Ce nouveau polluant "ultime" inquiète les experts et doit être surveillé, il menace l'eau potable partout en France
Si les alertes concernant les polluants éternels, connus sous le nom de PFAS (pour perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées) se sont multipliées ces derniers mois, les experts sonnent désormais l'alarme sur ce qu'ils considèrent comme le "PFAS ultime" : l'acide trifluoroacétique ou TFA. S'il est le plus microscopique des polluants éternels, il est aussi l'un des plus utilisés par les industries agricoles et chimiques et l'un des plus résistants dans la nature. Des caractéristiques qui font de lui une "menace planétaire" pour l'environnement et l'homme selon plusieurs experts cités récemment par Le Monde.
Le TFA est libéré avec l'utilisation et la dégradation de plusieurs pesticides, comme le flufenacet et le flutolanil, ou de gaz à effet de serre fluorés. Des produits dont les usages aggravent la pollution des sols, des eaux et de l'air. Comme pour les autres PFAS, ce sont les multiples propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes qui expliquent l'utilisation du TFA. Mais cette dernière est aussi facilitée par l'absence de réglementation. Le polluant ne fait pas partie des 20 PFAS considérés comme "préoccupants" par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et dont la présence dans l'eau potable est limitée à 100 nanogrammes par litre (ng/L), soit l'équivalent de cinq gouttes dans une piscine olympique, selon PAN Europe.
Résultat, le TFA est présent dans plusieurs bassins d'eau potable alimentant la population française et parfois en très grande quantité. Dans la métropole de Lyon, "le champ captant qui alimente 98% de la population en eau potable est contaminé au TFA", prévient la vice-présidente Anne Grosperrin au Monde. Des études réalisées par PAN Europe en juillet 2024 pointent la contamination des eaux potables au TFA dans plusieurs prélèvements faits en France : le taux du polluant éternel est évalué à 2100 ng/L dans un échantillon venant de Paris ou à 500 ng/L dans un autre issu de Metz. Une autre étude démontre même la contamination des bouteilles de la marque Vittel, une des plus consommées en France, avec un taux à 340 ng/L.

D'autres prélèvements réalisés dans les eaux de surface des mêmes villes confirment une contamination encore plus importante comprise encore 1 500 et 2 900 ng/L. Des taux qui sont jusqu'à 20 fois plus élevés que la limite autorisée pour d'autres polluants similaires et qui vont s'aggraver prévient Hans Peter Arp, professeur à l'université norvégienne de technologie au Monde : "Les concentrations de TFA sont au moins dix fois plus élevées qu'elles ne l'étaient avant 2010. Et cela ne fera qu'augmenter".
Le TFA pourrait cependant être logé à la même enseigne que les autres PFAS prochainement. Cela devrait même déjà être le cas puisque depuis septembre 2024, un des pesticides dont il est issu, le flufenacet, a été classé parmi les perturbateurs endocriniens par l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Mais cette réglementation n'est toujours pas appliquée et si elle l'était, elle rendrait de nombreuses sources d'eau potable impropres à la consommation en France. A commencer par celles citées plus haut, qui ne sont qu'un aperçu du phénomène.
Les risques d'une exposition trop importante au TFA sont toutefois réels : des études faites sur les mammifères ont déjà montré une toxicité de la substance pour le foie ainsi que des effets sur la reproduction. La Commission européenne a d'ailleurs souligné la "toxicité préoccupante" du polluant en décembre dernier. L'Organisation mondiale de la santé doit se pencher sur le sujet... mais seulement en 2026.