme le successeur de Jean-Michel Blanquer au poste de ministre de l'Éducation nationale. L'historien et le désormais ex-ministre de l'Education nationale s'opposent sur de nombreux points. Auprès du Parisien, un syndicaliste enseignant estime que la nomination de Pap Ndiaye est "un contre-pied, voire une gifle pour l'ancien ministre".

Alors que Blanquer s'est inquiété par le passé des dangers du "wokisme" ou de "l'islamo-gauchisme", Ndiaye jugeait lui que le terme "ne désignait aucune réalité". De même, le nouveau ministre n'a pas hésité à dénoncer, avant d'arriver au gouvernement, les "violences policières", comme lors d'une interview à France Inter en 2020 où il évoquait un "déni" de longue date sur le sujet dans le pays. Pap Ndiaye n'a pas ménagé non plus Emmanuel Macron lui-même ces dernières années. Dans les colonnes du Monde en 2019, il estimait que le chef de l'Etat pouvait à l'occasion "s'exprimer avec éloquence, comme lors du 10 mai, à propos de la mémoire de l'esclavage", mais qu'il était pour autant difficile de "discerner une politique, ou même un point de vue consistant" chez lui. Il semblerait que désormais, Pap Ndiaye ait trouvé un terrain d'entente avec le chef de l'Etat...

Des critiques venant de l'extrême droite ont immédiatement  accompagné la nomination de Pap Ndiaye. La Première ministre l'a défendu ce samedi 21 mai, en déplacement dans le Calvados : "L'objectif est l'égalité des chances. On a encore beaucoup de progrès à faire (...) Tenir l'excellence, assurer l'égalité des chances (...) C'est sa feuille de route et je n'ai pas de doute qu'il va le faire avec compétence, avec énergie, avec détermination", a expliqué Élisabeth Borne au micro de BFM TV.

Pap Ndiaye, la surprise du gouvernement Borne

Aucune rumeur n'avait vu venir la nomination de Pap Ndiaye comme ministre de l'Education, toutes les spéculations étaient tournées vers des politiques, notamment des ministres déjà en poste, dont Gabriel Attal. Les premiers indices sur le successeur de Jean-Michel Blanquer laissaient entendre que le chef de l'Etat cherchait un profil plus politique que technique, or Pap Ndiaye, diplômé de l'École normale supérieure de Saint-Cloud et de l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess), ne compte aucune expérience politique dans son CV. Il est en revanche un habitué du système éducatif, lui qui exerce comme professeur à Sciences Po Paris en plus de son rôle de directeur du général du palais de la Porte Dorée et du musée de l'Histoire de l'immigration.

La nomination de Pap Ndiaye a la tête du ministère de l'Education nationale s'inscrit pleinement dans la volonté d'Emmanuel Macron de former un gouvernement représentant le "renouveau" de sa politique, promettant d'insuffler un "nouveau souffle" et de fonder "une nouvelle méthode" pour répondre aux attentes des Français, selon les propos tenus durant la campagne présidentielle. Elle correspond aussi à une volonté d'apaisement dans le monde de l'éducation après l'ère Blanquer, marquée par une profonde rupture avec les enseignants à la suite de la réforme du lycée et de la politique menée pendant la crise sanitaire notamment.

Qui est Pap Ndiaye, nouveau ministre de l'Education nationale ?

Très éloigné de la politique jusqu'ici donc, Pap Ndiaye est avant tout un universitaire par excellence et un passionné d'histoire. Histoire dont il a d'ailleurs fait son métier : historien et professeur agrégé, Pap Ndiaye dispense des cours d'histoire sociale à Sciences Po Paris mais il est aussi, depuis l'année 2021, le directeur général du palais de la Porte Dorée et du musée de l'Histoire de l'immigration.

Pap Ndiaye s'est illustré par le passé dans plusieurs tribunes dans l'Obs ou le Monde dans lesquelles il a abordé le comportement de la société face aux violences policières ou les questions raciales comme le rapporte le Figaro Etudiant. Il est surtout devenu un pionnier des études sur la question noire en France, après avoir découvert les "Black studies" lors d'un passage de plusieurs années aux Etats-Unis pour une thèse, au début des années 1990.

Quelles ont été les prises de positions de Pap Ndiaye jusqu'ici ?

A ce titre, son ouvrage, La Condition noire. Essai sur une minorité française (Calman-Lévy, 2008), fait figure d'acte fondateur. Pap Ndiaye y  explique que, contrairement à ce qui a pu se passer aux Etats-Unis, l'histoire de l'esclavage n'a pas fait l'objet d'une appropriation culturelle par les minorités en France, notamment dans les outre-mer. Il estime aussi que "l'esclavage, ce crime contre l'humanité, est irréparable. Mais nous avons collectivement le devoir de réparer les sociétés contemporaines, minées par les inégalités et les injustices qui viennent pour une bonne part de l'esclavage".

Dénonçant régulièrement le communautarisme et prenant ouvertement ses distances avec les indigénistes, Pap Ndiaye s'est prononcé au moment de sa nomination à la tête du musée de l'Histoire de l'immigration pour une étude des questions raciales et migratoires empreinte de "bienveillance, sérénité et engagement, sans dogmatisme", pour "faire de l'immigration un élément central de l'histoire nationale". Concernant le passé colonial de la France et les débats qu'il suscite, il a plaidé pour "apaiser" sans "édulcorer, ni occulter". Adepte du "consensus", "diplomate", "détestant les polémiques stériles", Pap Ndiaye s'opposera publiquement à l'abolition du mot "race" de la Constitution, voulue par les députés en 2018, estimant que la mesure "ne fera pas disparaître les discriminations fondées sur elle".

Pap Ndiaye est aussi le créateur du Cercle d'action pour la promotion et la diversité en France (Capdiv) au début des années 2000 et l'auteur de plusieurs rapports sur la diversité. Il a siégé au conseil scientifique du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran). Il a aussi participé à plusieurs expositions dont "Le Modèle noir, de Géricault à Matisse" au musée d'Orsay en 2019.

Des origines sénégalaises, une famille modeste

Né le 25 octobre 1965 à Antony, dans les Hauts-de-Seine, Pap Ndiaye a des origines sénégalaises par son père, tandis que sa mère est issue d'une famille d'agriculteurs de la Beauce. Alors que le père de famille repartira au Sénégal très tôt, c'est cette femme, Simone, professeure de sciences naturelles dans un collège, qui va élever seule ses deux enfants, Pap Ndiaye, mais aussi la future romancière Marie NDiaye (chacun a choisi une graphie différente pour son nom de famille).

Pap Ndiaye, qui passera son enfance et sa jeunesse à Bourg-la-Reine, a toujours évolué dans un cocon où le savoir et l'apprentissage étaient primordiaux, selon les différents portraits qui ont été faits de lui. Il obtient le bac au lycée Lakanal de Sceaux et se dirige immédiatement vers une classe préparatoire littéraire au prestigieux lycée parisien Henri IV. Son parcours universitaire sera brillant, Pap Ndiaye sortira diplômé de l'École normale supérieure de Saint-Cloud et obtiendra un doctorat à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess).

"Le monde des enseignants est le mien depuis toujours. Ma mère fut professeure de sciences naturelle à Bourg-la-Reine", a d'ailleurs souligné le nouveau ministre de l'Education nationale, vendredi 20 mai, lors de la passation de pouvoir avec Jean-Michel Blanquer, rue de Grenelle. L'historien en a également profité pour rendre hommage à l'ensemble de ses professeurs. "J'ai une pensée pour tous les enseignants qui m'ont éduqué", a-t-il déclaré, assurant : "Je suis un pur produit de la méritocratie républicaine."

Un ministre de l'Education nationale déjà sous le feu des critiques

Pap Ndiaye va devoir relever de nombreux défis à l'Education nationale, alors qu'un chantier de rénovation du système éducatif, ambitieux mais encore flou, est attendu lors de ce second quinquennat d'Emmanuel Macron. La tâche s'annonce particulièrement ardue. D'ici là, l'un des premiers chantiers du nouveau ministre de l'Education devrait être la réintroduction des mathématiques dans le tronc commun au lycée.

"Cette fonction [de ministre] n'est pas l'affaire que d'un homme. C'est celle de la République. J'appréhende cette tâche avec modestie et avec toute la bonne volonté intelligente qui est la mienne", a confié Pap Ndiaye, affirmant que "toutes [s]es forces sont au service de la jeunesse de ce beau pays, de ce beau ministère, de la vie, de la France". Si on s'étonne du "grand écart après Blanquer" d'aucuns saluent une forme de "rééquilibrage" avec "un ministre qui écoute les enseignants, connaît les enjeux".

La nomination de Pap Ndiaye au ministère de l'Education nationale n'a pourtant pas plu à tout le monde. A l'extrême droite de l'échiquier politique tout particulièrement, les critiques n'ont pas tardé à fuser. Marine Le Pen la première a fustigé la nomination d'un "indigéniste assumé", tandis que le porte-parole du Rassemblement national, Julien Odoul, a déploré l'arrivée d'un "militant immigrationniste". "Cette nomination dépasse les bornes de la provocation", a-t-il renchérit. 

Même son de cloche du côté de Reconquête!. "Emmanuel Macron avait dit qu'il fallait déconstruire l'Histoire de France. Pap Ndiaye va s'en charger", a dézingué sans perdre de temps Eric Zemmour, quand le vice-président du parti, Guillaume Peltier, s'est agacé : "Le gouvernement de Macron ? Le clan des carriéristes. Avec une prime au gauchisme incarnée par le nouveau ministre de l'Education nationale : Pap Ndiaye, le promoteur des minorités et des migrants."Des critiques auxquelles la Première ministre, Elisabeth Borne, n'a pas manqué de répondre, au cours de son interview sur le plateau du 20 Heures de TF1, vendredi 20 mai. Dénonçant des attaques "caricaturales", la nouvelle locataire de Matignon a défendu le fait que "Pap Ndiaye [soit] là car il partage avec Jean-Michel Blanquer l'objectif d'offrir à nos enfants l'excellence et l'égalité des chances".

Quel est le rôle du ministre de l'Education nationale ?

Le ministre de l'Education, dans sa forme courte, est en réalité le responsable de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Il est le référent de toutes les politiques du gouvernement pour ce qui concerne "la jeunesse au sein et en dehors du milieu scolaire, l'accès de chacun aux savoirs, à la vie associative et sportive et au développement de l'enseignement préélémentaire, élémentaire et secondaire", précise le site du gouvernement.

L'école, de la maternelle jusqu'au lycée, reste le chantier le plus important du ministère. Il en régit les règles, définit les voies de formations, les contenus des programmes, mais aussi l'organisations des examens que sont le brevet et le baccalauréat entre autres. Le ministre de l'Education est le grand patron des enseignants dont il gère la formation, le recrutement et la répartition sur tout le territoire français, et ce malgré des relations parfois tendues entre les professionnels de l'enseignement et le ministre, en témoigne le mandat particulièrement mouvementé de Jean-Michel Blanquer.

Parmi les grands chantiers qui attendent le futur ministre de l'Education nationale, on compte l'augmentation des salaires des enseignants, le recrutement de bons candidats alors que leur nombre par rapport aux places disponibles se réduit ces derniers temps, le collège (dédoublement des classes de 6e, instauration d'un enseignement manuel et pratique ainsi que d'un enseignement numérique), le rehaussement du niveau des élèves français, ou encore la réforme du lycée professionnel.

Comme tous les ministères, l'Education nationale est également un portefeuille de plusieurs milliards. Parmi les premiers postes de dépenses de l'Etat, le ministère dispose d'un des budgets les plus conséquents : 55,2 milliards d'euros pour l'année 2022. Des moyens colossaux qui servent à faire fonctionner le système éducatif et sont gérés depuis l'Hôtel de Rochechouart, qui abrite les locaux du ministère de l'Education nationale au 110 rue de Grenelle dans le 7ème arrondissement de Paris.

Jean-Michel Blanquer pas reconduit à l'Education nationale

En tenant cinq ans le rôle de ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer a battu le record de longévité du ministère. Avant lui, Christian Fouchet était resté quatre ans au 110 rue de Grenelle, de 1962 à 1967. Malgré cette performance, le ministre n'a jamais eu la côte auprès des professeurs. Au contraire, les enseignants ont plusieurs fois appelé à sa démission et les syndicats ont régulièrement fustigé les discussions "au point mort" avec le politique. Trop d'événements ont marqué le mandat de Jean-Michel Blanquer et font que le ministre ne rempile de second mandat à l'Education nationale : la réforme du bac premièrement avec l'introduction du contrôle continu à l'examen, mais aussi les difficultés rencontrées pour adapter l'école pendant les deux ans de l'épidémie du Covid-19, les changements de protocoles sanitaires répétés mais jamais satisfaisants et enfin cette escapade à Ibiza au moment où l'Education nationale vivait une crise.

Face à toutes ces turbulences, le profil technique de Jean-Michel Blanquer ne suffit pas pour rester. Pourtant, dès son arrivée au gouvernement le ministre connaissait les rouages de l'Education nationale. Il a été recteur de deux académies, celle de Guyane en 2004 et celle de Créteil en 2007, et entre temps il a occupé un premier poste au gouvernement : directeur adjoint du cabinet du ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en 2006. Avant son arrivée à la tête du ministère de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer a également été directeur général de l'enseignement scolaire en 2009 puis directeur de l'École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) à partir de 2013 et jusqu'en 2017.

Qui sont les précédents ministres de l'Education nationale ?

Dénommée ministère de l'Education nationale depuis le 3 juin 1932 sous la présidence d'Albert Lebrun, alors sous la IIIe République, cette administration a vu défiler bon nombre de ministres. Pourtant, lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, Jean-Michel Blanquer est resté en poste durant les cinq années. Un record de longévité. Mais qui ont été ses prédécesseurs ?

  • François Bayrou (18 mai 1995 - 2 juin 1997)
  • Claude Allègre (4 juin 1997 - 27 mars 2000)
  • Jack Lang (27 mars 2000 - 6 mai 2002)
  • Luc Ferry (7 mai 2002 - 30 mars 2004)
  • François Fillon (31 mars 2004 - 31 mai 2005)
  • Gilles de Robien (2 juin 2005 - 15 mai 2007)
  • Xavier Darcos (18 juin 2007 - 23 juin 2009)
  • Luc Chatel (23 juin 2009 - 10 mai 2012)
  • Vincent Peillon (16 mai 2012 - 2 avril 2014)
  • Benoît Hamon (2 avril 2014 - 25 août 2014)
  • Najat Vallaud-Belkacem (26 août 2014 - 17 mai 2017)
  • Jean-Michel Blanquer (17 mai 2017 - 20 mai 2022)