Démission de Caroline Cayeux : un départ express, Élisabeth Borne en colère ?

Démission de Caroline Cayeux : un départ express, Élisabeth Borne en colère ? La ministre déléguée aux Collectivités, Caroline Cayeux, a quitté le gouvernement ce lundi 28 novembre. Elle est remplacée par Dominique Faure.

[Mis à jour le 28 novembre 2022 à 19h30] "Ce dimanche 27 novembre, j'ai présenté au président de la République et à la Première ministre ma démission de mes fonctions de ministre déléguée au Collectivités territoriales." Tels sont les mots du communiqué de Caroline Cayeux, publié lundi 28 novembre en début d'après-midi sur Twitter. En cause ? Un désaccord avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Dans son communiqué, la désormais ex-ministre explique qu'à la suite de sa "déclaration de patrimoine, la HATVP [lui] a indiqué qu'elle l'estimait sous-évaluée". Caroline Cayeux assure avoir "bien évidemment tenu compte de ses observations" et s'être "alignée sur ses évaluations dans un courrier en date du 21 novembre". Mais cela n'aurait pas suffi.

"La Haute autorité pour la transparence de la vie publique persiste à mettre en doute ma sincérité", a estimé Caroline Cayeux. Conséquence : "Dans ce contexte, il m'a semblé préférable de démissionner afin de ne pas gêner l'action du gouvernement", a-t-elle fait savoir, avant de remercier le président Emmanuel Macron et sa Première ministre Élisabeth Borne "pour leur confiance". La nature de ce désaccord n'a pas été rendue publique, mais il n'est pas absurde d'imaginer que l'autorité en charge de faire la transparence sur le patrimoine des ministres et les potentiels risques de conflits d'intérêts a mis le doigt sur un dossier potentiellement explosif. Il n'est pas absurde non plus d'imaginer qu'Élisabeth Borne et Emmanuel Macron ont expressément souhaité que ce litige entre la HATVP et la ministre ne vienne pas polluer l'action du gouvernement.

Caroline Cayeux a eu une conversation avec la Première ministre, puis avec Emmanuel Macron. À 13h, l'Élysée a envoyé un communiqué pour indiquer qu'elle quittait ses fonctions et qu'elle était remplacée à son poste par sa collègue chargée de la Ruralité, Dominique Faure. Selon le communiqué, le président précise qu'il a mis fin aux fonctions de Caroline Cayeux "sur sa demande", mais "sur proposition" de la Première ministre. Ce qui signifie, sans l'enrobage diplomatique, que la cheffe du gouvernement a souhaité sa démission et l'a fait savoir au chef de l'État. Emmanuel Macron, actuellement visé par une enquête ouverte par le Parquet national financier sur l'assistance de cabinets de conseil dans ses campagnes électorales, est probablement sensible à tout ce qui pourrait donner à ses détracteurs de quoi alimenter les feuilletons en favoritisme ou procès pour connivence. 

Quoi qu'il en soit, l'opposition n'a pas manqué de réagir à la démission de Caroline Cayeux ce lundi. "Caroline Cayeux démissionne. Non pas pour ses propos LGBT-phobes, qui ne dérangeaient pas Macron, mais [à la] suite [d']un désaccord avec la HATVP sur sa déclaration de patrimoine. Décidément, la Macronie est engluée dans les affaires d'argent, de conflit d'intérêts et d'opacité…", a déploré le député LFI de Seine-Saint-Denis, Bastien Lachaud, tandis que sa consœur et vice-présidente du groupe LFI-Nupes, Clémence Guetté, estimait sur Twitter que l'"on ne voit plus la fin des scandales macronistes". "Exit Caroline Cayeux. Le président Macron et Madame Borne doivent maintenant nous expliquer pourquoi ils gardent encore Alexis Kohler et Pannier-Runacher. Jusqu'où vont les protections de certains comportements oligarchiques ?" s'est pour sa part agacée députée LFI Raquel Garrido. Et Olivier Faure du Parti socialiste de questionner : "La vraie question est : qui n'a pas de démêlé avec la justice ou la HATVP dans ce gouvernement ?" Enfin, du côté du Rassemblement national, le vice-président du RN à l'Assemblée, Sébastien Chenu, a également réagit, raillant notamment le passage éclair au gouvernement de Caroline Cayeux : "Rapide comme l'éclair ce passage au gouvernement ! Décidément le fric et la Macronie, c'est une histoire sans fin…"

Caroline Cayeux avait eu des propos homophobes à la télé

Si Elisabeth Borne et Emmanuel Macron ont jugé bon de se séparer de leur ministre, c'est sans doute aussi parce qu'elle était déjà dans une position très fragile depuis l'été. Le 11 juillet, une tribune du magazine Têtu demandait le départ du gouvernement de toutes les personnes ayant été en lien avec la Manif pour tous. Le 12 juillet, Caroline Cayeux était interrogée sur ses positions à propos du mariage pour tous, sur Public Sénat. En effet, lorsqu'elle était sénatrice, elle avait qualifié l'union pour les personnes de même sexe de "caprice" et de "dessein contre la nature". La ministre avait alors assuré qu'elle maintenait ses propos, puis ajouté n'avoir jamais défilé avec la Manif pour tous, avant de dire : "J'ai beaucoup d'amis parmi tous ces gens-là et franchement, c'est un mauvais procès que l'on me fait". 

L'expression "ces gens-là" avait fait réagir de nombreux politiques, journalistes et internautes, conduisant la ministre à s'excuser le mardi dans l'après-midi. "Mes propos ont blessé nombre d'entre vous. Je les regrette profondément, ils étaient naturellement inappropriés", a-t-elle écrit sur Twitter. Le 13 juillet, plusieurs associations luttant contre l'homophobie (Mousse, STOP Homophobie, Sports LGBT, Éducation LGBT, Familles LGBT et Adheos) annonçaient avoir déposé plainte contre Caroline Cayeux. La ministre déléguée aux Collectivités territoriales avait réitéré ensuite ses excuses, cette fois dans les colonnes du Parisien, le 14 juillet.

La femme politique est née le 1er novembre 1948 à Paris, elle est la fille du docteur Pierre Fournier, ancien président du Conseil de l'ordre national des pharmaciens de 1979 à 1987. Après une licence d'anglais et un diplôme supérieur de droit international privé, elle devient enseignante puis responsable d'un organisme de formation professionnelle. Elle entame sa carrière politique en 1997, lorsque Philippe Séguin l'appelle à la commission exécutive du RPR. En 2001, elle crée la surprise en battant le maire sortant de Beauvais, un socialiste en place depuis 24 ans.

En plus de ses fonctions de maire, Caroline Cayeux a été conseillère régionale de Picardie de 2004 à 2011, puis sénatrice de 2011 à 2017, où elle a été vice-présidente de la commission des affaires sociales. Depuis le 1er janvier 2020, elle est également présidente de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Elle quitte le parti Les Républicains en 2018 et signe, en 2021, une tribune publiée par le Journal du dimanche, dans laquelle elle se joint à 600 élus locaux favorables à un second mandat d'Emmanuel Macron.