Accord UE-Mercosur : pourquoi le traité peut être conclu contre l'avis de la France

Accord UE-Mercosur : pourquoi le traité peut être conclu contre l'avis de la France L'Union européenne pourrait être sur le point de finaliser un accord commercial avec le Mercosur, qui regroupe plusieurs pays d'Amérique du Sud. La France s'oppose à ce traité en l'état, mais pourrait se voir forcer la main.

Lundi 18 novembre démarre au Brésil le sommet du G20. Il pourrait être le lieu de la finalisation d'un nouvel accord entre l'Union européenne et le Mercosur, qui réunit le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay et la Bolivie. Ce dernier est en discussion depuis une vingtaine d'années, mais sa signature semble désormais imminente. "Nous avons deux dates clés : le sommet du G20 en novembre à Rio de Janeiro, et le sommet du Mercosur en décembre de cette année. Nous allons donc travailler à la réalisation de ce grand projet", a souligné le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez lors du forum économique à Faro, au Portugal, fin octobre.

Ce traité prévoit notamment la suppression de la majorité des droits de douane entre l'UE et le Mercosur, ainsi qu'un quota d'importations pour la viande bovine latino-américaine d'environ 90 000 à 100 000 tonnes par an. La volonté de mettre en place un tel accord est favorisée par le contexte actuel de tensions commerciales avec la Chine et par la crainte du protectionnisme promis par Donald Trump.

Pourtant, en France, ce possible accord n'est pas bien reçu. Il est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les agriculteurs veulent se mobiliser la semaine prochaine. Les exploitants agricoles craignent notamment une concurrence déloyale, au vu de la différence de normes entre les pays du Mercosur et ceux de l'Union européenne. Même son de cloche côté politique, la France s'oppose à ce traité "en l'état", comme l'a rappelé Emmanuel Macron fin octobre. Michel Barnier s'est d'ailleurs rendu à Bruxelles mercredi 13 novembre pour défendre la position du gouvernement français.

Plus de 600 parlementaires ont aussi signé une tribune pour s'opposer au traité rappelant que la France n'approuvera ce texte que s'il garantit de "ne pas augmenter la déforestation importée dans l'Union européenne", si l'accord est "en conformité avec l'accord de Paris sur le climat" et s'il instaure "des mesures miroirs en matière sanitaire et environnementale". La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a, pour sa part, assuré que la France veut faire entendre sa voix : "Tout le travail consiste à rallier à notre cause un maximum de pays, de façon à pouvoir imposer un veto à cet accord", a-t-elle déclaré mardi 12 novembre lors de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Un combat difficile pour la France, seule contre tous ?

Malgré l'opposition de la France, il apparait compliqué d'empêcher ou de faire modifier le traité en l'état. La ratification de ce traité commercial va d'abord se jouer à la majorité au Conseil européen. Si la Pologne et l'Autriche se sont également placées en défaveur de cet accord, il faudrait au moins quatre Etats représentant plus de 35% de la population de l'UE pour constituer une minorité de blocage. Or, des poids lourds, comme l'Allemagne et l'Espagne qui représentent déjà près de 30% de la population de l'UE, soutiennent la signature du traité. L'exécutif de l'UE voit aussi de nombreux avantages dans cet accord : le commissaire au Commerce et négociateur en chef européen, Valdis Dombrovskis, a assuré que cela engendrerait une augmentation de "15 milliards d'euros" du produit intérieur brut (PIB) de l'UE.

Ce sont finalement des pays comme l'Irlande, les Pays-Bas ou l'Italie qui pourraient faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Si le Conseil européen valide le texte, il sera ensuite soumis au Parlement européen, qui devra le voter à la majorité pour qu'il soit mis en place. Mais il faudra encore une ratification des parlements nationaux. A cette échelle, la France aurait la possibilité de se faire entendre, mais il est probable que la Commission européenne sépare le volet commercial du volet politique de l'accord. Ainsi, la partie commerciale échapperait à cette ratification unanime et un vote majoritaire deviendrait suffisant.