Les délinquants mineurs jugés comme les adultes ? L'excuse de minorité en partie supprimée

Les délinquants mineurs jugés comme les adultes ? L'excuse de minorité en partie supprimée La proposition de loi visant à durcir la justice pour les délinquants mineurs a été adoptée à l'Assemblée nationale ce jeudi 13 février et avec elle la fin de l'atténuation automatique des peines pour une partie des mineurs.

Les députés ont tranché et ils ont décidé de durcir les mesures et les réponses judiciaires à l'égard des mineurs délinquants. La proposition de loi du camp présidentiel visant à "restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents" a été adoptée ce jeudi 13 février. Surtout, les mesures les plus fortes qui avaient été supprimées par les élus de gauche en commission des lois en novembre dernier ont été réintégrées au texte. Et parmi elles : la fin de l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans.

La justice des mineurs prévoit plusieurs mesures propres aux jugements des délinquants mineurs selon les faits qu'ils ont commis et selon leur âge, la plupart ayant pour effet d'atténuer les sanctions. C'est particulièrement le cas de "l'excuse de minorité" : ce principe permet une atténuation de peine quasiment systématique pour les mineurs âgés de 13 à 17 ans. Cela signifie que les délinquants mineurs ne sont jamais condamnés aux mêmes peines que celles prononcées contre un adulte pour la même infraction. Rares sont les exceptions à cette atténuation de peine et elles ne concernent que les crimes les plus graves.

L'adoption de la proposition de loi des députés macronistes change radicalement la donne : désormais l'atténuation de peine ne sera plus la règle, mais l'exception pour tous les délinquants mineurs de 16 ans et plus. Ces derniers encourront donc des peines plus lourdes, peut-être comparables à celles prévues pour les délinquants et criminels majeurs, et ne pourront bénéficier de l'excuse de minorité qu'au cas par cas et seulement sur décision motivée du juge.

L'atténuation de peine restera en revanche la norme pour les mineurs de moins de 16 ans. A noter que pour les adolescents âgés de 13 à 16 ans, la justice rend possible la prononciation de peines avec atténuation de responsabilité, le placement sous contrôle judiciaire et la détention provisoire. Les mêmes mesures sont également prévues pour les mineurs de 16 ans avec, en plus, l'assignation à résidence avec surveillance électronique.

"On ne peut pas appliquer aux mineurs les mêmes règles qu'aux adultes"

L'excuse de minorité est devenue un principe de la justice française grâce à une ordonnance de 1945 estimant qu'un mineur capable de discernement doit être moins sévèrement puni qu'un adulte pour un même fait. La mesure a même été intégrée au Code de la justice pénale de mineurs en 2021. Mais le camp présidentiel, la droite et l'extrême droite militent pour un durcissement de cette mesure ces dernières années. Ces forces politiques jugent les atténuations de peine et autres dérogations judiciaires pour les délinquants mineurs, comme les mesures éducatives, insuffisamment dissuasives. "Il faut assumer des peines courtes de prison, d'une ou deux semaines, dès le premier délit grave. C'est cela qui est éducatif", déclarait ainsi le ministre de l'Intérieur et membre du parti Les Républicains, Bruno Retailleau, sur France Inter le 12 février.

Un avis que ne partage pas la majorité des syndicats de magistrats opposés à la suppression de l'excuse de minorité. "On ne peut pas appliquer aux mineurs les mêmes règles qu'aux adultes", tranchait Me Elisabeth Audouard, avocate et co-animatrice de la commission des mineurs au sein du Syndicat des avocats de France de Marseille auprès du site Les Nouvelles Publications, le 12 février.

Elle est rejointe par Justine Régnier, juge des enfants à Lille et déléguée régionale du Syndicat de la magistrature dans le Nord, qui confiait la même jour à France Inter n'avoir "pas du tout le sentiment de juger des adultes" : "Il y a une grande disparité dans les mineurs qu'on juge entre ceux qui ont 13 ans et ceux qui ont bientôt 18 ans. Dans tous les cas, on constate que ce sont des mineurs en danger, qu'il convient d'aider, et certainement pas des adultes responsables, insérés, qui seraient pleinement conscients de l'entièreté de leurs actes."

Un durcissement des mesures inefficace ?

D'autres syndicats du secteur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) déplorent un nouveau durcissement des mesures qui ne diminuera pas la délinquance des mineurs, ni ne résoudra les problèmes qui y sont liés. "Toutes les lois qui ont tenté de façonner une justice répressive n'ont rien fait. C'est bien la preuve que la justice coercitive montre ses limites chez les mineurs", analysait Alexia Peyre, co-secrétaire départementale du SNPES-PJJ-FSU des Bouches-du-Rhône. "Les adolescents en rupture ont besoin d'accompagnement. Pour nous, un adolescent n'est pas un adulte. Un adolescent a besoin de maturité pour comprendre l'acte qu'il a commis, il a aussi besoin de compréhension et d'empathie envers ses victimes", ajoute-t-elle auprès des Nouvelles Publications soutenant davantage les mesures éducatives que l'idée de prononcer des peines plus lourdes.