Sur l'homosexualité, le pape n'y arrive pas

Sur l'homosexualité, le pape n'y arrive pas Le pape a recommandé aux parents de "jeunes enfants" ayant des "penchants homosexuels" de voir un psychiatre. Face au tollé, le Vatican a dû corriger la déclaration de François, qui, manifestement, a du mal à se montrer clair sur le sujet.

[Mis à jour le 27 août 2018 à 23h22] Lors d'une petite conférence de presse, tenue dans son avion, alors qu'il rentrait à Rome depuis Dublin, le pape a évoqué le sujet de l'homosexualité. Un sujet très délicat dans le catholicisme, qui exprime fraternité et bienveillance à l'égard des individus, mais considère cette orientation sexuelle en général comme une déviance condamnable. Une position souvent difficile à tenir, surtout lorsqu'on aborde le sujet de manière concrète, en ancrant les problématiques dans le réel. 

Dans l'avion, un journaliste a demandé frontalement au pape quels conseils il donnerait aux parents découvrant l'homosexualité de leur enfant. Le pape François a alors répondu : "Je leur dirais premièrement de prier, ne pas condamner, dialoguer, comprendre, donner une place au fils ou à la fille". Et d'ajouter : "Quand cela se manifeste dès l'enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C'est autre chose quand cela se manifeste après 20 ans".

Des précédents déjà imputés au pape François, mais également à ses prédécesseurs

Si le pape François est aujourd'hui au coeur de la polémique, ce n'est pour autant pas la première fois qu'il dérape sur le sujet. Après avoir dans un premier temps fait preuve de progressisme lors de sa prise de fonction, en 2013, comme le rappelle LCI, estimant ainsi à l'époque : "Si une personne [...] homosexuelle cherche Dieu et est de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Le catéchisme de l'Église catholique explique bien cela. On ne doit pas marginaliser ces personnes, elles doivent être intégrées à la société", le souverain pontife a par le passé déjà qualifié de "démon infiltré dans les âmes" cette orientation sexuelle. Le pape François n'a par ailleurs jamais cacher son opposition au mariage pour les personnes LGBT et encore moins l'adoption. Le souverain pontife n'hésitait alors pas à invoquer "l'identité et la survie de la famille". Celui qui s'était opposé à la nomination du diplomate homosexuel Laurent Stefanini, qui voulait en 2015 devenir le nouvel ambassadeur français au Vatican, avait par ailleurs la même année dénoncé devant l'ONU, au sujet du mariage gay, la "colonisation idéologique" qui impose aux "peuples" des "modèles de vie anormaux et irresponsables". 

Mais le pape François est loin d'être le premier souverain pontife à abonder en ce sens. Comme le rappelle franceinfo, qui a retrouvé dans les archives un reportage daté de 1987, à l'époque, le pape Jean-Paul II avait "rappelé les grands principes de l'Église". Et le journaliste de préciser : "Il a dit non à la bande des quatre péchés de notre époque : la contraception, le divorce, l'homosexualité et l'euthanasie". Quant à son successeur, Benoît XVI, ce dernier a pour sa part "dénoncé les menaces contre la famille, condamnant ainsi l'homosexualité, l'avortement et la contraception", en 2006, selon les propos d'un reporter de l'époque. 

Un geste "politique" à l'égard de la branche la plus conservatrice du catholicisme ?

Le pape François, lors de la conférence de presse tenue dans son avion, a nuancé quelque peu sa pensée. "Je ne dirai jamais que le silence est un remède. Ignorer son fils ou sa fille qui a des tendances homosexuelles est un défaut de paternité ou de maternité", a-t-il ajouté, précisant qu'il ne fallait surtout pas "chasser son enfant de la maison". Cette nouvelle sortie médiatique du pape sur le sujet pourrait ainsi être un geste "politique" à l'égard de la branche la plus conservatrice du catholicisme.

Les nouvelles "recommandations" du pape ont, bien entendu, suscité la polémique. À première vue, il paraît évident que le souverain pontife laisse entendre que l'homosexualité est une pathologie, ou du moins une anomalie qui, durant l'enfance, nécessiterait le recours à la médecine, à la psychiatrie. Ce lundi après-midi, le service de presse du Vatican est revenu sur les dires du souverain pontife en apportant quelques éléments de correction. Le mot "psychiatrie" a été retiré du verbatim pour ne "pas altérer" sa pensée, même si le mot a bel et bien été prononcé. "Quand le pape se réfère à la psychiatrie, il est clair qu'il le fait comme un exemple qui rentre dans les différentes choses qui peuvent être faites", a expliqué la porte-parole du Vatican. Et d'ajouter encore : "Le pape n'avait pas l'intention de dire qu'il s'agissait d'une maladie psychiatrique, mais que peut-être il fallait voir comment sont les choses au niveau psychologique".

Des propos "graves et irresponsables" 

Reste que pour les associations de défense des droits LGBT en France, ces propos sont "irresponsables". La porte-parole de l'Inter-LGBT, Clémence Zamora-Cruz, a également tenu à réagir auprès de l'AFP : "Nous condamnons ces propos qui renvoient à l'idée que l'homosexualité est une maladie. Or s'il y a une maladie, c'est cette homophobie ancrée dans la société qui persécute les personnes LGBT", a-t-elle déclaré. Et de poursuivre : "Ces paroles sont choquantes car elles ciblent les enfants".

Pour l'association SOS Homophobie, les déclarations du pape François sont "graves" car elles "incitent à la haine des personnes LGBT dans nos société déjà marquées par des niveaux élevés d'homophobie et de transphobie". De son côté, la présidente du mouvement LBGT GayLib, Catherine Michaud, a qualifié les termes employés par le pape "d'irresponsables, outranciers et homophobes". Enfin, pour l'Association des familles homoparentales (ADFH), "il est très étonnant d'entendre régulièrement des conseils et des jugements moraux de l'Eglise [au sein de laquelle] certains personnes sont incapables de dénoncer des actes pédocriminels commis par des prêtres, qui devraient être les premiers à bénéficier de soins psychiatriques".