Cette petite phrase de Bayrou sur l'immigration pourrait faire tomber le gouvernement
François Bayrou navigue en eaux troubles, il a pourtant vissée sur la tête la casquette du commandant, chargé de conduire le paquebot gouvernemental jusqu'à l'adoption du budget. Le Premier ministre a montré ces dernières semaines ses capacités à infléchir sa course tantôt à bâbord - sur la réforme des retraites qu'il accepte de reconsidérer ou la non-suppression des postes d'enseignants - tantôt à tribord, avec un discours plutôt conservateur et une ligne de plus en plus droitière sur le sujet de la sécurité et de l'immigration.
Et sur ce dernier sujet, le locataire de Matignon apparaît de plus de plus catégorique. Dans une longue interview accordé à LCI le 27 janvier, François Bayrou a estimé que "dès l'instant où vous avez le sentiment d'une submersion, de ne plus reconnaître votre pays, les modes de vie ou la culture, vous avez rejet. En France, on en est proche". Et d'ajouter : "Le métissage, les apports étrangers sont positifs pour un peuple à condition qu'ils ne dépassent pas une certaine proportion".
Les observateurs auront remarqué que le vocabulaire employé pour parler des étrangers qui entrent sur le sol français est habituellement celui de l'extrême droite. C'est d'ailleurs ce qu'a relevé avec réjouissance le député RN Sébastien Chenu sur France Inter, qui estime que son parti est en train de "gagner la bataille idéologique". Marine Le Pen a aussi accordé un bon point à François Bayrou sur l'analyse formulée, devant les journalistes de l'Assemblée nationale, demandant désormais que les actes "suivent les constats".
Les propos de François Bayrou ont suscité, en revanche, un tollé général à gauche. Ce n'est pas une surprise et le Premier ministre n'a peut-être mesuré à quel point ces petites phrases pourraient constituer un point de rupture avec le PS. "On n'emprunte ni les mots ni les fantasmes de l'extrême droite", a réagi le patron des députés socialistes Boris Vallaud, jugeant cela "indigne". Les porte-parole et ténors du Parti socialiste ont tous manifesté leur incompréhension à cette rhétorique anti-immigration qu'ils assimilent à l'extrême droite. Selon les informations de L'Opinion, "les négociations sur le budget avec le PS menacent de dérailler" à cause de cette sortie.
Une fin de course précipitée ?
Ce n'est pas anodin, le risque pour Matignon de sous-estimer la taille de l'iceberg et de couler dans la semaine est réel. Le PS a jusque-là fait comprendre que si François Bayrou proposait un budget infléchi, avec des mesures de "justice fiscale" et montrant qu'il ne confierait pas l'avenir de son gouvernement au bon vouloir de Marine Le Pen, l'ensemble des députés PS ne voteraient pas la censure.
Désormais, l'équation a changé et le Premier ministre ne l'a peut-être pas bien considéré. Le PS est dans une position délicate : comment soutenir un Premier ministre qui franchit ce que les socialistes ne peuvent que présenter comme une ligne rouge ? "Ne pas censurer le gouvernement Bayrou, c'est laisser continuer l'offensive raciste de Retailleau, celui qui parle de Français de papier, de régression ethnique des habitants des quartiers populaires ou encore des belles heures de la colonisation", a jugé Mathilde Panot, la patronne des députés LFI, en guise d'avertissement aux socialistes, sur Franceinfo. Les socialistes sont manifestement d'accord pour que le gouvernement se maintienne s'ils peuvent afficher une victoire politique. Cette victoire disparait pour le PS si un Premier ministre au vocabulaire identitaire se maintient... grâce à eux.
Bien entendu, la censure du PS ne fera tomber le gouvernement que si les autres membres du NFP et le RN la votent également. Pour les partenaires du NFP, cela ne fait pas de doute. Quant au RN, sa position est illisible, Michel Barnier en sait quelque chose. Mais dans les couloirs de Matignon, il est probable que l'on commente avec appréhension la sortie de Jordan Bardella, le 27 janvier, se disant désireux de l'organisation de nouvelles élections législatives à l'été. Ce qui signifie que le RN ne tient pas à ce que le centriste reste en place. Au contraire.
16:10 - Le PS suspend les négociations avec le gouvernement sur le budget
Le gouvernement Bayrou a-t-il un pied dans le vide ? L'Opinion révèle ce mardi que "le négociateur du PS sur le budget philippe Brun annonce suspendre les discussions avec Bercy sur le champ". Le député socialiste a déclaré à nos confrères : "Le PS ne peut participer à aucune négociation avec un gouvernement qui valide les idées de l'extrême droite".
15:51 - François Bayrou maintient ses propos à L'Assemblée
Interrogé ce mardi après-midi par le président des députés, PS Boris Vallaud, qui l’accusait d’avoir "emprunté le vocabulaire de l’extrême droite", le Premier ministre est resté droit dans ses bottes : "Quiconque est confronté à la situation à Mayotte, et ce n’est pas le seul endroit de France, mesure que le mot de submersion est celui qui est le plus adapté. Parce que tout un pays, [...] toute une communauté de départements français est confrontée à des vagues d’immigration illégale telles qu’elles atteignent 25% de la population", a répondu François Bayrou lors de la séance des questions au gouvernement, ajoutant, sous les applaudissement des députés LR et RN : "Ce ne sont pas les mots qui sont choquants, ce sont les réalités.[...] Nous sommes engagés au service des Français pour résoudre les problèmes qui se posent, non pas pour les nier, non pas pour les exagérer".