Fin de vie : euthanasie et suicide assisté bientôt possibles en France ?

Fin de vie : euthanasie et suicide assisté bientôt possibles en France ? FIN DE VIE. Un projet de loi sur la fin de vie doit être rédigé d'ici la fin de l'été 2023 a annoncé Emmanuel Macron, ce lundi 3 avril, après que la convention citoyenne sur la fin de vie a soutenu la mise en place "d'une aide active à mourir".

[Mis à jour le 3 avril 2023 à 19h46] Il faut repenser le droit à la fin de vie et cela passera par une nouvelle loi. Emmanuel Macron a promis un projet de loi concernant l'aide active à mourir (AAM) d'ici à la fin de l'été 2023. Une promesse faite le lundi 3 avril, au lendemain de la publication du rapport de la convention citoyenne mandatée quatre mois auparavant pour débattre du sujet. Après neuf week-ends de discussions et d'échanges avec les professionnels de santé, des experts dans plusieurs domaines et des témoignages de patients ou de proches, 92% des 184 citoyens membres de la convention ont jugé l'actuelle prise en charge de la fin de vie insuffisante. Ils sont également 76% à s'être dits favorables à la mise en place d'une aide active à mourir.

Selon l'avis majoritaire, permettre à certains patients de mettre fin à leurs jours dans un cadre médical est "nécessaire" pour "mieux répondre" à des cas difficiles ou tout simplement pour "respecter la liberté de choix de chacun". C'est également la tendance qui ressortait d'un sondage Ifop réalisé en décembre 2022 et selon lequel 78% des Français souhaitent la légalisation de l'euthanasie ou du suicide médicalement assisté, des actes considérés comme des soins de fin de vie par 85% des personnes d'après la même enquête. Malgré cette majorité, l'aide active à mourir est loin de faire l'unanimité notamment auprès du corps médical. Si certains professionnels de santé pratiquent déjà ces actes illégalement pour respecter la volonté de leurs patients, l'ordre des médecins a réaffirmé son avis défavorable aux processus de fin de vie impliquant une participation des soignants, dans un avis publié le samedi 1er avril. C'est désormais au gouvernement de composer avec ces positions pour rédiger un projet de loi  qui tiendra compte des retours "de toutes les parties prenantes", a insisté Emmanuel Macron.

Beaucoup des opposants à l'euthanasie et au suicide assisté jugent tout de même nécessaire d'améliorer la fin de vie en repensant et renforçant les services de soins palliatifs, qui à la différence des soins curatifs n'ont pas l'ambition de guérir mais d'apaiser des maux incurables. Seule option aujourd'hui autorisée par le droit sur la fin de vie, les soins palliatifs devraient eux aussi être compris dans le projet de loi. Emmanuel Macron a d'ailleurs annoncé un "plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et pour les soins palliatifs".

Quelles recommandations sur le droit à la fin de vie ?

La convention citoyenne défend une "position majoritaire, mais avec de nombreuses nuances" sur la prise en charge médicale de la fin de vie : "La nécessité de mettre en place suicide assisté et euthanasie" en rassemblant les deux procédures sous le terme d'aide active à mourir. Faut-il privilégier l'une ou l'autre ? C'est là que les avis divergent. 40% des membres de la convention se disent "plutôt favorables" à la légalisation indifférenciée des deux mesures. Mais d'autres (28%) préfèrent que le suicide assisté soit privilégié et que l'euthanasie ne soit qu'une exception lorsqu'un patient est en incapacité physique de procéder à l'injection létale. Cette seconde option doit permettre "d'éviter une implication trop grande des soignants" qui pour beaucoup s'opposent à l'idée d'aider un patient à mourir. L'ordre des médecins a d'ailleurs rendu un avis "défavorable" à la participation active des médecins aux euthanasies. Quant au suicide assisté, l'ordre médical exige une protection juridique obligatoire pour un "médecin qui participerait à la procédure d'aide active à mourir".

Aide active à mourir, accessible à quelles conditions ?

Si l'aide active à mourir doit être mise en place, elle doit l'être à certaines conditions et la convention prévoit un parcours complexe et semer de garde-fous pour éviter des dérives et s'assurer de la volonté et du discernement du patient. Du même avis, le chef de l'Etat souligné la nécessité lors d'un processus d'AAM de "garantir l'expression de la volonté libre et éclairée" et la "réitération du choix" du patient. Il a également fait mention d'autres critères davantage liés à la santé des malades comme : "l'incurabilité de souffrances réfractaires, psychiques et physiques, voire l'engagement du pronostic vital". La convention citoyenne a également dans son rapport suggéré de conditionner le recours à l'AAM à un "accompagnement médical et psychologique complet" tout au long du parcours du patient. Les soignants pourraient, eux-aussi, être encadrés et ne jamais être contraints de participer à un processus de fin de vie.

Si pour de cas spécifiques comme pour des patients mineurs ou d'autres en incapacité d'exprimer une volonté claire et libre la convention n'a pas tranché faut de majorité, le chef de l'Etat a fixé des lignes rouges : l'impossibilité de recourir à l'AAM pour les patients mineurs notamment. Il s'est ainsi rangé derrière l'avis sans appel de l'ordre des médecins qui est "défavorable à toute possibilité de mettre en place une procédure d'aide active à mourir pour les mineurs et les personnes hors d'état de manifester leur volonté".

Comment améliorer la fin de vie en soins palliatifs ?

C'est un autre sujet qui a fait consensus parmi les 184 membres de la convention citoyenne : le besoin de "renforcer et [d']améliorer" la prise en charge des patients en soins palliatifs. Cela commence par une "une garantie d'accès aux soins palliatifs" pour prévenir et apaiser les souffrances physiques et psychiques comme le prévoit la loi Claeys-Leonetti de 2016, mais pour que cette garantie soit possible il faut "renforcer de manière significative le budget dédié" à la fin de vie et aux services de soins palliatifs selon le rapport. Un effort financier qui n'a jamais été à la hauteur des besoins d'après les mêmes conclusions. La convention appelle aussi à ce que "l'humain" et les "échanges" soient plus importants dans ces services pour mieux "respecter le choix et la volonté du patient". Un changement qui pourrait passer par une adaptation de la formation des professionnels de santé avec une insertion au tronc commun universitaire de la prise en charge de la fin de vie et la nécessité d'effectuer un "stage en soins palliatifs".

De son côté, Emmanuel Macron a évoqué un "plan décennal" pour  assurer une "accès effectif et universel aux soins d'accompagnement à la fin de vie". Il a listé d'autres objectifs : "mieux intégrer, à l'hôpital, les soins palliatifs dans le parcours de soins ; former les professionnels ; fixer un seuil de lits identifiés par territoire" mais aussi "un meilleur maillage par des équipes mobiles" et la poursuite du "développement des soins palliatifs à domicile".

Si un projet de loi doit voir le jour d'ici à l'été, le processus législatif pourrait prendre plusieurs mois avant une possible adoption d'une nouvelle loi sur le droit à la fin de vie. Des changements sont donc envisageables et le travail est en marche mais jusqu'à la promulgation dudit projet c'est la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui régit le droit à la fin de vie en France dans des termes strictes et avec des interdictions dont celle de recourir à l'euthanasie ou au suicide assisté.

L'euthanasie et le suicide assisté interdits en France

Impossible de donner la mort ou d'aider un patient à mourir, la loi française est claire à ce sujet : ni l'euthanasie, ni le suicide assisté par l'injection d'un produit létal ne sont autorisés. Un médecin ou professionnel de santé qui pratique de tels actes, même à la demande du patient, commet une infraction pénale. Une seule forme d'euthanasie est envisageable dans le système de santé français et elle ne peut être utilisée qu'à certaines conditions : l'euthanasie passive, c'est-à-dire celle entrainée par l'arrêt des soins prévu par l'interdiction de l'acharnement thérapeutique ou par le refus du patient de recevoir des traitements.

Le droit à une sédation longue et profonde

Le droit sur la fin de vie a évolué avec la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui a ouvert le droit au patient de demander une "sédation longue et profonde jusqu'au décès". Mais seuls les patients en très grande souffrance dont le pronostic vital est engagé à court terme - délai allant de quelques heures à quelques jours selon la Haute autorité de santé - ou ceux dont le décès est reconnu comme inévitable et imminent peuvent profiter de ce droit. Droit qui n'est pas une aide à mourir mais plutôt un soulagement de la douleur jusqu'à la mort. Le patient est endormi et continue de recevoir des antidouleurs ou des soins palliatifs jusqu'à ce que la maladie l'emporte, tous les traitements étant stoppés.

En plus d'être réservée à une poignée de patient, la sédation longue et profonde ne peut être mise en place qu'après discussions des professionnels de santé en procédure collégiale, même si les directives anticipées ou la personne de confiance appuient ce choix.

L'arrêt des traitements est-il possible en France ?

Les médecins et le corps médical se doivent de proposer à leurs patients toutes les solutions pour les sauver et les maintenir en vie, seul le malade lui-même peut s'opposer à un traitement. Cela vaut également si le non-recours aux médicaments et autres actes médicaux entraine la mort. A noter que la nutrition et l'hydratation artificielle des personnes inconscientes sont considérées comme des traitements. Le refus du traitement peut donc être un moyen pour les patients d'abréger leur existence.

La loi Claeys-Leonetti de 2016 a rendu le refus de traitement contraignant pour les médecins, même si l'arrêt du traitement peut être mortel. Dans ce cas, le patient doit simplement réitérer son refus d'être soigné en connaissance de cause. Si tout traitement est alors interdit, les médecins ont l'obligation de "sauvegarder la dignité du patient, assurer sa qualité de vie et soulager sa souffrance" en recourant aux soins palliatifs si nécessaire. Un refus de traitement peut dans certains cas conduire à une sédation longue et profonde.

L'obstination déraisonnable est-elle autorisée ?

Anciennement appelée acharnement thérapeutique, l'obstination déraisonnable et la prolongation artificielle de la vie sont proscrites depuis 2005 et la loi Leonetti, première loi à légiférer la fin de vie. Cette mesure s'apparente au pendant du refus de traitement, à ceci près que la décision d'arrêter les soins vient du corps médical. Cette décision doit toutefois être collégiale et nécessite obligatoirement l'accord du patient ou de sa personne de confiance lorsque ce dernier n'est plus en mesure de s'exprimer. Là encore, malgré l'arrêt des soins, les médecins doivent prendre en charge la douleur du patient.

Personnes de confiance, directives... Comment exprimer sa volonté de mourir ?

Si faire entendre sa volonté de mourir au corps médical peut être difficile dans certains cas, la situation est nettement plus complexe lorsque le patient n'est plus en mesure de s'exprimer. Pourtant, des dispositions existent pour permettre aux médecins d'être au fait de la volonté des patients d'en finir. C'est notamment à cela que servent les directives anticipées, en place depuis 2005 avec la loi Leonetti, alors limitées à trois ans de validité, les directives n'ont plus de limites dans le temps et surtout elles sont contraignantes depuis la revalorisation du principe depuis 2016. Toute personne majeure est en mesure de rédiger des directives anticipées concernant sa fin de vie pour faire part de sa volonté.

L'autre moyen de défendre ses envies pour la fin de vie est de nommer une personne de confiance : une tiers-personnes désignée par le malade pour l'accompagner dans son parcours médical et aussi pour défendre et exprimer sa volonté quand celui-ci n'est plus capable de le faire. Lorsque le patient n'est plus en mesure de se faire entendre, c'est la personne de confiance qui est consultée en priorité par les médecins avant la famille proche.

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