Suicide de Dinah : une enquête ouverte par le parquet de Mulhouse, les parents ciblent le collège

Suicide de Dinah : une enquête ouverte par le parquet de Mulhouse, les parents ciblent le collège DINAH. Le parquet de Mulhouse a annoncé avoir ouvert une enquête pour "harcèlement", pour établir les circonstances qui ont poussé Dinah Gonthier à se suicider. Les parents continuent de pointer du doigt le collège où leur fille était scolarisée.

[Mis à jour le mercredi 27 octobre 2021, à 12h10] Le parquet de Mulhouse a ouvert une enquête pour "harcèlement" ce lundi 25 octobre, dans le cadre du suicide de Dinah Gonthier en début de mois. "Une enquête a été ouverte pour des faits de harcèlement dénoncés par la maman" de l'adolescente de 14 ans, a déclaré la procureure de Mulhouse Edwige Roux-Morizot à l'AFP. "C'est important que nous allions vérifier tous ces éléments-là", "c'est une très jeune fille qui s'est donné volontairement la mort. Elle a fait l'objet de harcèlement et l'enquête doit établir ce qui a conduit cette jeune fille à se donner la mort. Aucune hypothèse ne peut être privilégiée pour le moment même si on sait que le harcèlement scolaire rend ceux qui en sont victimes extrêmement vulnérables", a ajouté la magistrate. La famille de la jeune fille reste catégorique : c'est bien, selon eux, parce qu'elle était harcelée par des camarades d'école que Dinah s'est pendue au domicile familial à Kingersheim (Haut-Rhin) dans la nuit du 4 au 5 octobre 2021.

Depuis deux ans, Dinah était victime de harcèlement scolaire sur fond d'homophobie, harcèlement qui continuait sur les réseaux sociaux. Pour sa mère, interviewée par Europe 1 ce dimanche 24 octobre, c'est au moment où Dinah s'est confiée à ses amies sur son orientation sexuelle que le harcèlement a débuté, alors qu'elle était encore en quatrième. "Elle a commencé à leur parler du fait qu'elle était LGBT. C'est à partir de ce moment que ça a changé". Au micro de RTL, elle précise : "Dinah avait un petit groupe d'amies et, un jour, elle a eu le malheur de leur dire qu'elle était LGBT. […] Elles ont créé un groupe WhatsApp pour se moquer d'elle avant de se mettre à la bousculer dans les couloirs du collège et à l'insulter de 'sale lesbienne', 'sale intello', 'sale race' ou encore 'sale métisse'. Il ne fallait pas la toucher parce que sinon, tout le monde allait être contaminé." Un racisme latent serait donc également en cause dans le harcèlement de l'adolescente. Effectivement, Dinah, dont la mère est d'origine marocaine et le père d'origine réunionnaise, subissait au quotidien des insultes "racistes ou à caractère homophobe", selon son papa. "Dans sa classe, il y avait deux élèves qui la soutenaient, les autres la descendaient", a-t-il ajouté.

Dinah harcelée au collège

Dès le collège, un groupe d'amies de Dinah ont commencé à la harceler, après qu'elle leur ait révélé son homosexualité. Sur les réseaux sociaux, des pages et groupes étaient créés, dans l'unique but d'insulter la jeune fille, a précisé sa mère sur le plateau de Touche pas à mon poste! Bien que sa maman ait coupé l'accès de sa fille aux réseaux sociaux, le harcèlement persistait : "Elles l'appelaient le matin, à 7h, comme ça ma fille allait au collège avec une boule au ventre. Donc je lui ai bloqué tous les appels, sauf les numéros importants, c'est-à-dire le mien et celui de son papa", précise la maman. Toujours selon la famille de la victime, Dinah aurait repris confiance en elle avec le confinement, ne devant plus se rendre à l'école tous les jours.

Après avoir obtenu son brevet des collèges avec mention, Dinah intègre un lycée différent de celui de ses harceleuses : "C'était comme une nouvelle vie pour elle […] Elle était tellement heureuse", se souvient sa mère. Au bout de quelques jours seulement, pourtant, Dinah recroise ses harceleuses à la cantine, commune aux différents établissements scolaires. "Elle m'a appelée pour dire 'Maman, je les ai vues, elles sont là'", se remémore Amira. "Elle en a vu trois [...] à partir de ce moment-là, tout lui est remonté".

En mars dernier, l'adolescente avait déjà tenté de se suicider : "Comme elle n'avait pas réussi, [ses harceleuses] lui avait envoyé 't'inquiète, la prochaine fois c'est la bonne, on va te montrer des méthodes pour ne pas te rater'", rapporte sa mère sur Europe 1.

La famille de Dinah cible l'inaction du collège et porte plainte

Au micro d'Europe 1, la maman de Dinah affirme avoir prévenu le collège. Pourtant, "rien n'a été fait". "Plusieurs fois, j'ai appelé le collège et rien n'a été fait" car, pour eux, "c'étaient des petites gamineries, ce n'était rien, c'est ma fille qui en fait tout un plat". Selon elle, le collège a donc rejeté la faute sur l'adolescente : "Elle affabule, elle en fait un peu trop, ce sont des chamailleries entre gamines", aurait-on rétorqué au papa de la jeune fille. Sur RTL, le mère de Dinah a reproché au corps enseignant des "négligences" et d'avoir "fermé les yeux" sur le drame vécu par sa fille. Interrogé par France 3 Alsace ce mardi 26 juin, son père, Serge, précisait : "C'est malheureux de voir qu'aujourd'hui à l'école on manque de visibilité sur nos enfants. On devrait être averti sur ce qui ne va pas mais ce n'est pas le cas. A chaque fois qu'on avait des problèmes, ils nous appelaient en nous disant 'venez chercher votre fille, elle n'est pas bien'. Mais pour quelles raisons ? Une fois, deux fois, d'accord mais quand c'est tous les jours il faut se poser des questions. En tant que parents, on a fait ce qu'il fallait pour faire avancer les choses mais, eux, ils ont pris ça vraiment à la légère."

Après la première tentative de suicide de Dinah en mars dernier, le collège aurait reconnu, toujours selon Amira, la gravité de ce qu'elle vivait. Ils ont recommandé à la famille de porter plainte. Ce à quoi la mère de l'adolescente aurait rétorqué : "Oui, je vais porter plainte contre ces filles et contre le collège". "Dès ce moment-là, ça s'est retourné contre moi", affirme-t-elle.

La famille de Dinah compte porter plainte contre le collège et les harceleuses. Sur France Bleu, Rayan, frère de l'adolescente, expliquait : "Il y a une enquête en cours, mais on ne nous tient pas au courant. On va bientôt porter plainte contre X et on compte aussi porter plainte contre le collège qui n'a rien fait pour ma sœur. On n'accepte pas ça." La maman de Dinah précisait également que la plainte serait déposée après la période de deuil de quarante jours observée par la religion musulmane. Sur France 3 Alsace, son père a évoqué son envie de prendre un avocat : "On a des éléments concrets qui feront avancer les choses. Beaucoup de personnes qui étaient en relation avec ma fille sont prêts à témoigner. Ils trouvent ça injuste. Il faut savoir pourquoi le collège a délaissé ce phénomène de harcèlement. Il faut mettre tout ça sur la table et s'il faut qu'on aille en justice,on ira en justice. Je suis prêt même s'il faut que j'y passe toute ma vie."

Une marche blanche à Mulhouse

Près de 1 400 personnes ont participé à la marche blanche à la mémoire de Dinah, organisée ce 24 octobre à Mulhouse. Sur de nombreuses banderoles étaient inscrits les mots suivants : "Dinah, à tout jamais dans nos cœurs", "A la mémoire de Dinah. Stop harcèlement"... Certains participants à la marche scandaient "Justice pour Dinah", ou encore "Les mots blessent, les mots tuent".

"Ma fille a été harcelée pendant deux ans, pendant deux ans, on a fait des pieds et des mains pour que ça s'arrête […] [elle a été] poursuivie jusqu'à la maison, jusqu'aux réseaux sociaux", a rappelé la mère de la jeune fille lors de la marche. Affirmant que l'adolescente "était une personne intelligente, [qui] aimait la vie, [qui] voulait être présidente de la République, [qui] voulait faire du droit, [qui] voulait faire tellement de choses", elle a imploré : "Je vous en supplie, ceux qui ont des enfants, parlez-leur, dites-leur de ne pas harceler, dites-leur que c'est grave, et pour les autres, dites-leur de se défendre". Arrivée devant le lycée Lambert, que fréquentait l'adolescente, la foule a scandé "Dinah, Dinah, Dinah…" sous les applaudissements, avant de se disperser.

Une enquête ouverte sur le suicide de Dinah

Le parquet de Mulhouse a déjà ouvert une enquête pour "recherche des causes de la mort". "On est en train de faire des recherches sur son téléphone, sur son ordinateur. On n'a jamais de certitude absolue à partir du moment où la jeune fille n'a pas laissé d'écrits", avait détaillé Edwige Roux-Morizot,. Elle a précisait que "cette enquête devait permettre de comprendre les raisons du geste de cette adolescente qui avait fait l'objet, selon ses proches, de harcèlement au sein de son établissement scolaire quelque temps auparavant". "Dans l'immédiat", le harcèlement reste "une hypothèse", avait insisté la magistrate. Cette enquête avait été confiée au commissariat de Wittenheim (Haut-Rhin), a précisé le parquet, qui avait également saisi l'office centrale de lutte contre la haine en ligne afin de "rechercher un certain nombre d'éléments dans le téléphone et dans l'ordinateur" de Dinah.

Selon la MAE (Mutuelle assurance de l'éducation), 700 000 élèves sur les 12 millions qui ont repris début septembre le chemin de l'école pourraient être victimes de harcèlement.

Réactions

Amir Fehri, jeune tunisien de 18 ans auteur d'un ouvrage autobiographique sur le harcèlement qu'il a subi, a réagi au suicide de Dinah ce mercredi 27 octobre. "Dans l'histoire de Dinah, j'ai reconnu des morceaux de la mienne. Comme le fait de ne pas oser porter plainte. On a peur que ça augmente le problème et on a la sensation que ça deviendra un événement interminable. On a aussi l'impression d'être fautif, d'être le responsable de ce qui nous arrive", s'est-il souvenu. Il a également affirmé que le harcèlement devait devenir une priorité nationale, voire internationale : "Depuis 2021, en France, il y a eu dix-huit mineurs qui se sont suicidés, victimes de harcèlement scolaire. C'est un problème constant. Même quand on en parle dans les médias, ça continue [...] Il faut en parler davantage, que ça devienne une priorité dans la sphère internationale. L'éducation doit sans cesse faire de la prévention, mais il est aussi nécessaire de faire prendre conscience à l'agresseur, les conséquences que ça engendre d'avoir de tels agissements et que la justice suive. Les jeunes ont besoin d'actions."