Gouvernement démissionnaire : Attal indéboulonnable, la Constitution bafouée ?

Gouvernement démissionnaire : Attal indéboulonnable, la Constitution bafouée ? L'hypothèse d'un gouvernement démissionnaire pose deux problèmes principaux sur le plan constitutionnel : il ne peut pas être renversé par l'Assemblée nationale, et la séparation des pouvoirs n'est pas vraiment respectée.

La mise en place d'un gouvernement démissionnaire est problématique. Il faut bien comprendre que le président de la République a posé ses conditions : il nommera un Premier ministre une fois qu'émergera une proposition pour Matignon ayant le soutien d'une majorité à l'Assemblée. Ce qui est pour l'heure très loin d'être le cas. Le chef de l'Etat attend, donc. Et dans ce moment d'attente, il maintient un gouvernement, avec les mêmes ministres, même s'ils sont démissionnaires, dont le chef du gouvernement Gabriel Attal.

Reste que cette solution pose un grave problème sur le plan constitutionnel : un gouvernement démissionnaire ne peut pas être renversé par l'Assemblée nationale, il n'est plus responsable devant les députés. Si la lettre du droit n'est pas bafouée, puisque le gouvernement n'a plus de prérogatives de plein exercice - il gère les affaires dites courantes - c'est l'esprit de la Constitution qui apparaît atteinte : l'expression de la Souveraineté populaire, l'Assemblée nationale, est privée de son moyen de censure sur l'exécutif. Si cette configuration peut s'entendre en phase de transition, elle pose clairement un problème démocratique si elle perdure longtemps, des semaines ou des mois, un scénario qui apparaît aujourd'hui comme envisageable notamment avec le début imminent des Jeux Olympiques de Paris 2024. 

L'autre problème concerne la séparation des pouvoirs. Cette dernière exige que le pouvoir législatif représenté par les députés, et le pouvoir exécutif, à savoir les ministres et l'ensemble du gouvernement, soient deux entités cloisonnées. Or, dans le cadre d'un gouvernement démissionnaire, ceux qui votent les lois et qui gouvernent pourraient bien être les mêmes personnes étant donné que plusieurs ministres ont été élus comme députés à l'Assemblé nationale lors des dernières élections législatives anticipées. On peut par exemple citer Gabriel Attal, Gérald Darmanin ou encore Marc Fesneau qui retrouveront les bancs du Parlement sous peu. Une situation qui bafoue l'esprit constitutionnel traditionnel français.

Que peut faire ou ne pas faire un gouvernement démissionnaire ?

Un gouvernement démissionnaire est voué à partir pour laisser la place à une nouvelle équipe ministérielle, mais il reste en place jusqu'à la nomination de celle-ci. Il y donc un laps de temps entre la remise et l'acceptation de la démission du Premier ministre et de son gouvernement et l'arrivée de leurs remplaçants : c'est durant cette période, qui dure généralement entre quelques jours et quelques semaines, que le gouvernement démissionnaire est en place. Il assure alors uniquement "les affaires courantes" - d'où l'autre nom du gouvernement démissionnaire - pour "assurer, au nom de la continuité, le fonctionnement minimal de l'État" expliquait Claire Landais, la secrétaire générale du gouvernement dans un vade-mecum aux ministères rapporte Politico.

Le Premier ministre et son gouvernement démissionnaires sont donc privés des fonctions qu'ils assuraient jusqu'alors comme faire passer une réforme par décret, proposer un projet de loi, changer un règlement ou encore lancer un plan. Le gouvernement démissionnaire échappe aussi à des rendez-vous comme le Conseil des ministres puisqu'aucune prise de décision n'est possible. Surtout, du fait d'être promis à un départ, un gouvernement démissionnaire ne peut pas être visé par une motion de censure contrairement à un gouvernement de pleines prérogatives. Pour rappel, le président de la République n'a pas précisé la date jusqu'à laquelle Gabriel Attal conservera ses prérogatives de Premier ministre, même si la date butoir du 18 juillet se rapproche pour rendre le gouvernement démissionnaire. Autrement dit, la date limite pour la constitution des nouveaux groupes à l'Assemblée nationale.

Des changements pour les ministres députés

Les ministres perdent donc l'intérêt de leur fonction quand un gouvernement devient démissionnaire, mais ceux qui sont députés en plus d'être membres du gouvernement peuvent aussi retrouver des avantages au sein de l'Assemblée nationale. Ils peuvent notamment prétendre et peser lors de l'attribution des postes à responsabilité de l'hémicycle comme la présidence de l'Assemblée ou celles des différentes commissions, chose qui leur est impossible tant qu'ils font partie de l'exécutif.

Ces élections clefs pour l'Assemblée nationale doivent avoir lieu après la constitution de tous les groupes soit à partir de 18 juillet. Ce détail, couplé au fait que dès sa première réunion, également fixée au 18 juillet, l''hémicycle peut déposer une motion de censure contre le gouvernement, pourrait pousser Emmanuel Macron à rendre le gouvernement démissionnaire avant cette date. Il s'épargnerait le renversement d'un gouvernement qu'il sait devoir remplacer et il pourrait permettre à son camp de compter sur les voix des 18 ministres députés lors de l'attribution des postes à l'Assemblée, et donc être mieux représenté.