Pourquoi Le Maire a refusé de bloquer le prix de l'électricité en février

Pourquoi Le Maire a refusé de bloquer le prix de l'électricité en février Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé une hausse du prix de l'électricité au 1er février. Une sortie du "quoi qu'il en coûte" vivement critiquée par l'opposition, à quelques jours du discours de politique générale de Gabriel Attal.

"L'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace" déclarait Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, le 16 janvier dernier. Alors, le ministre de l'Économie a-t-il fait preuve d'audace ? Ce dimanche 21 janvier, Bruno Le Maire a annoncé sur TF1 une augmentation des tarifs de l'électricité au 1er février 2024 de 9,8 % pour les ménages en heures pleines/creuses et de 8,6 % pour le tarif de base. La hausse sera échelonnée de 5 % à 8 % pour les entreprises. Cette augmentation est due au retour de la taxe intérieure de consommation finale sur l'électricité (TICFE), gelée jusqu'alors. Elle est actuellement de 1 euro le MWh, contre 32 euros avant la crise. Au 1er février, elle passera à 21 euros le MWh avant d'être réévaluée au 1er janvier 2025 pour atteindre les 32 euros MWh d'avant bouclier tarifaire.

Une hausse "sous les 10 %" comme il l'avait promis. Annoncée à heure de grande écoute lors du JT de 20 heures, cette mauvaise nouvelle pour les foyers français n'est toutefois pas une surprise, le locataire de Bercy n'avait pas manqué de préparer les Français à cette sortie du bouclier tarifaire, en place depuis 2022. Si "la France gardera les factures d'électricité parmi les plus basses d'Europe" comme indiqué par le ministre de l'Économie, la pilule risque d'être dure à avaler.

L'augmentation rapportera 6 milliards d'euros à l'État cette année

Après les trois dernières augmentations, +4 % en février 2022, +15 % en février 2023 et +10 % en août 2023, la hausse totale sur deux ans atteint donc 43 à 44 %. "Nous faisons les deux tiers du chemin, mais pas l'intégralité du chemin dans le rétablissement de l'intégralité de cette taxe indique BFMTV. Selon le ministre de l'Économie, la taxe rapportera 6 milliards d'euros à l'État cette année, alors qu'un retour à la normale immédiat aurait rapporté 9 milliards d'euros. "Nous avons beaucoup protégés, nous revenons à la normale. Il faut aussi progresser nos finances publiques car si demain il y a à nouveau une pandémie ou une autre crise, on sera bien content de pouvoir protéger les Français, les salariés et les entreprises" a-t-il indiqué.

"Nous avons tous collectivement dépensé plus de 40 milliards d'euros pour payer la facture de gaz et la facture d'électricité des Français pendant la crise inflationniste, aucun autre pays n'a fait ça". Une manière pour Bruno Le Maire de justifier son refus catégorique de gel des prix en février 2024. Il y a également "des besoins sur l'hôpital, sur l'école et sur les services publics" ajoute-t-il. De son côté, Emmanuel Macron avait aussi justifié cette position lors de sa conférence de presse : "la France a beaucoup protégé face à l'inflation ces dernières années. Donc, au moment où les prix de l'électricité reviennent dans la norme, il est légitime qu'il y ait en effet des augmentations" avait-il expliqué. Une partie des prix de l'énergie sert également à financer le programme nucléaire du gouvernement, comme indiqué par le chef de l'État le même soir. La construction de six nouveaux réacteurs nouvelle génération EPR est déjà prévue.

Libérer Gabriel Attal d'un poids

Alors que les prix à la consommation ont augmenté de 0,1 % en un mois et de 3,7 % sur un an au mois de décembre 2023, les Français verront donc dès le mois prochain leur facture d'électricité flamber. Cette annonce de Bruno Le Maire était inévitable, et le timing n'a pas été choisi par hasard. C'est notamment une manière de libérer Gabriel Attal d'une certaine pression, à huit jours de la prononciation de son discours de politique générale (DGP), le 30 janvier prochain. Cette semaine, le Conseil constitutionnel doit également rendre ses conclusions sur l'immigration. En somme, c'est un premier sujet chaud traité par le gouvernement, avant une, voire des semaines qui s'annoncent mouvementées.

Jordan Bardella (RN) fustige le gouvernement

Cette annonce n'a pas manqué de faire réagir l'opposition et notamment le président du Rassemblement national, Jordan Bardella à quelques encablures des élections européennes. Pour rappel, il est la tête de liste du RN. "Bruno Le Maire confirme la hausse des tarifs de l'électricité, dès le 1er février, pour l'ensemble des Français. La première action de Gabriel Attal en tant que Premier ministre est donc d'amputer du pouvoir d'achat à nos compatriotes dans une période de grandes difficultés" a-t-il déclaré sur X (ex-Twitter) dimanche matin. "Si les prix de l'électricité ont flambé, c'est parce que Vladimir Poutine, l'ami de Marine Le Pen, a attaqué l'Ukraine". Bruno Le Maire avait semble-t-il anticipé les réactions du RN dès sa prise de parole sur le plateau de TF1 ce dimanche. De son côté, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a tout simplement réclamé "le gel des factures !". 

La "France de l'angle mort" sans solution

"Nous serons sous les 3 % d'inflation en 2024" déclarait Bruno Le Maire au micro d'Europe 1 en décembre dernier. Problème, les Français ne voient pas le bout du tunnel et cette baisse promise de l'inflation. Avec une hausse du prix de l'électricité dès le début de l'année, le gouvernement fait-il vraiment des classes moyennes sa priorité ? "La France de l'angle mort" comme l'avait qualifiée Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, coincée entre les précaires qui bénéficient des aides et les classes supérieures. Difficile à dire. Une chose est sûre, la colère gronde dans le pays. Grève des syndicats d'enseignants le 1er février, mouvements réguliers sur l'immigration, actions d'envergure des agriculteurs notamment dans le Sud-ouest... L'audace exigée par le chef de l'État pourrait se retourner contre lui.