Fin de vie : les conditions d'accès à l'aide à mourir précisées, un "pronostic" sur les malades en question
Le projet de loi sur la fin de vie est examiné par les députés à partir du 22 avril et le texte pourrait être modifié. Auprès des personnels de santé, une condition d'accès à l'aide à mourir fait particulièrement débat.
Nouvelle étape dans le parcours législatif du projet de loi sur la fin de vie : à compter du lundi 22 avril et pendant un mois une commission spéciale de l'Assemblée nationale va scruter le texte et mener de nombreuses auditions. Le texte arrivera ensuite entre les mains de l'ensemble des députés à partir du 27 mai. Cette longue période d'examen pourrait faire évoluer le texte et supprimer, modifier ou préciser certaines dispositions. L'une d'elles, qui conditionne l'accès à l'aide à mourir à un "pronostic vital engagé à court ou moyen terme", ne convainc pas les personnels de santé qu'ils soient pour ou contre le projet de loi.
L'absence d'une définition claire de ce qu'est un "pronostic vital engagé à court ou moyen terme" pose question. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a tenté de préciser ces délais évoquant sur France 2 une période "de quelques jours ou quelques mois" pour le court terme et allant de "six à douze mois" pour le moyen terme. Des estimations tirées de la "lecture de la Haute Autorité de santé". Mais une autre définition du court terme utilisée dans la loi Claeys-Leonetti de 2016 et donnée par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) prévoit une temporalité de "quelques heures ou quelques jours".
Un flou assumé, mais contreproductif ?
Si elles sont différentes, aucune de ces deux définitions ne fait l'unanimité auprès des médecins. Elles restent trop floues pour assurer des garanties aux soignants qui pratiqueront l'aide à mourir selon Jean Daquin, médecin et délégué national chargé de la commission soignants au sein de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD). "Est-ce que l'estimation sera la même pour un proche, un soignant ou un juriste ? S'il y a un procès, comment définir ce court ou moyen terme ?", demandait-il sur franceinfo en mars.
L'autre limite de ces définitions sujettes à interprétation est qu'elles pourraient rendre la loi sur la fin de vie inapplicable. "Cette notion de pronostic vital engagé à court terme a déjà rendu la loi Claeys-Leonetti très restreinte" et pourrait avoir les mêmes conséquences sur le nouveau texte analyse Martine Lombard, juriste et professeure émérite de droit public à l'université Paris II-Panthéon-Assas, dans L'Express. Certains médecins craignent que ces temporalités de court et moyen terme ne soient utilisées par des professionnels de santé opposés à l'aide à mourir pour refuser de mettre fin aux jours d'un patient qui le demanderait.
Pourtant, l'absence de définition claire pour les "pronostics vitaux engagés à court et moyen terme" est assumée par la députée et ancienne ministre de la Santé qui a travaillé sur le texte, Agnès Firmin Le Bodo. "Définir un terme [précis], ce serait peut-être, à quelques jours près, empêcher quelqu'un de bénéficier de l'aide à mourir" a-t-elle expliqué au micro de franceinfo le 22 avril. L'élue de la majorité présidentielle (Horizons) a d'ailleurs laissé entendre sa volonté de ne pas préciser davantage les temporalités.
Des pronostics vitaux difficiles à évaluer
Les professionnels de santé opposés à l'aide à mourir expriment eux aussi des réticences à propos de cette mesure conditionnant l'accès à l'aide à mourir à un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Et pour cause, au-delà de quelques heures, il est difficile d'établir un pronostic sur le temps qu'il reste à vivre au patient. "On se trompe très régulièrement sur une estimation potentielle d'espérance de vie" souligne Stéphanie Träger, oncologue et médecin en soins palliatifs à Paris, sur franceinfo. Même lorsqu'un pronostic est donné, l'état d'un patient peut encore changer et faire mentir les estimations : des patients qui voient leur état s'aggraver subitement et d'autres à qui on donnait peu de temps à vivre qui se stabilisent. Les pronostics n'étant pas une science exacte, mais seulement des calculs basés sur des statistiques, certains médecins craignent que des patients ne fassent le choix de l'aide à mourir alors qu'ils avaient des chances de voir leur état s'améliorer.