Uber Files : c'est quoi ? Ce qu'on sait des liens entre Macron et Uber

Uber Files : c'est quoi ? Ce qu'on sait des liens entre Macron et Uber UBER FILES. Une commission d'enquête parlementaire a confirmé le fait qu'Emmanuel Macron a favorisé Uber lors de son implantation en France.

Un peu plus d'un an après les révélations d'un consortium international, la commission d'enquête parlementaire consacrée aux Uber Files a rendu son rapport le mardi 18 juillet 2023. Sa conclusion pointe le rôle d'Emmanuel Macron pour favoriser l'implantation d'Uber en France. L'État a "échoué à faire respecter la loi", selon les députés de cette commission qui affirme que "Uber a trouvé des alliés au plus haut niveau de l'État". "L'intensité des contacts entre Uber, Emmanuel Macron et son cabinet témoigne d'une relation opaque mais privilégiée, et révèle toute l'incapacité de notre système pour mesurer et prévenir l'influence des intérêts privés sur la décision publique", indique ce rapport, alors qu'Uber ne respectait pas la loi française.

Ce rapport de 500 pages s'est construit grâce à 67 auditions où 120 personnes ont pu être entendues malgré les nombreux désaccords entre le président de la commission, le député Renaissance Benjamin Haddad, et la rapporteure, la députée La France Insoumise Danielle Simonnet. Cette dernière souligne dans l'introduction son regret "que la commission d'enquête n'ait pu auditionner aucun des anciens membres du ministre de l'Économie de l'époque, puisque le bureau de la commission d'enquête s'y est systématiquement opposé." 

De multiples entretiens, des échanges de SMS, des liens personnels... Les documents révélés par Mark MacGann, lanceur d'alerte à l'origine des Uber Files, témoignent de l'implication d'Emmanuel Macron aux côtés de l'entreprise américaine, dans des années où celle-ci tâche de s'implanter en France et fait face à une législation hostile.

Malgré les réticences de François Hollande, alors président de la République, et les résistances des syndicats de taxi, le jeune ministre de l'Economie signe par exemple en 2016 un décret facilitant drastiquement l'obtention des licences VTC, en s'appuyant sur des amendements rédigés directement par Uber. Interrogé lors de la publication de ces révélations en juillet 2022, en marge d'un déplacement en Isère, Emmanuel Macron balayait les critiques, affirmant :  "J'assume, parce que ça a créé de l'emploi et que c'est le rôle du ministère de l'Économie. Très sincèrement, ça m'en touche une sans faire bouger l'autre."

Les Uber Files, c'est quoi ?

L'enquête des Uber Files, menée par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) et publiée à partir du dimanche 10 juillet 2022, lève le voile sur les méthodes et le réseau de politiques, dont Emmanuel Macron faisait partie, qu'a utilisé Uber et son dirigeant de 2013 à 2017, Travis Kalanick. Avec plus de 120 000 documents à l'appui, envoyés anonymement au journal britannique The Guardian et partagés avec l'ICIJ, Radio France et Le Monde se sont penchés sur le rôle qu'a joué le chef de l'Etat dans l'implantation de la société américaine en France pendant son mandat de ministre de l'Economie, de 2014 à 2016.

Comment Emmanuel Macron est-il mêlé aux Uber Files ?

Emmanuel Macron a été une "oreille attentive" devant le groupe Uber et les têtes pensantes de la firme américaine, selon Le Monde qui a consulté les documents du Uber Files. L'enquête révèle que plusieurs échanges entre le ministre de l'Economie de l'époque et Mark MacGann, le lobbyiste en chef pour les zones Europe, Afrique et Moyen-Orient de la société Uber ou avec le fondateur et PDG de l'entreprise, Travis Kalanick, ont eu lieu entre 2014 et 2016. Si les discussions allaient dans le même sens sur certains projets, pour d'autres les échanges s'apparentent plus à des demandes de l'entreprise auprès du ministre.

Le deal conclu entre Emmanuel Macron et Uber

Installé à Bercy entre 2014 et 2016, Emmanuel Macron était un fervent et l'un des seuls défenseurs de l'entreprise de VTC Uber face à un gouvernement très hostile à la société. Selon les Uber Files, le ministre de l'Economie a joué un rôle dans l'implantation de Uber en France en concluant un deal avec la firme californienne. Les termes de l'accord prévoyaient qu'en échange de l'abandon de la mise en place du service UberPop, responsable de la colère et la grève des taxis à l'époque, les conditions d'accès à la licence de chauffeur VTC seraient facilitées. Les accords ont été entérinés entre juin et juillet 2015 selon Le Monde après de nombreux échanges "significatifs", 17 d'après le décompte du journal, entre les deux parties. Uber aurait alors sur suggestion d'Emmanuel Macron fourni des amendements au député socialiste Luc Belot. Des textes qui, présentés tels quels devant l'Assemblée, avaient été rejetés avant d'être repris par le ministre de l'Economie à l'occasion d'un décret passé au début de l'année 2016. Le texte en question a permis de réduire la durée de la formation de chauffeur VTC de 250 heures à seulement 7 heures.

Certains échanges entre Emmanuel Macron et le dirigeant d'Uber à l'époque, Travis Kalanick, compris dans les Uber Files, indiquent qu'après des mois de discussions et de stratégies politiques confidentielles, le ministre de l'Economie et actuel chef de l'Etat avait mis Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, et Manuels Valls, ancien Premier ministre, au parfum de son accord avec Uber. Le ministre de l'Intérieur qui avait la charge des taxis avait alors "accepté le deal" selon Emmanuel Macron à l'entrepreneur américain et le locataire de Bercy précisait : "[Bernard] Cazeneuve s’assurera que les taxis restent calmes".

Le rôle d'Emmanuel Macron dans les perquisitions d'Uber par la DGCCRF

Une enquête et une perquisition de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) visant Uber sont aussi mentionnées dans les Uber Files et le nom d'Emmanuel Macron y est associé. En 2014, alors que les dirigeants de la société s'attendaient à une perquisition des agents de l'organe dépendant de Bercy, ils avaient demandé au ministre de s'en mêler. Lequel avait promis d'avoir "une discussion technique" avec les enquêteurs selon un compte rendu rédigé par Uber. Mais lorsque quelques semaines plus tard les locaux d'Uber à Lyon et le siège à Paris étaient perquisitionnés, le directeur de cabinet adjoint d’Emmanuel Macron, Emmanuel Lacresse, avait répondu à la colère d'Uber en expliquant "que les grandes administrations comme la DGCCRF (…) fonctionnent principalement en autonomie". Une déclaration qui voulait traduire l'incapacité d'Emmanuel Macron d'agir. Aujourd'hui, le chef de l'Etat assure qu'aucune consigne "n’a été donnée à la DGCCRF". Quant aux responsables du service de l'époque, ils n'ont pas répondu aux sollicitations du Monde.

Emmanuel Macron et l'annulation d'un décret anti-Uber à Marseille

L'autre affaire où Uber et Emmanuel Macron apparaissent en lien concerne l'interdiction éphémère des Uber dans les Bouches-du-Rhône en 2015. Le préfet de police, Laurent Nunez, avait pris un arrêté préfectoral en ce sens au grand dam de la société américaine. La décision n'avait pas plu à la firme et le lobbyiste Mark MacGann s'était rapproché d'Emmanuel Macron lui écrivant : "Nous sommes consternés par l’arrêté préfectoral à Marseille. Pourriez-vous demander à votre cabinet de nous aider à comprendre ce qui se passe ?". En réponse, le ministre de l'Economie avait simplement indiqué "regarder personnellement" l'affaire. Il avait suffit d'attendre quelques jours pour que la préfecture de police remplace l'interdiction par un contrôle accru des chauffeurs. Un choix qui n'était aucunement dû à l'intervention du ministère selon Laurent Nunez, aujourd'hui proche conseiller d'Emmanuel Macron, qui assure n'avoir reçu aucune pression ni consigne de Bercy. L'illégalité de l'arrêté serait la seule raison de la suppression de l'interdiction.

Quels sont les liens entre Uber et Emmanuel Macron selon les Uber Files ?

Les échanges découverts entre Emmanuel Macron et la société de VTC Uber dans les milliers de documents des Uber Files prouvent une relation à la fois économique et politique entre un ministre de l'Economie et une société qui cherche à conquérir un nouveau marché. Il est clair que les deux parties marchaient main dans la main pour atteindre leur objectif propre : l'autorisation de s'implanter en France dans des conditions optimales pour Uber et la libéralisation du marché défendue par Emmanuel Macron qui posait, entre 2014 et 2016, les jalons de sa campagne pour devenir président de la République.

Le rapport de la commission d'enquête parlementaire a confirmé que "l'entreprise américaine avait encore eu 34 échanges avec les services du président de la République entre 2018 et 2022". Le rapport n'a pas dévoilé de contrepartie financière de la part d'Uber en faveur d'Emmanuel Macron. Cependant, Radiofrance souligne que "Mark MacGann alors qu'il travaillait encore à mi-temps comme lobbyiste pour le compte d'Uber, a donné de l'argent au candidat Macron et a participé à une levée de fonds pour le compte d'En Marche. Des échanges de SMS montrent encore que le candidat Macron a invité à dîner Thibaud Simphal, le directeur général d'Uber France, pour lui proposer de financer sa campagne."

Les déclarations du lanceur d'alerte à l'origine de l'affaire et ancien lobbyiste d'Uber, Mark MacGann, indiquent qu'après 2016 Emmanuel Macron a continué à entretenir des échanges avec le cadre de la société de VTC dans un tout autre objectif : financer la création de son parti et de sa future campagne présidentielle. Mark MacGann dit avoir proposé son aide financière à l'ancien ministre, après avoir quitté son emploi à temps plein chez Uber. Il est tout de même resté "conseiller senior au conseil d'administration" quelques mois, selon Le Monde. Si pendant les quelques mois où Mark MacGann siégeait encore au conseil d'administration d'Uber la question du conflit d'intérêt se posait, le problème était réglé en août 2016. Aucun document des Uber Files ne suggère des irrégularités dans le financement de la campagne d'Emmanuel Macron.

Quelles sont les réactions aux révélations des Uber Files sur Emmanuel Macron ?

Publiés le dimanche 10 juillet 2022, les Uber Files ont secoué la sphère politique. L'opposition, de la gauche à la droite, s'est soulevée contre Emmanuel Macron et l'a accusé du "pillage du pays" selon les mots de la députée insoumise Mathilde Panot ou, à l'instar de Jordan Bardella, président du Rassemblement national, lui a prêté une cohérence : celle de "servir des intérêts privés, souvent étrangers, avant les intérêts nationaux". Le mardi 12 juillet, la Nupes a demandé l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire auprès de la présidente de l'Assemblée nationale, la macroniste Yaël Braun-Pivet.

Impliqué dans les Uber Files et acculé par l'opposition, Emmanuel Macron s'est exprimé le 12 juillet en marge d'un déplacement en Isère et a "assumé" les décisions qui étaient les siennes lorsqu'il était ministre de l'Economie concernant Uber. "Si c'était à refaire, je le referais", a-t-il ajouté et assurant ne pas faire cas des critiques de l'opposition dans une formule empruntée à Jacques Chirac : "Je conçois qu’ils veuillent s’en prendre à ma pomme. [...] Je suis habituée. Très sincèrement [...] ça m’en touche une sans bouger l’autre !" Quant à la majorité, elle a pris la défense de son plus haut représentant. L'Elysée a assuré que le chef de l'Etat était pleinement dans ses fonctions de ministre de l'Economie quand il échangeait avec la société Uber, un argument repris par les députés macronistes comme Prisca Thévenot qui, sur Twitter, s'est agacée : "Scandale : un ministre de l’économie reçoit des acteurs économiques. Je vais vous apprendre que Roland Lescure reçoit des industriels [et] Marlene Schiappa des acteurs ESS. Face à l’arrivée des VTC, normal à l’époque qu’Emmanuel Macron les ait reçus en tant que ministre". L'élue des Hauts-de-Seine a également indiqué ne pas craindre une commission d'enquête, Emmanuel Macron n'ayant rien à se reprocher.

Bouzou, Landier... Des économistes impliqués dans les Uber Files ?

C'est un autre scoop des Uber Files : l'implication d'économistes dont deux chercheurs français, Nicolas Bouzou et Augustin Landier, dans la stratégie de lobbying à grande échelle de Uber. Selon les documents compris dans les milliers de pièces consultées par les journalistes d'investigation, en 2016 les deux chercheurs avaient accepté de publier des études louant le modèle économique de la société américaine moyennant rémunération. Nicolas Bouzou avait ainsi écrit dans une étude que grâce à une législation plus souple, le système proposé par Uber pouvait créer plus de 100 000 emplois. L'économiste avait alors tarifé son travail à "10 000 euros hors taxe" et aurait proposé d'assurer le service après vente de son étude auprès des politiques et des médias. Sollicité par Le Monde, l'économiste a nié avoir été rémunéré pour faire la promotion de la société Uber. Quant à Augustin Landier, il avait partagé, selon les Uber Files, 100 000 euros avec le co-auteur de l'étude qu'il avait menée et dans laquelle il assurait que les chauffeurs VTC d'Uber gagneraient plus du double du smic, se gardant de préciser que les charges nombreuses et couteuses n'étaient pas déduites du montant annoncé.

Si la rémunération des économistes par Uber en contrepartie de la réalisation d'une étude interroge l'objectivité des conclusions, le travail des chercheurs avait également été remis en question par la communauté scientifique. Les économistes pointaient du doigt la confidentialité des données qui empêchait la vérification des chiffres et l'identification de biais.

Quelles sont les pratiques controversées dénoncées dans les Uber Files ?

Les Uber Files n'ont pas uniquement levé le voile sur la stratégie de lobbying de la firme californienne de VTC, Uber, mais aussi sur certaines pratiques qu'elle utilisait jusqu'en 2017 et qui frôlaient l'illégalité. Lorsque Travis Kalanick était aux commandes, Uber n'appréciait pas les allées-venues dans ses locaux et excluait l'idée que les données internes à l'entreprise puissent être consultées. La société a ainsi mis au point un système astucieux au nom sans équivoque de "kill switch". Il s'agit d'un simple bouton d'urgence bloquant immédiatement l'accès aux données de la société en un temps record. Le coupe-circuit a plusieurs fois servi lors des perquisitions dans les locaux d'Uber, nombreuses en Europe entre 2014 et 2015. Selon le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), l'outil d'obstruction a été utilisé à 13 reprises entre novembre 2014 et décembre 2015 dans sept pays européens : France, Inde, Belgique, Pays-Bas, Canada, Hongrie et Roumanie. Le "kill switch" a notamment été activé lors des perquisitions dans les locaux lyonnais et le siège parisien de Uber, comme en témoignent ces messages du directeur juridique d'Uber pour l'Europe, Zac de Kievit, au directeur général d'Uber Travis Kalanick et au leader de la branche française, Thibaud Simphal : "La DGCCRF a perquisitionné notre bureau. L'accès a été coupé".

Le kill switch était bien conçu pour empêcher ou nuire aux perquisitions, pourtant, selon Zac de Kievit, le système est simplement une protection. "Si nous fournissons notre liste de chauffeurs, nous perdons notre 'réserve'. C'est beaucoup plus facile pour les impôts, les régulateurs et la police de terrifier [nos chauffeurs] et de les faire céder. Sans eux, on n'a pas de business. Pour être bien clair, je veux apparaître aussi coopératif que possible avec les autorités fiscales. Mais si on leur transmet la liste des chauffeurs, les carottes sont cuites", expliquait le directeur juridique en 2015 dans un mail compris dans les Uber Files. 

Si le recours au "kill switch" était récurrent sous la direction de Travis Kalanick, aujourd'hui cet usage n'est plus dans les mœurs, selon la nouvelle direction de Uber, en place depuis 2017. "Uber ne dispose pas d'un ‘coupe-circuit' conçu pour déjouer les enquêtes réglementaires à travers le monde, et ce depuis que Dara Khosrowshahi est devenu PDG d'Uber en août 2017" a précisé l'entreprise auprès de Franceinfo. La société d'ajouter au sujet du kill switch : "Nous ne contestons pas le fait que ce type de logiciel ait pu être utilisé en France. Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, il n'aurait jamais dû être utilisé de la manière dont il l'a été." Après la publication des Uber Files, Travis Kalanick n'a pas souhaité répondre aux sollicitations de la presse et s'est simplement exprimé par le biais de ses avocats et sa porte-parole : "Travis Kalanick n'a jamais autorisé aucune action ni programme qui auraient fait obstruction à la justice dans quelque pays que ce soit." Sur la question spécifique du "kill switch", sa porte-parole, Devon Sturgeon indique : "Uber a utilisé des outils qui protègent la propriété intellectuelle et la vie privée de ses clients, et garantissent le respect des droits en cas de [perquisition] extrajudiciaire. Il s'agit d'une pratique commerciale courante qui n'a pas été conçue ou mise en œuvre pour ‘faire obstruction à la justice'."

Uber responsable d'optimisation fiscale d'après les Uber Files

Selon des documents consultés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et ses partenaires, la société Uber aurait pratiqué l'évasion fiscale, leur permettant d'économiser pas moins de 500 millions de dollars d'impôts dans le monde. Il aurait ainsi été décidé de faire transiter les bénéfices de l'entreprise américaine par les Bermudes et d'autres paradis fiscaux.

En 2022, Franceinfo révélait que la société Uber aurait décidé de mettre la focale sur ses chauffeurs afin de créer une sorte de diversion pour les autorités fiscales. Ainsi, l'entreprise américaine aurait proposé à l'administration de collecter les taxes auprès d'eux. Les documents consultés par les journalistes d'investigation prennent également l'exemple d'un pays où Uber est allé encore plus loin. Ainsi, en Estonie, une plateforme numérique de déclaration d'impôts a été testée en partenariat avec les autorités fiscales du pays d'Europe de l'Est.

Qui est Mark MacCahan, le lanceur d'alerte des Uber Files ?

Mark MacCahan est le lanceur d'alerte à l'origine de l'affaire des Uber Files. Il a envoyé pas moins de 124 000 documents au quotidien britannique The Guardian, lesquels ont été transmis au Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ). D'abord anonyme, Marc MacGann a rapidement décidé de sortir de l'ombre. Cet homme n'est autre que l'ancien chef lobbyiste d'Uber, dont le nom est mentionné dans de très nombreux documents. À 52 ans, il a donc décidé de passer de l'autre côté et de devenir lanceur d'alerte, estimant être "en partie responsable" des conditions de vie des chauffeurs Uber, comme il l'a confié dans un entretien au Guardian, retranscrit par Radio France et Le Monde.

Dans son interview, Mark MacGann dénonce les pratiques de son ancien employeur : "Le mantra que les gens répétaient d'un bureau à l'autre était celui de la direction : ne demandez pas de permission, lancez-vous, bousculez, recrutez des chauffeurs, allez sur le terrain, faites du marketing et rapidement les gens se réveilleront et verront à quel point Uber est une chose géniale." Par ailleurs, il justifie de ne pas avoir agi de l'intérieur : "La culture d'entreprise ne permettait pas réellement de résister, de remettre en question les décisions de l'entreprise, sa stratégie ou ses pratiques. J'ai fini par me rendre compte que je n'avais aucune influence, que je perdais mon temps dans cette entreprise."

Quelles sont les révélations des Uber files concernant l'étranger ?

Russie, Royaume-Uni, Pays-Bas... Les Uber files ont mis en lumière les pratiques de la société de VTC pour s'implanter dans de nombreux pays et y tirer profit. C'est passé, par exemple, par le recrutement de conseillers politiques influents : le rédacteur en chef du célèbre tabloïd Bild, en Allemagne, ou encore le patron de presse Carlo De Benedetti en Italie. Voici quelques affaires d'importance révélées dans les Uber files concernant l'étranger.

En Russie, un pot-de-vin à un homme d'affaire pour approcher Poutine ?

"Dieu que j'aime les Russes, où les affaires et la politique sont si… proches", écrit en 2016 le lobbyiste Mark MacGann, aujourd'hui lanceur d'alerte dans ces Uber files. Entre 2014 et 2016, Uber a tenté de s'implanter sur le marché russe. Dans un nouvel article publié mercredi 13 juillet 2022 par le Monde, on apprend qu'en 2016, l'entreprise de VTC a versé au moins 300 000 dollars à l'homme d'affaire russe Vladimir Senin, alors vice-président d'Alfa Bank et membre d'un parti politique pro-Kremlin. Le but de ces versements apparait dans les documents révélés : l'homme d'affaire devait influencer la sphère politique russe sur des projets de loi favorables à l'implantation d'Uber. Interrogés dans le cadre des Uber files, des experts de la corruption voient dans ces révélations une probable violation de la loi américaine de 1977 contre la corruption d'agents publics étrangers.

L'article du Monde dévoile plus amplement la stratégie d'Uber pour influencer la sphère politique russe : "Je crois que nous voulons un allié de Poutine", écrivait Emil Michael, vice-président d'Uber, en 2014. Pour cela, Uber a convaincu plusieurs oligarques russes proches du pouvoir d'entrer au capital de l'entreprise. Plusieurs centaines de millions de dollars ont ainsi été investis dans Uber par Alicher Ousmanov, German Gref, Mikhaïl Fridman et Petr Aven. Ces oligarques nient aujourd'hui avoir fait du lobbying pour Uber auprès du pouvoir.

Aux Pays-Bas, le coup de pouce de l'administration à Uber dans une enquête fiscale conjointe de six pays européens

En 2015, la France, l'Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas décidaient d'une enquête conjointe sur les pratiques fiscales d'Uber. Les échanges d'emails en interne dévoilés montrent que cette enquête a fait souffler un vent de panique chez les cadres d'Uber. L'entreprise a même envisagé de ne pas coopérer et de refuser de transmettre les informations qui lui sont demandées pour l'enquête. Mais elle a finalement trouvé le soutien de l'administration des Pays-Bas, où se trouve le siège de son poumon financier, Uber B.V. "Ils m'ont dit qu'ils ne répondraient pas aux demandes des Etats membres, afin de nous laisser le temps de mettre nos affaires en ordre", écrivait ainsi Rob van der Woude, directeur fiscal d'Uber. Des échanges ultérieurs indiquent que l'administration néerlandaise a tenu Uber au courant de l'avancée de l'enquête.

"C'est une trahison de l'esprit communautaire !" a réagi un fonctionnaire du ministère des finances françaises auprès du Monde. Le même fonctionnaire indique qu'à l'époque, des soupçons avaient pesé : "Dans certains dossiers, on a eu des indices suggérant que des sociétés avaient obtenu des informations qui ne pouvaient venir que d'un contrôle multilatéral, mais on n'en a jamais eu de preuves irréfutables."