Fuite de gaz à Rouen : et si elle était plus dangereuse qu'on le dit ?
Le "plan particulier d'intervention" déclenché, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) mobilisé et l'usine Lubrizol, d'où s'est échappé le nuage de gaz, totalement stoppée. La réaction des autorités après la fuite de mercaptan à Rouen, dans la nuit du 21 au 22 janvier, peut étonner les moins aguerris alors que ce mardi 22 janvier au matin, l'incident était pourtant jugé "sans danger pour les populations". Il faut dire qu'une forte odeur de gaz a été ressentie de Rouen jusqu'à la région parisienne et même le long des cotes anglaises rapporte Le Monde. La ministre de l'Ecologie Delphine Batho est donc intervenue dans le dossier en se rendant sur place mardi après-midi, après la publication d'un arrêté préfectoral pour mettre à l'arrêt "l'ensemble de l'exploitation" de l'usine où la fuite s'est déclarée. Le "plan particulier d'intervention" a eu pour conséquence l'annulation du match de Coupe de France de football entre Rouen et l'OM, prévu mardi soir.
"Nous ne voulions pas nous retrouver avec 10 000 spectateurs à 2 km de l'usine sans aucune capacité à les confiner ou les évacuer si nécessaire", a déclaré Florence Gouache, directrice du cabinet du préfet de Seine-Maritime, à l'AFP. De quoi nourrir de nouvelles inquiétudes sur cette fuite ? Le gaz qui s'est échappé à la suite d'une réaction chimique inattendue au sein de l'usine Lubrizol est le mercaptan. Ce gaz, aussi appelé "méthanethiol", est généralement utilisé pour donner une odeur au gaz de ville, précisément pour éviter les accidents. Autrement-dit il s'agit d'un "marqueur olfactif" : sa principale propriété est donc d'être très odorant, voire nauséabond, a priori rien de plus. A priori seulement. Le nuage de gaz qui s'est échappé de l'usine rouennaise tôt ce lundi matin a déjà provoqué "maux de tête" et "nausées". Les secours ont été alertés des milliers de fois pour une "odeur insupportable" dans plusieurs départements, de l'Eure au Val-d'Oise en passant par les Yvelines ou l'Essonne. En Normandie et en Ile-de-France, les pompiers ont été saturés devant les appels inquiets des habitants.
Des autorités préfectorales au ministère de l'Intérieur, tout le monde répète que le mercaptan "ne présente pas de risques pour la santé". Seuls "quelques cas isolés d'intolérance" pourraient être détectés ici où là selon des responsables des secours. La réaction au produit serait donc avant tout "psychologique". Le méthanethiol est pourtant classé comme "toxique par inhalation" et "dangereux pour l'environnement", rapporte encore Le Monde. Des cas de problèmes respiratoires, d'irritations des yeux ou de la peau ont déjà été constatées par le passé chez des personnes travaillant à proximité du produit. L'usine Lubrizol est en outre un site classé Sévéso, c'est-à-dire manipulant des produits dangereux... A forte dose, le mercaptan ne serait donc pas si inoffensif. Pour André Picot, chercheur au CNRS, cité par le nouvel Observateur, le terme même de mercaptan est à manier avec précautions car il rassemble différents types des composés chimiques. Certains seraient en effet toxiques.
Alors qu'est-ce qui s'est précisément échappé de l'usine Lubrizol et en quelle quantité ? Difficile de répondre pour l'instant à ces questions. Dilué dans l'air, le gaz présenterait en tout cas une "concentration très faible". Juste ce qu'il faut pour le sentir et en être gêné, mais pas suffisant pour en tomber malade, résume le gouvernement. Au sein de l'usine, de la soude devrait être versée dans le bac duquel la fuite de gaz s'est échappée pour mettre définitivement fin à l'incident. Le nuage aurait déjà commencé à se dissiper grâce à la météo.
EN VIDEO - Une fuite de gaz dans une usine chimique de Rouen, provoquant une odeur nauséabonde, s'est répandue jusqu'à Paris, suscitant mardi 22 janvier l'émoi de nombreux habitants :