Mort de Philippe De Gaulle : une fin de vie entouré de livres et des siens

Mort de Philippe De Gaulle : une fin de vie entouré de livres et des siens Philippe De Gaulle, fils de Charles de Gaulle est mort ce mercredi 13 mars 2024. L'ancien amiral de la Marine française avait 102 ans.

Né le 28 décembre 1921, Philippe de Gaulle, fils du Général De Gaulle, est mort dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 mars 2024 selon les informations de BFMTV. Il avait 102 ans. "Il est mort à l'Institution nationale des Invalides dont il était pensionnaire depuis deux ans" précise son fils Yves de Gaulle à l'AFP ce matin.

Philippe De Gaulle était notamment connu pour sa longue et réputée carrière militaire qui a commencé à la Libération, notamment à Paris. A la fin des années 1960, il rate son entrée en politique alors qu'un parti gaulliste "légitimiste", tente de se constituer autour de lui : le Centre des républicains libres. Cela n'empêchera pas "l'amiral" de Gaulle de devenir sénateur RPR de Paris en 1986. Un poste qu'il gardera jusqu'en 2004. Il avait mis fin à sa carrière militaire bien plus tôt, en 1982.

"Je lis beaucoup de livres d'histoire, j'écoute de la musique classique"

Sa fin de vie fut l'occasion pour Philippe De Gaulle de profiter des plaisirs simples de la vie et d'aiguiser sa curiosité, encore et toujours. Sport, cinéma, littérature, musique... L'amiral n'a cessé de se cultiver, jusqu'au dernier jour, toujours en présence des siens. "Quand tout va bien, je reçois de temps à autre des visites de ma famille. J'écoute de la musique classique, je regarde à la télévision les grands matchs de tennis, de rugby, de football. Et également les "James Bond", les films de Melville, des Louis de Funès comme "Le Petit Baigneur", des westerns et des documentaires sur les animaux, la nature avec ses paysages lointains, les déserts, le Grand Nord" expliquait-t-il dans un grand entretien accordé à Paris Match en novembre 2020.

Rieur, notamment lorsqu'il évoquait son regret de n'avoir "fait de l'alpinisme que sur grand écran", il indiquait également avoir lu "beaucoup de livres d'histoires" et avoir répondu à "une bonne partie du courrier" que lui envoyaient "des descendants de Français libres" au cours des dernières années de sa longue et riche vie. Un parcours durant lequel il fut parfois "lourd" de porter le nom du Général De Gaulle, comme il le concédait, toujours dans Paris Match. "On ne choisit pas. Porter ce nom entravait ma propre liberté, me contraignait à beaucoup de discrétion. D'ailleurs, je suis entré dans la marine pour ne pas être dans l'armée de terre, où j'aurais eu une vie impossible. La marine est tournée vers le large !" avait-il lancé.

Les tourments d'être le fils d'une légende

Toute sa vie durant, Philippe De Gaulle a vécu dans l'ombre de son père, le Général. Et comment cela aurait-il pu en être autrement ? Agacé d'être considéré comme un "fils d'archevêque", il s'estimait rabaissé. Un proche du Général, Jacques Foccard, racontait une visite que Philippe de Gaulle lui avait faite, au lendemain de la mort de son père, pour se plaindre de n'être que capitaine de vaisseau rapporte Le Monde : "Pour m'en convaincre, il cite les exemples du fils de Staline, qui a été promu général à 27 ans, et du fils d'Eisenhower, qui est aussi Général. Je ne le prends pas pour un aigle et il est souvent maladroit, mais il est le fils du Général. Il faut que l'on fasse quelque chose pour lui". Preuve d'une maigre aura par rapport à son père et d'une considération toute relative à son égard.

Cette sensation désagréable d'un fils opprimé et intimidé face à un tel père se poursuit jusque dans la sphère privée. S'il était attentif à l'éducation de ses enfants, le Général de Gaulle avait la France chevillée au corps et lui était dévoué. "Après m'avoir embrassé, ce qu'il fait rarement, il me renvoie au bout d'un quart d'heure" expliquait-il. Cette affection pour le moins mesurée constituait la marque de respect et d'amour d'un père envers son fils dans l'esprit du Général. "Cher vieux garçon" l'appelait-il. Tout un symbole.

À la mort de son père, Philippe de Gaulle héritait notamment du droit moral attaché à l'œuvre du Général. Sa mémoire, son image, ses écrits ainsi que ses archives. Une marge de manoeuvre dont Philippe va profiter en publiant une lettre que son père lui a adressé en 1964 et dans laquelle il fait part de son souhait de le voir assumer "la charge de conduire la France". Une marque de confiance rare de sa part, et surtout, rendue publique par l'Amiral. En revanche, Philippe n'a jamais été fait compagnon de la Libération par son père. Un "oubli" dont le général s'était justifié : "Naturellement, je ne pouvais pas, toi mon fils, te faire compagnon de la Libération. Sinon à titre posthume ou si tu étais revenu gravement mutilé, et encore ! De toute façon, tout le monde sait que tu fus mon premier compagnon". Emblème d'une relation déséquilibrée dans laquelle le Général De Gaulle a toujours eu un temps d'avance, et disséminait avec parcimonie, de légers éclats de tendresse.