Pourquoi le procès des militants de Sainte-Soline menace le droit de manifester selon les syndicats ?

Pourquoi le procès des militants de Sainte-Soline menace le droit de manifester selon les syndicats ? Neuf militants sont jugés ce vendredi 8 septembre dans les Deux-Sèvres, à Niort, dans le cadre de la lutte contre les méga-bassines. Ils sont jugés pour avoir organisé et participé à une manifestation interdite au printemps.

La justice fait comparaitre neuf militants anti-bassines, ce vendredi 8 septembre, à Niort dans les Deux-Sèvres. Les activistes écologistes sont suspectés d'avoir organisé et participé à une manifestation non-autorisée, en mars, à Sainte-Soline. Cette mobilisation avait donné lieu à une violence rare, faisant plusieurs dizaines de blessés chez les manifestants et chez les forces de l'ordre. Sur plusieurs milliers de personnes présentes ce jour-là (6000 selon la police, 20 à 30 000 selon les organisateurs) on estime les blessés à plus de 200 du côté des militants, dont trois en urgence absolue, et 48 du côté des gendarmes. Les manifestants étaient face à un dispositif policier particulièrement lourd : "vingt escadrons de gendarmes mobiles armés, pour certains circulant à bord de quads, neuf hélicoptères, quatre canons à eau, et quatre véhicules blindés", recense France 3 Nouvelle-Aquitaine.

Parmi les prévenus lors de ce procès, on retrouve Julien Le Guet, porte-parole du collectif "Bassines Non Merci !", Basile Dutertre et Benoît Feuillu, membres actifs des Soulèvements de la Terre. Mais aussi les représentants de la Confédération paysanne Benoît Jaunet et Nicolas Girod. Les neuf hommes encourent six mois de prison et 7 500 euros d'amende.

Une manifestation (autorisée ?) pour soutenir les neuf prévenus

Une manifestation de soutien aux personnes jugées à Niort a été déclarée, mais la préfecture a pris des dispositions pour encadrer la foule attendue. Ainsi, tout "attroupement" est interdit aux abords du tribunal et des drones sont employés par la police pour surveiller le rassemblement. D'après les syndicats qui défendent les neuf prévenus, ce procès menace le droit de manifester. "Le procureur a fait le choix de poursuivre les porte-paroles. (…) Nous avons l'impression que ces poursuites ont pour but de dissuader le mouvement d'opposition à la construction de ces bassines", a déclaré Me Alice Becker, l'avocate d'un syndicaliste CGT qui doit comparaitre ce vendredi.

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV et Mathilde Panot, cheffe du groupe LFI à l'Assemblée nationale, sont notamment attendues sur place. 

L'interdiction de manifester près du tribunal n'est pas anodine, puisque la préfecture des Deux-Sèvres reproche aux neuf prévenus du procès leur implication dans "l'organisation de manifestation interdite sur la voie publique", leur "participation à un groupement en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destructions ou dégradations de bien" et la "dégradation ou détérioration du bien d'autrui", entre autres.

Ces rassemblements, qui avaient été interdits par les autorités, ont eu lieu à Sainte-Soline, où un projet de construction de réservoirs d'eau dédiés à l'irrigation agricole est très controversé. Près de 30 000 personnes s'étaient présentés le 25 mars 2023 aux abords du chantier de Sainte-Soline. Les affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre avaient été marqués par une grande violence. Deux personnes ont passé de longues semaines dans le coma et les blessés se comptaient par centaines. Plus de 5 000 grenades avaient été tirées par les policiers.

Un procès "politique" selon les militants

Les prévenus dénoncent un "procès politique". Leurs avocats estiment que la procédure vise à dissuader l'organisation de mouvements sociaux. "Ce procès est une atteinte au droit de manifester", a déclaré à l'AFP Pierre Huriet, avocat de Solidaires. "Son objectif est de décourager les mouvements sociaux", a-t-il ajouté. Alice Becker, conseil des syndicalistes CGT, partage ce point de vue. "C'est une entrave à la liberté de manifester, d'opinion, mais aussi syndicale", a-t-elle déclaré.  Elle a dénoncé "une volonté d'intimider des individus et de faire peur".

La défense s'interroge sur les raisons de poursuivre des personnes physiques, plutôt que les organisations qu'elles représentent. "Ce n'est pas parce qu'on est porte-parole d'un mouvement qu'on est organisateur", a déclaré Marie Dosé, avocate de Julien Le Guet et Basile Dutertre.

Les avocats de la Confédération paysanne, Chirine Heydari-Malayeri, Inès Giacometti et Balthazar Lévy, dénoncent "une criminalisation de l'action politique et syndicale". "C'est d'autant plus inacceptable que le syndicat agricole alerte sur la préservation de l'eau et d'un accès égalitaire à ce bien commun essentiel", ont-ils déclaré.

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a quant à elle estimé sur Franceinfo que le "scénario" du procès était "écrit d'avance" par le gouvernement. "Le gouvernement veut faire porter à nos organisations pacifiques, connues, existantes de longue date, la responsabilité des graves violences qui ont eu lieu à Sainte-Soline", a-t-elle déclaré.