Euthanasie : qu'est-ce que c'est ? Autorisée en France et à l'étranger ?
EUTHANASIE. L'euthanasie fait débat et les discussions sont relancées au sommet de l'Etat. Interdit en France, mais autorisé ailleurs, cet acte médical consiste à mettre volontairement fin à la vie d'un malade à la demande de ce dernier. Tout ce qu'il faut savoir.
[Mis à jour le 3 avril 2023 à 17h36] L'euthanasie est une ligne rouge dans le droit français. Si le terme évoque une mort douce et sans agonie, l'acte revient tout de même à provoquer la mort de quelqu'un, avec son consentement. Impossible donc pour la législation de permettre une telle chose, pourtant une majorité de Français semble prête à voir la loi évoluer sur le sujet. Le 2 avril 2023, la convention citoyenne sur la fin de vie s'est exprimée en faveur d'une légalisation de l'euthanasie et/ou du suicide assisté dans le cadre d'une "aide active à mourir" : 76% des 184 membres ont soutenu l'idée. Deux ans auparavant c'est un sondage Ifop mené en avril 2021 qui indiquait que 93% des personnes interrogées étaient favorables au recours à l'euthanasie pour des patients atteints de maladies insupportables ou incurables. La même étude ajoutait que 69% des Français souhaitaient que la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui légifère le droit à la fin de vie soit modifiée "car elle ne permet pas de résoudre de nombreux cas liés à des personnes atteintes de maladies incurables". Ces voix pourraient finalement être entendues puisque le lundi 3 avril 2023, après une réunion avec la convention citoyenne, Emmanuel Macron a annoncé vouloir proposer un projet de loi pour mieux régir le droit à la fin de vie, en incluant un possible recours à l'euthanasie d'ici la fin de l'été 2023.
L'euthanasie, que l'on soit pour ou contre, ne laisse personne indifférent. Le corps médical est le premier à être tiraillé sur la question entre les soignants enclins à voir les aides actives à mourir autorisées et d'autres, à l'instar de l'ordre des médecins, qui s'opposent fermement à la pratique de l'euthanasie ou du suicide assisté. Les deux camps s'appuient sur le serment d'Hippocrate pour défendre leur position entre le souci "de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé" et le respect de "toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions".
Difficile donc de dresser un cadre juridique autour de l'euthanasie. Avant le projet de loi attendu en 2023, de précédentes mesures ont été prises pour encadrer la fin de vie et l'euthanasie notamment la loi Leonetti de 2005 et la loi Claeys-Leonetti de 2016. C'est encore ce texte qui régit les pratiques qui entourent la fin de vie en France.
Définition de l'euthanasie
Du grec ancien "eu" (bon) et "thanatos" (la mort), l'euthanasie décrit le fait d'avoir une mort douce. Aujourd'hui, le terme fait référence à l'acte qui consiste à provoquer le décès d'un individu atteint d'une maladie incurable et en état de souffrance, psychologique et/ou physique, difficile à supporter. Cet acte est souvent pratiqué par un médecin ou par un tiers. On distingue couramment l'euthanasie active (administration d'une substance létale pour provoquer la mort) et l'euthanasie passive (arrêt du traitement et/ou des soins qui permettent de maintenir une personne en vie).
Euthanasie en France
La loi française condamne et interdit l'euthanasie sur son territoire. De la même manière, le suicide assisté, forme nuancée de l'euthanasie, est lui aussi proscrit. En 2005, la loi Leonetti instaure toutefois l'idée d'un droit au "laisser mourir". Il s'agit de permettre à des médecins, réunis de façon collégiale, et avec le consentement des proches, de mettre en place un traitement antidouleur "qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger [la] vie". On parle de possibilité de limiter l'acharnement thérapeutique.
En 2016, la législation sur le droit à la fin de vie a été modifié par la loi Claeys-Leonetti. De nouvelles précisions sont apportées et le texte introduit le refus de l'obstination déraisonnable qui permet aux patients de demander l'arrêt de tout traitement au profit d'une sédation profonde et continue. La loi de 2016 prévoit également la désignation d'une personne de confiance ou la reconnaissance de directives anticipées qui doivent permettre aux patients de faire entendre leurs volontés, qu'il s'agisse de la poursuite ou de l'arrêt des soins. Enfin, la loi érige les droits en terme d'accès aux soins palliatifs.
Euthanasie en Belgique
La Belgique fait partie des rares pays européens à autoriser l'euthanasie active. De l'autre côté de la frontière franco-belge, "l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci", est encadré par la loi. Plusieurs conditions doivent être respectées (conscience du patient au moment de la demande, situation médicale du patient qualifiée de "sans issue", etc.) pour que l'acte pratiqué par un médecin volontaire soit réalisé en toute légalité.
Euthanasie en Suisse
Sans explicitement autoriser l'euthanasie, la Suisse a depuis quelques années légiféré sur certaines formes d'assistance à la mort. Le pays tolère ainsi l'euthanasie passive et l'euthanasie active indirecte (toutes deux font l'objet d'une définition précise) tout en continuant de condamner l'euthanasie active directe. En Suisse, il existe certaines associations qui proposent une aide ou assistance au suicide dans le cadre d'un "droit de mourir dans la dignité". Seule l'association Dignitas ouvre ce droit aux étrangers venant en Suisse. En 2011, une assistance au suicide fournie par cette association coûtait 10 500 francs suisses, soit 8 500 euros selon Franceinfo.
Euthanasie et cas Vincent Lambert
L'affaire Vincent Lambert est, en France et en Europe, un cas emblématique des débats autour de l'euthanasie :
- 2008 : Vincent Lambert, 32 ans, victime d'un accident de la route, se retrouve dans un état dit "pauci-relationnel" ou "état de conscience minimale plus".
- 2008-2013 : Vincent Lambert reçoit des soins dans différents établissements, sans qu'aucun n'améliore son état.
- 2013 : La femme de Vincent Lambert, Rachel, donne son accord pour cesser l'alimentation de son mari. La famille, informée quelques jours plus tard, s'oppose à cette démarche. Une longue bataille judiciaire s'engage.
- 2013-2017 : Le cas Vincent Lambert navigue entre les différents tribunaux, Conseil d'État, Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), etc. Chaque décision qui bascule vers l'une des deux parties est contestée par l'autre partie. En 2015, la CEDH confirme l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert. Les médecins refusent d'appliquer cette décision. C'est un nouveau retour du cas Vincent Lambert devant la justice.
- Juillet 2017 : Le Conseil d'État confirme une décision de la cour administrative d'appel de Nancy et autorise le médecin à reprendre la procédure de consultation pouvant mener à l'arrêt des soins.
Pour ou contre l'euthanasie ?
Le cas Vincent Lambert illustre parfaitement le combat qui oppose les individus qui sont pour l'euthanasie à ceux qui sont contre l'euthanasie. Chaque partie affiche ses arguments.
Les principaux arguments pour l'euthanasie :
- respecter la volonté du patient ;
- éviter des souffrances inutiles.
Les arguments contre l'euthanasie :
- interdiction de tuer ;
- risques de dérapages ;
- progrès de la médecine permettent de réduire l'intensité des douleurs et des souffrances.