Karim Benzema contre Gérald Darmain : la justice donne tort au footballeur
Karim Benzema avait placé Gérald Darmanin dans son viseur en déposant plainte contre le ministre de l'Intérieur. Mais la plainte déposé à la mi-janvier, qui dénonçait une "diffamation" et des propos mensongers du ministre qui affirmait que la star du football avait un "lien notoire" avec l'organisation islamiste des Frères musulmans, a été classée sans suite ce 15 février.
La commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), seule juridiction à même de juger un ministre en exercice "retient que la plainte de M. Benzema est relative à des propos qui ne lui imputent aucun fait qui soit de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération" indique le procureur général auprès de la Cour de cassation, Rémy Heitz, dans son communiqué. La décision de justice porte donc surtout sur le motif invoqué dans la plainte, notamment les propos diffamatoires et leurs capacités à porter atteinte à l'honneur du footballeur, plus que sur le fond de l'affaire. Il est précisé que la décision de la commission "n'est susceptible d'aucun recours" pour Karim Benzema.
Un "lien" supposé avec les Frères musulmans au cœur de l'affaire
L'affaire qui oppose Karim Benzema à Gérald Darmanin a débuté en octobre 2023, lors d'un passage du ministre de l'Intérieur sur CNews. En plateau, le ministre avait reproché à l'ancien attaquant du Real Madrid "une lente dérive des prises de position vers un islam dur, rigoriste, caractéristique de l'idéologie frériste consistant à diffuser les normes islamiques dans différents espaces de la société, notamment dans le sport." Gérald Darmanin avait dit se baser sur une série de faits en guise d'indice - diffusion et mise en avant par le joueur de 36 ans sur les réseaux sociaux des normes islamiques et des pratiques de l'islam, le fait de ne pas chanter La Marseillaise lors de ses matchs avec l'équipe de France ou encore une photo avec un imam de Meaux perquisitionné dans l'affaire Samuel Paty -, mais n'avait apporté aucune preuve factuelle.
Dans sa plainte enregistrée Karim Benzema démentait fermement et à plusieurs reprises tout lien avec Les Frères musulmans. Il dénonçait également une "instrumentalisation politique" de sa personne et une forme d'"opportunisme politique petit [et] mesquin"
Des "accusations mensongères" à l'origine d'un "déchaînement de violences"
Concrètement, Karim Benzema reprochait à Gérald Darmanin d'avoir formulé à son encontre des "accusations inexactes et plus vraisemblablement mensongères, mais en tout cas faites à dessein". Le footballeur estimait servir de cible idéale car considéré comme un "symbole" de la "jeunesse des cités, vue comme immigrée, musulmane, hostile à la France et antisémite", une étiquette dans laquelle "on (l')enferme et depuis longtemps" et qu'il rejette, rapporte Le Parisien.
Le Ballon d'or 2022 ajoutait dans sa plainte de 90 pages, 10 d'argumentation et 80 d'annexes, que les accusations de Gérald Darmanin sur un lien supposé avec l'organisation frériste a entraîné un "déchaînement de violences" à son égard et celui de sa famille. Me Hugues Vigier, avocat de Karim Benzema, était revenu sur ces "violences terribles" et les conséquences des déclarations du ministre sur le quotidien de la star du ballon rond, qui est partie vivre et travailler en Arabie Saoudite, au micro de BFMTV le 17 janvier. Le conseil avait rappelé que l'Arabie Saoudite considère les Frères musulmans comme une organisation terroriste depuis 2013 et que les paroles de Gérald Darmanin avaient eu pour effet de "mettre en danger" la famille de Karim Benzema. "Mes enfants ont été accusés d'avoir un père terroriste" avait d'ailleurs écrit le footballeur dans sa plainte.
Benzema pointait l''indécente hypocrisie" de Darmanin
Au-delà des reproches, Karim Benzema dénonçait les accusations formulées par Gérald Darmanin et surtout "l'indécente hypocrisie" du ministre. Les déclarations de Gérald Darmanin avaient été faites en réaction à un tweet du footballeur sur son soutien aux Palestiniens de la bande de Gaza publié seulement quelques jours après l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre. Le ministre avait alors souligné l'absence de soutien exprimé aux victimes israéliennes avant d'affirmer l'existence d'un lien entre Karim Benzema et les Frères musulmans. Dans sa plainte, le footballeur faisait remarquer que l'homme fort de Beauvau le pointait du doigt pour avoir des liens supposés avec les Frères musulmans, mais ne s'attaquait pas au pouvoir qatari "dont la proximité avec les Frères musulmans est en l'espère effectivement notoire" et qui a participé aux négociations et travaillé avec la France sur le sort des otages du Hamas. Le tout en rappelant que lui a "fait le choix" de vivre dans un pays où les Frères musulmans sont considérés comme terroristes.
Karim Benzema et son avocat avaient annoncé peu de temps après les déclarations de Gérald Darmanin porter plainte contre le ministre dans une réaction "à chaud" selon Me Hugues Vigier. La décision de porter plainte questionnée et sur le point d'être écartée avait fini par s'imposer en décembre lorsque le ministre avait confirmé ses propos et réitérer ses accusations à l'encontre du footballeur. Le ministre de l'Intérieur avait alors indiqué ne pas avoir eu connaissance d'un dépôt de plainte. "Si je ne dépose pas plainte, il pourra ensuite se gausser devant les médias en disant 'vous voyez, ce que j'ai dit est vrai'", avait alors estimé la star du football à son avocat selon les dires de ce dernier sur RMC. "C'est Gérald Darmanin qui porte l'accusation et c'est à lui de prouver ses propos. Evidemment, il n'a pas, il n'aura pas et il n'a jamais eu un seul élément", avait déclaré Me Vigier qui estimait "assez préoccupant" que le ministre de l'Intérieur "[ne soit] pas foutu de savoir qu'il n'y a aucun, et qu'il n'y a jamais eu aucun lien entre Karim Benzema et les Frères Musulmans".