Borne dégaine le 49.3, son gouvernement risque-t-il d'être renversé ?

Borne dégaine le 49.3, son gouvernement risque-t-il d'être renversé ? Elisabeth Borne a activé le 49.3 pour faire passer en force le projet de loi de programmation des finances publiques sans le vote des députés. La gauche a déposé une motion de censure pour tenter de renverser l'exécutif, mais tout repose sur les Républicains.

Elisabeth Borne a recouru au 49.3 pour la douzième fois... Mais cette décision n'a rien d'une surprise. La Première ministre avait déjà préparé la voie et presque prédit l'enclenchement de cette arme parlementaire pour faire passer en force le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) très impopulaire auprès de l'opposition. Le texte prévoit la trajectoire financière de la France de 2023 à 2027 et ambitionne de réduire le déficit public à 2,7% du PIB, contre 4,8% aujourd'hui, pour remplir l'objectif européen de 3%.

Mais une telle baisse implique forcément de rogner sur certaines dépenses et la LPFP n'a pas trouvé de public auprès de l'opposition, qu'elle soit de droite ou de gauche. Pas plus que le recours au 49.3 annoncé par Elisabeth dans la nuit du mercredi 27 septembre après seulement trois heures de débats sur le projet de loi. Les forces de la Nupes ont critiqué un "gouvernement qui est 49.3 dépendant" selon les mots de Boris Vallaud, chef du groupe de députés socialistes. Et l'alliance de la gauche n'a pas tardé a annoncé le dépôt d'une motion de censure contre le gouvernement, mettant à nouveau l'avenir de l'exécutif en danger.

Le vote et la stratégie des Républicains déterminants

A coup sûr les insoumis, les socialistes, les communistes et les écologiques voteront la motion de censure. Mais le texte est loin d'être certain d'obtenir la majorité nécessaire pour renverser la Première ministre et son gouvernement. Le Rassemblement national a déjà voté des motions déposées par la Nupes précédemment, mais ne sait pas prononcé sur celle-ci. Quand bien même les députés d'extrêmes droite soutiendraient la motion, ce n'est pas sur eux que repose la réussite du texte.

Les yeux se tournent, comme à chaque motion de censure, vers les députés des Républicains. Mais ces derniers ce sont rarement montrés enclins à voter pour le renversement de l'exécutif, en particulier sur des textes d'ordre financiers comme la LPFP. Seule la motion déposée après le passage en force sur la réforme des retraites en mars 2023 fait office d'exception avec quelques dissidents LR qui ont soutenu le texte. Les Républicains ne devraient donc pas voter la motion de censure, en revanche ils n'envisagent pas non plus de soutenir le gouvernement et pourraient chercher à piéger la majorité friande de 49.3 d'après les informations de Politico.

A la différence des projets de loi de finances, de financement de la Sécurité sociale ou les budgets rectificatifs, la LPFP n'ouvre pas droit à une utilisation illimitée du 49.3. En utilisant l'arme parlementaire sur ce texte, la majorité se prive donc de son unique cartouche autorisée pour la session parlementaire ordinaire. Mais subtilité : la session ne débute que le 2 octobre - le gouvernement a ouvert une session extraordinaire avec une semaine d'avance pour présenter son projet de LPFP, certainement à escient -, Elisabeth Borne pourra donc utiliser un nouveau 49.3 sur un autre texte comme le projet de loi sur l'immigration.

Un prochaine 49.3 plus risqué ?

Pour contrer ce 49.3 et l'exécutif, les Républicains misent sur le parcours législatif qui va ramener le texte devant l'Assemblée après un passage au Sénat et une fois la session parlementaire ordinaire ouverte. Alors "le gouvernement sera contraint de dégainer un nouveau 49.3" et donc "de griller sa fameuse cartouche en session ordinaire" d'après le plan de la droite. La stratégie n'est toutefois pas infaillible. Certains élus croient savoir qu'une fois le 49.3 déclenché il reste actif tout au long du parcours législatif et conserve ses effets sur le vote de l'Assemblée. Mais la juriste Stéphanie Damarey rappelle au Monde que ce scénario n'est pas prévu et que "l'arbitre final sera le Conseil constitutionnel". Or ce dernier s'est toujours montré souple avec le gouvernement et pourrait conserver cette position, sans trouver à redire à l'usage du 49.3.