Marine Le Pen : pas de candidature pour 2027 ? Ce que la justice dit à ce stade
Marine Le Pen, qui a l'élection présidentielle de 2027 dans le viseur, sait désormais que le verdict du procès des assistants du Front national (FN) au Parlement européen pourrait anéantir ses ambitions. Dans cette affaire concernant des soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen, la députée du Rassemblement national (RN) est jugée pour détournement et recel de fonds publics aux côtés de 24 autres personnes membres du parti pour un préjudice total estimé à près de 7 millions d'euros. Après sept semaines d'audiences, le parquet de Paris a requis mercredi 13 novembre une peine d'inéligibilité pour tous les prévenus, dont Marine Le Pen. Celle-ci "est modulée dans sa durée" en fonction des profils. Ainsi, cinq ans d'inéligibilité ont été requis contre Marine Le Pen, ainsi que cinq ans de prison, dont trois ans avec sursis.
Si lors des premières audiences Marine Le Pen s'était montrée sûre d'elle, déclarant être en mesure de prouver son innocence, au fil du procès la figure de proue du parti d'extrême droite a déchanté après des auditions parfois très difficiles. Loin d'afficher la sérénité apparente du début du procès, la présidente des députés RN semble désormais convaincue d'être prochainement condamnée. "On est soumis à une présomption de culpabilité", a-t-elle lancé lors d'une audience, estimant que l'"opinion" des juges "était déjà faite et que les arguments à décharge étaient un peu évacués comme s'ils ne représentaient rien, qu'ils étaient presque une gêne". À l'issue des réquisitions mercredi soir, Marine Le Pen a dénoncé le comportement du parquet, selon elle, "extrêmement outrancier dans ses réquisitions", et estimé qu'il y avait une "volonté de ruiner le parti [ndlr. Rassemblement national]".
Marine Le Pen inéligible en 2027 ?
Alors que cinq ans d'inéligibilité, avec exécution provisoire, ont été requis mercredi 13 novembre contre Marine Le Pen, la principale concernée s'est dite déjà condamnée. Il faut dire que dans ce type de procès, les réquisitions sont souvent suivies par le tribunal. Reste un vrai point d'interrogation sur la peine d'inéligibilité, demandée "avec exécution provisoire" par le parquet : cela signifie que, dans le cas où le tribunal suivrait ces réquisitions, Marine Le Pen devra exécuter cette peine dès le jugement de première instance, et ce, même si elle fait appel.
Dans ce cas-là, Marine Le Pen ne pourrait a priori pas participer à la prochaine élection présidentielle, à moins qu'un autre verdict plus favorable tombe en appel. Mais encore faudra-t-il qu'un autre procès puisse être organisé avant 2027...
S'il est probable que Marine Le Pen soit condamnée, il n'est pas exclu que le tribunal ne suive pas le parquet sur le caractère immédiat de la peine, ce qui permettrait donc à Marine Le Pen de bénéficier d'une suspension de la sanction prononcée jusqu'au procès en appel. Et sans peine d'inéligibilité "avec exécution provisoire", la procédure peut durer - notamment avec les pourvois en cassation jusqu'après juin 2027...
De quoi est accusée Marine Le Pen ?
Marine Le Pen qui a présidé le RN appelé Front national jusqu'en 2018, de 2011 à 2021 est mise en cause, car suspectée d'avoir participé à la mise en place d'un système frauduleux d'emplois fictifs concernant les assistantes parlementaires des eurodéputés de son parti. Les faits jugés se sont déroulés entre 2004 et 2016, donc en partie sous la présidence de la députée d'Hénin-Beaumont. Des éléments d'enquête et des témoignages indiquent que Marine Le Pen était au courant du système et le chapeautait, c'est le cas des déclarations des anciens eurodéputés Aymeric Chauprade, qui s'est depuis retracté, et Sophie Montel ou encore de l'ex-assistant parlementaire auprès d'élus RN, Nicolas Franchinard, contacté par Mediapart.
Des échanges de mails, incluant le cabinet de Marine Le Pen, sur des instructions concernant l'usage des financements alloués par le Parlement européen à chaque élu, consultés par Médiapart, montrent que les instructions données aux eurodéputés - à savoir recruter un seul assistant chargé de travailler sur les projets parlementaires et en recruter d'autres pour s'affairer à des tâches profitables au parti - venaient de la direction, et donc vraisemblablement de Marine Le Pen.
Marine Le Pen a toujours contesté tout système frauduleux d'emplois fictifs. Lors d'auditions dans le cadre de l'enquête, elle a affirmé : "Ce n'est pas moi qui prenais les décisions et imposais cela aux députés et aux salariés". Quant à d'autres documents comme des tableaux démontrant la gestion centralisée des financements parlementaires par le trésorier du FN, elle s'est dédouanée de toutes responsabilités sans nier être au courant de ce fonctionnement : "Je ne dirais pas que je supervisais cette gestion plutôt que j'en étais informée".
Reste que Marine Le Pen n'est pas nommément impliquée dans les échanges de mails précités puisque tous les échanges passaient par son cabinet selon le témoignage de Nicolas Franchinard. "Elle est au courant de tout mais n'apparait nulle part", a-t-il résumé auprès de Médiapart.
14:57 - Le RN lance une pétition pour "soutenir la démocratie" (mais manifestement pas l'Etat de droit)
Les membres du parti de Marine Le Pen estiment très clairement que les procureurs du tribunal judiciaire de Paris ont fait des réquisitions "politiques". Du moins, c'est comme cela qu'ils présentent les choses, ce qui leur permet d'apparaître convaincus d'avoir rien fait de préjudiciable. Le RN lance ainsi une pétition pour défendre Marine Le Pen, qui pourrait être empêchée de concourir à l'élection présidentielle si le tribunal suit les réquisitions du parquet, notamment l'exécution provisoire qui rendrait immédiate la peine de 1ère instance. "Défendez la démocratie, soutenez Marine", peut-on lire dans un communiqué de presse sur le site du mouvement, qui accuse par ailleurs la justice de "tenter d'éliminer la voix de la véritable opposition".
Cette réaction très politique doit se confronter à deux éléments factuels : la justice en France est indépendante, d'ailleurs, le président de la République - mandat auquel aspire Marine Le Pen - en est institutionnellement le garant. Autre élément : le RN s'émeut du caractère immédiat de la peine, avant un éventuel appel, alors que le parti exige constamment que la justice soit plus rapide, que les condamnations soient lourdes et appliquées sans délais. Manifestement pas lorsque cela concerne le Rassemblement national.
10:30 - Jordan Bardella "candidat de recours" en cas d'inéligibilité de Marine Le Pen ?
Si les réquisitions du tribunal sont appliquées avec une exécution provisoire, Marine Le Pen ne pourra pas se présenter en 2027. Jordan Bardella semble alors pressenti pour prendre la place de la "candidate naturelle du parti", comme se qualifie Marine Le Pen, si ce scénario venait à se confirmer. Ce dernier est en ce moment même sur le devant de la scène avec la sortie de son livre. Toutefois, la décision du tribunal pourrait encore prendre des mois. Selon certains membres du RN, il est bien trop tôt pour envisager un quelconque remplaçant à Marine Le Pen pour la course à la présidentielle. Invité sur France 2, Jean-Philippe Tanguy a ainsi refusé de tomber dans le "piège des réquisitions", balayant d'un revers de main la candidature de recours de Jordan Bardella. "Cette perspective n’a pas de sens", assurant que "Marine Le Pen reste entièrement dévouée à la cause des Français". "On ne va pas céder à cette tentative de salissures de procureurs qui veulent faire croire que le destin de Marine Le Pen est déjà écrit".
09:45 - Eric Zemmour et Marion Maréchal apportent leur soutien à Marine Le Pen
Suite à l'annonce des réquisitions à l'encontre de Marine Le Pen, le président de Reconquête Éric Zemmour a déclaré que "ce n’est sûrement pas à la justice de décider de qui peut être candidat à l’élection présidentielle", allant au delà "des désaccords" qui ont opposé les deux anciens candidats à la présidentielle. Même son de cloche du côté de Marion Maréchal, nièce de la députée, qui a, pour sa part, fait un parallèle avec l'affaire Fillon. "Si les juges confirment l’inéligibilité, ils décideront de nouveau de l’affiche de l’élection présidentielle à la place des Français", a-t-elle écrit sur X.
François Fillon hier, Marine Le Pen aujourdhui. Si les juges confirment l’inéligibilité, ils décideront de nouveau de l’affiche de l’élection présidentielle à la place des Français : un nouveau déni de démocratie.
— Marion Maréchal (@MarionMarechal) November 13, 2024
09:30 - #JeSoutiensMarine, le RN se hisse derrière Marine Le Pen
Hormis la réaction de Jordan Bardella, un #JeSoutiensMarine a fait le tour de Twitter pour apporter son soutien à la chef de file des députés RN. Plusieurs députés ont alors publié des photos d'eux avec Marine Le Pen à leur côté tels la porte-parole du parti Laure Lavalette, le député Sébastien Chenu ou encore le député Jean-Philippe Tanguy.
#JeSoutiensMarine pic.twitter.com/UFEGketaNO
— Laure Lavalette (@LaureLavalette) November 13, 2024
09:15 - L'avenir politique de Marine Le Pen en danger ?
Cinq ans d'inéligibilité ont été requis contre Marine Le Pen. Le parquet estime que "l'exécution provisoire" de cette peine s'impose. Si le tribunal suit les réquisitions du parquet, Marine Le Pen ne pourra pas se présenter en 2027, même si elle faisait appel. Elle devrait néanmoins rester députée car elle est protégée par son statut de parlementaire jusqu'à la fin de son mandat. Elle ne pourrait toutefois pas se représenter dans sa circonscription en juin 2029. Si le tribunal décide de ne pas suivre les réquisitions du parquet, en condamnant Marine Le Pen sans exécution provisoire, la peine d'inéligibilité serait alors suspendue en cas d'appel jusqu'à un nouveau procès. Puis, si elle est condamnée en seconde instance, elle devrait former un pourvoi en cassation, également suspensif. Ce dernier pourrait prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Il est donc encore envisageable qu'il n'y ait pas de décision définitive dans cette affaire avant la présidentielle de 2027. Si Marine Le Pen devenait présidente de la République, la procédure serait suspendue le temps de son mandat.
08:45 - La décision finale se fera attendre
Le procès reprendra lundi 18 novembre avec des plaidoiries de la défense prévues jusqu'au mercredi 27 novembre. Le tribunal prendra ensuite sûrement plusieurs mois avant de rendre sa décision finale. "Si l'on compare les délais habituels de la justice à l'agenda politique de Marine Le Pen, on peut imaginer que la décision du procès en cours serait rendue d'ici trois mois, qu'un procès en appel se tiendrait un an plus tard, avec de nouveau trois mois avant le rendu d'une décision en appel - soit juin 2026 environ", estimait l'AFP ce mercredi.
08:26 - Sacha Houlié favorable à une condamnation du RN
Si Gérald Darmanin s'est indigné de la possible peine d'inéligibilité qui pourrait toucher Marine Le Pen, les réactions ne sont pas les mêmes dans le camp macroniste. Sacha Houlié, ex-président de la commission des lois, estime que "la loi de la République s'applique à tous. A tous les prévenus. A tous les délinquants". "Pour le RN, la loi pénale et la justice sont laxistes … jusqu'à ce qu'ils soient eux mêmes les prévenus ! La peine complémentaire d’inéligibilité est de droit, c'est-à-dire automatique lorsque l'infraction de détournement de fonds publics est retenue. C'est la loi française", a-t-il ajouté.
Pour le RN, la loi pénale et la justice sont laxistes … jusqu'à ce qu'ils soient eux mêmes les prévenus !
— Sacha Houlié (@SachaHoulie) November 13, 2024
La peine complémentaire d’inéligibilité est de droit, c'est-à-dire automatique lorsque l'infraction de détournement de fonds publics est retenue. C'est la loi française.…
08:19 - Gérald Darmanin "choqué" par les réquisitions contre Marine Le Pen
Alors que cinq ans d'inéligibilité et cinq ans de prison, dont trois avec sursis, ont été requis contre Marine Le Pen, les réactions se multiplient suite à la peine envisagée. Un soutien inattendu s'est fait entendre. Gérald Darmanin, ancien ministre de l'Intérieur, a estimé qu'il serait "choquant" que la chef de file du RN soit "jugée inéligible". "Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs. Si le tribunal juge qu’elle doit être condamnée, elle ne peut l’être électoralement, sans l’expression du Peuple", a-t-il justifié.
Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs. Si le tribunal juge qu’elle doit être condamnée, elle ne peut l’être…
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) November 13, 2024