Réseaux sociaux : peut-on vraiment contrôler l'âge des utilisateurs ?
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, jeudi 2 mars, une proposition de loi "visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne". Elle prévoit d'obliger les réseaux sociaux comme Snapchat ou TikTok à vérifier l'âge de leurs utilisateurs au moment de leur inscription, mais également de recueillir l'accord des parents lorsqu'un enfant de moins de 15 ans souhaite s'inscrire sur un de ces réseaux. Elle fixe ainsi la "majorité numérique" à l'âge de 15 ans. En cas de non-respect de ces obligations par les réseaux sociaux, la proposition de loi prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 1 % du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise concernée.
Portée par le député Horizons Laurent Marcangeli, la proposition de loi a été adoptée à 82 voix "pour" et 2 voix "contre" en première lecture à l'Assemblée nationale, comme le rapporte Le Figaro. Elle doit à présent être examinée par les sénateurs. Avec cette proposition de loi, les députés entendent mieux protéger les plus jeunes des dangers relatifs aux réseaux sociaux, par exemple l'exposition à de la pornographie ou encore le cyberharcèlement.
Des enfants trop jeunes inscrits sur les réseaux sociaux ?
Grâce à cette proposition de loi, les parents auront un droit de regard et pourront demander la suspension du compte de leur enfant de moins de 15 ans. Un amendement émanant du groupe Renaissance à l'Assemblée prévoit par ailleurs que les parents d'un enfant de moins de 13 ans ne puissent pas donner leur accord pour qu'il s'inscrive sur un réseau social, à l'exception de certaines "plateformes labellisées". "La labellisation sera délivrée dans des conditions définies en Conseil d'Etat et devra tenir compte de l'intérêt particulier que présente la plateforme pour les mineurs sur le plan éducatif, culturel, pédagogique notamment", précise cet amendement adopté.
Selon les informations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qui ont été citées par les députés lors de l'examen de la proposition de loi, la première inscription d'un enfant sur les réseaux sociaux "intervient en moyenne vers 8 ans et demi, et plus de la moitié des 10-14 ans y sont présents". Des informations rapportées par Libération. Or, chez la plupart des principaux réseaux sociaux, les conditions générales d'utilisation indiquent que l'inscription n'est autorisée qu'à partir de 13 ans, comme le rappelle Le Figaro. Une condition qui n'est donc pas respectée. Face à cette précocité, l'Etat dispose-t-il de moyens suffisants pour faire appliquer réellement cette proposition de loi ?
Une "majorité numérique" réellement applicable ?
La proposition de loi votée jeudi à l'Assemblée prévoit d'instaurer une obligation pour les réseaux sociaux "de mettre en place une solution technique de vérification de l'âge des utilisateurs finaux et du consentement des titulaires de l'autorité parentale" pour les moins de 15 ans. Cette "solution" devra ensuite être certifiée par les autorités, selon les informations de franceinfo. La balle est donc dans le camp des réseaux sociaux en ce qui concerne la mise en place de moyens de vérification de l'âge et du consentement des parents. En ce moment, Instagram teste un outil qui utilise l'analyse faciale pour vérifier l'âge de l'utilisateur, comme le rapporte BFMTV. Le visage de l'utilisateur est filmé, et l'algorithme du réseau social détermine son âge. Mais la méthode n'est cependant pas assurée de marcher à tous les coups.
Il est très facile pour de nombreux jeunes, qui connaissent souvent bien mieux les rouages des réseaux sociaux que leurs parents, de mentir sur leur âge afin de s'inscrire sur une de ces plateformes. Les mesures de contrôle parental, mises en place sur certains réseaux sociaux, ne sont pas très contraignantes. Désormais, les parents peuvent effectuer une demande de supervision du compte Instagram de leur enfant afin de fixer une durée limite d'utilisation par jour, comme le rappelle Le Figaro. Les parents reçoivent également dans ce cas une notification lorsque leur enfant signale un compte, et sont informés du motif du signalement. Cependant, il faut que cette demande de supervision soit accordée. Or, rien n'est moins sûr, car l'enfant en question est libre d'accepter ou de refuser cette demande !
De son côté, TikTok a mis en place un mode sécurité famille, qui permet aux parents de limiter la durée d'utilisation du réseau social par leurs enfants, mais également de restreindre les conversations privées et les contenus inappropriés. Des informations rapportées par le Journal des Femmes. Pour utiliser ce dispositif, les parents doivent s'inscrire sur TikTok. En liant leur compte à celui de leur enfant, ils peuvent ensuite en modifier les options de sécurité. Compte tenu de la popularité des réseaux sociaux chez les plus jeunes, ces mesures ne semblent, pour le moment, pas avoir eu un impact significatif sur leur utilisation de ces plateformes.
Quelles solutions possibles pour vérifier l'âge ?
Dans un avis publié le 26 juillet 2022, la CNIL a détaillé plusieurs solutions existantes pour vérifier l'âge des utilisateurs en ligne. Cependant, "l'organisme estime urgent que des dispositifs plus efficaces, fiables et respectueux de la vie privée soient rapidement proposés et encadrés". Pour l'heure, voici quelques-unes des solutions existantes dont la CNIL se fait l'écho. Il y a d'abord la "vérification de l'âge par validation d'une carte de paiement". "Un tel système permet notamment de protéger les plus jeunes (environ jusqu'à l'entrée au collège), qui ne peuvent pas disposer d'une carte bancaire permettant de réaliser un paiement en ligne et pour lesquels la probabilité qu'ils puissent utiliser celle d'un tiers est la plus faible", écrit la CNIL.
Le régulateur des données personnelles mentionne également la solution de la "vérification de l'âge par estimation sur la base d'une analyse faciale". "Pour limiter le risque de captation vidéo et les possibles chantages à la caméra, les solutions de vérification d'âge par analyse faciale devraient être certifiées et déployées par un tiers de confiance respectant un cahier des charges précis", précise cependant la CNIL. Une autre possibilité évoquée par la CNIL est celle d'un "système de vérification hors ligne". Concrètement, l'autorité administrative explique que, pour accéder à un site, il faudrait se procurer des sortes de "cartes à gratter" sur lesquelles seraient inscrits un identifiant et un mot de passe. Des "cartes à gratter" qui seraient donc accessibles seulement aux personnes en âge de s'inscrire sur le site concerné.