Marine Le Pen condamnée au procès des assistants parlementaires ? Ce qu'elle risque vraiment

Marine Le Pen condamnée au procès des assistants parlementaires ? Ce qu'elle risque vraiment Inéligible pour l'élection présidentielle de 2027 ? Le scénario est sur la table alors que le procès s'ouvre ce lundi 30 septembre. Marine Le Pen affirme n'avoir "violé aucune règle".

À partir de ce lundi 30 septembre, Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (RN) jusqu'en 2021, ainsi que 9 personnes élues au Parlement européen, 12 assistants parlementaires et 4 collaborateurs du parti sont jugés par le tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds publics et complicité de détournement de fonds publics. Ils sont accusés d'avoir, entre 2004 et 2016, utilisé les fonds alloués par le Parlement européen aux eurodéputés du parti d'extrême droite pour financer le fonctionnement du RN. Le préjudice est estimé à près de 7 millions d'euros. Le procès devrait durer deux mois. 

Dans le même temps, la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale est en bonne posture à trois ans du scrutin présidentiel à en croire une étude d'OpinionWay réalisée entre le 11 et le 12 septembre, non publiée mais révélée par Challenges. Marine Le Pen arrive en tête des intentions de vote dans tous les scénarios testés et dans lesquels elle apparaît. Selon les adversaires placés en face, Edouard Philippe, Gabriel Attal ou les deux, elle est créditée de 34 à 40% des intentions de vote au premier tour.

Il y a toutefois une ombre au tableau : le procès de l'affaires des assistants parlementaires du RN qui s'annonce déterminant pour l'avenir politique de Marine Le Pen. Dans cette affaire, Marine Le Pen pourrait tout simplement perdre ses droits civiques, comme indiqué dans l'article 432-17 du Code pénal. Menacée d'inéligibilité pour la prochaine élection présidentielle, le scénario selon lequel Marine Le Pen ne pourrait pas se présenter existe bien. Si cette dernière est condamnée à une peine avec sursis, rien ne l'empêchera de candidater. En revanche, une peine ferme, voire une peine avec exécution provisoire réduirait ses espoirs à néant. Ce lundi 30 janvier, à son arrivée au tribunal judiciaire de Paris, Marine Le Pen a affirmé que sa formation politique n'avait "violé aucune règle politique ou réglementaire du Parlement européen". Cette dernière se dit "pas mécontente" que le procès dure deux mois, ce qui devrait lui laisser "le temps de développer" ses arguments "extrêmement solides". Des propos recueillis par France Info.

La menace de l'inéligibilité pour 2027

En cas de condamnation, Marine Le Pen encourt jusqu'à dix ans de prison et un million d'euros d'amende, le tout assorti d'une peine d'inéligibilité pouvant aller jusqu'à cinq ans conformément à l'article 432-17 du Code pénal. Mais puisque la figure du parti à la flamme exerçait un mandat électif public au moment des faits, la peine d'inéligibilité peut aller jusqu'à dix ans comme le prévoit l'article 131-26-1 du Code pénal. Une peine d'inéligibilité supérieure à trois ans empêcherait Marine Le Pen de se présenter à l'élection présidentielle de 2027, or la candidate qui a déjà participé à cette élection trois fois n'a pas renoncé à une nouvelle tentative. Le pire des scénario conduirait même Marine Le Pen à être inéligible avec exécution provisoire. Toutefois, "normalement, ce type de peine est plutôt pour celui qui a commis des escroqueries en chaîne", précise Jean-Marie Brigant, Maître de conférences en droit privé à l'université du Mans, dans les colonnes d'Actu.fr.

Marine Le Pen disposerait toutefois de solutions pour éviter d'être inéligible à l'issue du procès en cas de condamnation. Elle pourrait faire appel de la décision, puis se pourvoir en cassation si nécessaire. Les peines prononcées seraient alors suspendues, y compris la peine d'inéligibilité, jusqu'à la décision définitive. A noter qu'une peine d'inéligibilité peut être accompagnée de "sursis" et donc ne pas être effective. Elle peut aussi, à contrario, devenir une privation des droits civiques assortie d'une exécution provisoire, ce qui rendrait la peine applicable malgré la possibilité de faire appel.

L'implication de Marine Le Pen devra être prouvée

Marine Le Pen qui a présidé le RN, qui s'appelait Front national (FN) jusqu'en 2018, de 2011 à 2021 est mise en cause, car suspectée d'avoir participé à la mise en place d'un système frauduleux d'emplois fictifs concernant les assistantes parlementaires des eurodéputés de son parti. Les faits jugés se sont déroulés entre 2004 et 2016, donc en partie sous la présidence de la députée d'Hénin-Beaumont. Des éléments d'enquête et des témoignages indiquent que Marine Le Pen était au courant du système et le chapeautait, c'est le cas des déclarations des anciens eurodéputés Aymeric Chauprade, qui s'est depuis retracté, et Sophie Montel ou encore de l'ex-assistant parlementaire auprès d'élus RN Nicolas Franchinard contacté par Médiapart.

Des échanges de mails, incluant le cabinet de Marine Le Pen, sur des instructions concernant l'usage des financements alloués par le Parlement européen à chaque élu consultés par Médiapart, montrent que les instructions données aux eurodéputés - à savoir recruter un seul assistant chargé de travailler sur les projets parlementaires et en recruter d'autres pour s'affairer à d'autres tâches, notamment au profit du parti - venaient de la direction, et donc vraisemblablement de Marine Le Pen. Mais l'implication personnelle et directe de Marine Le Pen devra être prouvée. François Bayrou, le président du MoDem, jugé dans une affaire similaire en février 2024 a été relaxé "au bénéfice du doute" en raison de l'insuffisance de preuves attestant de son implication.

Marine Le Pen a toujours contesté tout système frauduleux d'emplois fictifs. Lors d'auditions dans le cadre de l'enquête, elle a affirmé : "Ce n'est pas moi qui prenais les décisions et imposais cela aux députés et aux salariés". Quant à d'autres documents comme des tableaux démontrant la gestion centralisée des financements parlementaires par le trésorier du FN, elle s'est dédouanée de toutes responsabilités : "Je ne dirais pas que je supervisais cette gestion plutôt que j'en étais informée".

Mais si Marine Le Pen reconnaît avoir eu connaissance du système de gestion, elle n'est pas nommément impliquée dans les échanges de mails précités puisque tous les échanges passaient par son cabinet selon le témoignage de Nicolas Franchinard. "Elle est au courant de tout mais n'apparait nulle part. Il y a une volonté de la tenir informée, mais je n'ai jamais reçu et je pense que personne n'a jamais reçu d'instructions directes de Marine Le Pen" a-t-il déclaré à Médiapart ajoutant toutefois que "quand on reçoit un mail du directeur du cabinet de la présidente de parti, pour [les assistants parlementaires] c'est comme si le leader lui-même nous écrit".