Procès Sarkozy-Kadhafi : un enregistrement secret dévoilé, l'ancien président contre-attaque

Procès Sarkozy-Kadhafi : un enregistrement secret dévoilé, l'ancien président contre-attaque Nicolas Sarkozy, qui continue de plaider son innocence au procès de l'affaire sur les financements libyens, et ses avocats ont décidé de s'appuyer sur de nouveaux éléments envoyés anonymement pour renforcer sa défense.

Un nouvel élément s'ajoute au dossier sur l'affaire des financements libyens et il pourrait changer le cours du procès. Lundi 17 février, sept semaines après le début du procès et alors que les dernières audiences n'allaient pas dans le sens de Nicolas Sarkozy, son avocat Mᵉ Christophe Ingrain a partagé un enregistrement qui, d'après lui, pourrait prouver l'innocence de l'ancien président accusé de "financement illégal de campagne", "recel de détournement de fonds publics", "corruption passive" et "association de malfaiteurs". L'homme politique encourt jusqu'à 10 ans de prison et 375 000 euros d'amende dans cette affaire.

L'enregistrement aurait été envoyé à l'avocat de Nicolas Sarkozy plus d'un moins plus tôt via la messagerie Proton, dans un courriel chiffré. Si cet envoi n'est pas le premier du genre, il est le premier à "fournir un élément concret", a assuré le conseil devant le tribunal correctionnel de Paris. L'extrait sonore n'a pas été diffusé, il doit d'abord être authentifié par un expert pour être versé au dossier. Le conseil de Nicolas Sarkozy a lui-même prévenu que "ce message comme l'enregistrement qui est joint peuvent être une manipulation".

L'avocat s'est donc livré à une description de l'audio : Mouammar Kadhafi demande à Nicolas Sarkozy qui vient d'être élu président de la République française, soit après mai 2007, de soutenir la nomination d'un représentant de l'Afrique au Conseil de sécurité de l'ONU. La discussion ne fait jamais mention des financements libyens selon cette description, alors comment peut-elle innocenter l'ancien chef d'Etat ? Par une série de déductions, discutable, avancée par l'avocat.

Mᵉ Christophe Ingrain a expliqué devant le tribunal que ce nouvel élément, toujours à condition d'être vérifié, est la preuve que Mouammar Kadhafi enregistrait toutes ses conversations, comme supposé, et que les cassettes des échanges n'ont pas toutes été détruites sous les bombardements, comme redouté. Conclusion de l'avocat : l'absence d'enregistrement sur les financements libyens permet de dire que les transactions financières "n'existent simplement pas".

Un "faux" parmi les pièces à conviction ?

Le courriel anonyme reçu par la défense de Nicolas Sarkozy, et dans lequel était joint l'enregistrement, ferait aussi état de la contrefaçon de certaines preuves à conviction dans cette affaire. Le correspondant anonyme allègue que "la fameuse note de Mediapart est un faux" rapporte le conseil. La note en question est le document daté de 2006 et signé de Moussa Koussa, ancien chef des services de renseignement extérieur de la Libye, qui donnait son feu vert à un financement à hauteur de 50 millions d'euros de la campagne de Nicolas Sarkozy. Cette révélation de Médiapart avait donné le coup d'envoi à l'affaire. L'auteur du message ajoute détenir des "preuves écrites irréfutables" de ce qu'il avance et dit connaître le nom du faussaire, toujours selon Mᵉ Christophe Ingrain qui n'a pas donné plus de détails.

En 2012, lors de la publication par Médiapart de ladite note, le journal soutenait l'authenticité du document qu'il décrivait comme "officiel", issu des "archives des services secrets" et comportant l'en-tête et le blason vert de la Jamahiriy. Plusieurs témoignages avaient accompagné la publication du document.

Un timing qui interroge

L'enregistrement et les autres informations fournies par l'auteur du message adressé à la défense de Nicolas Sarkozy doivent être vérifiés par un expert lors d'un examen demandé par la présidente du tribunal correctionnel de Paris. Son contenu, s'il est authentifié, pourrait changer le cours de l'affaire, mais il pose aussi question en l'absence de preuves directes rapportées par le conseil. La défense de Mᵉ Christophe Ingrain s'est, pour l'heure, uniquement appuyée sur des déductions et des accusations. L'avocat a lui-même soulevé la possibilité que ces éléments relayent de fausses informations.

Le moment auquel ces nouveaux éléments ont été dévoilés interroge aussi : ils sont cités par la défense lorsque la position de Nicolas Sarkozy devient difficilement tenable et alors qu'ils étaient déjà a disposition des avocats depuis des semaines. Mᵉ Christophe Ingrain a justifié ce délai par la nécessité de défendre Nicolas Sarkozy contre les charges retenues contre lui et le temps de la réflexion nécessaire à l'exploitation des nouveaux éléments, notamment du fait du doute qui subsiste sur leur véracité. Le conseil a indiqué avoir beaucoup hésité avant d'utiliser le message et l'enregistrement.