Manifestations françaises et assaut du Capitole : la comparaison hasardeuse de Macron

Manifestations françaises et assaut du Capitole : la comparaison hasardeuse de Macron Emmanuel Macron a volontairement comparé les manifestations spontanées contre la réforme des retraites à l'assaut du Capitole lors de son discours aux 13H de TF1 et France 2. Ce parallèle qui suscite de vives réactions est-il justifié ?

C'est une comparaison qui fait réagir : celle faite par Emmanuel Macron entre les manifestations spontanées contre la réforme de retraites et l'assaut du Capitole survenu aux Etats-Unis en janvier 2021. Alors que depuis près d'une semaine les rassemblements quotidiens et inopinés des opposants au projet de loi adopté en force finissent en affrontements avec les autorités, parfois à coup de violences policières, le président de la République a semblé jeter la pierre aux manifestants.

"Quand des groupes utilisent l'extrême violence pour agresser des élus de la République, quand ils utilisent la violence sans règle parce qu'ils ne sont pas contents de quelque chose, alors ce n'est plus [le cadre de] la République", a jugé le chef de l'Etat devant les journalistes de TF1 et France 2, ce mercredi 22 mars 2023. Et aussitôt de faire le parallèle avec des mouvements anti-démocratiques : "Quand les USA ont vécu ce qu'ils ont vécu au Capitole, quand le Brésil a vécu ce qu'il a vécu, quand vous avez eu l'extrême violence en Allemagne, aux Pays-Bas ou par le passé chez nous, il faut dire on respecte, on écoute, on essaie d'avancer pour le pays mais on ne peut accepter ni les factieux ni les factions".

Une comparaison juste ?

Auprès des internautes, la comparaison entre les manifestations contre la réforme et l'assaut du Capitole ne passe pas. Et pour cause, les contextes entre les deux situations n'ont rien en commun. Les manifestants français, issus de tous les bords politiques, contestent un "déni de démocratie" après le passage en force du gouvernement sur le projet de loi grâce à 49.3, en dépit de l'écrasante majorité de Français qui rejette la réforme. Un point éludé par une petite phrase d'Emmanuel Macron lors de sa réunion avec ses ministres et les parlementaires dans la soirée du 21 mars : "La foule n'a pas de légitimité face au peuple qui s'exprime souverain à travers ses élus". Problème, les députés, seuls parlementaires élus directement par les citoyens, n'ont pas voté la réforme des retraites.

En parallèle, le Capitole a été pris d'assaut par des électeurs et soutiens de l'extrême droite en réaction à des propos de Donald Trump qui venait de perdre sa place à la Maison Blanche face à Joe Biden. Un appel au soulèvement en quelque sorte. Surtout, si la colère des manifestants opposés à la réforme des retraites est palpable, elle s'exprime depuis plusieurs semaines sans qu'un incident ne soit survenu ou qu'un assaut, quel qu'il soit, n'ait été mené à l'encontre des institutions. Les seules exceptions pouvant être prises en compte étant des coupures de courant dans les permanences des élus de la majorité.

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Entre manifestants et autorités, un monopole de la violence ?

La question des violences et de leurs auteurs se pose aussi dans le discours d'Emmanuel Macron. En plus d'être maladroite - sans doute voulait-il faire référence aux groupes les plus radicaux uniquement -, la déclaration du chef de l'Etat impute la violence aux seuls manifestants. Or depuis six jours, des charges et des interventions des forces de l'ordre, notamment de la brigade de répression des actions violentes motorisée (BRAV-M) menées sans discernement entre casseurs et manifestants pacifistes pullulent sur les réseaux sociaux.

Ces violences policières n'ont pas été mentionnées et le président de la République n'a pas eu le tact de différencier les manifestants et les éléments radicaux qui s'immiscent lors des mobilisations. La distinction a seulement été faite entre les mobilisations syndicales et les manifestations spontanées : "Qu'il y ait des manifestations, pacifiques, oui c'est légitime, c'est normal. A côté de ça, il y a les blocages et les violences, il faut les condamner". Ajoutant un mot à l'adresse des syndicats qu'il "respecte" pour renforcer le distinguo avec les rassemblements spontanés.