Décathlon accusé d'esclavage moderne, plusieurs articles pointés du doigt

Décathlon accusé d'esclavage moderne, plusieurs articles pointés du doigt Dans une enquête menée conjointement par Disclose et Cash Investigation, l'enseigne française Decathlon est accusée de collaborer avec un sous-traitant chinois impliqué dans un système d'esclavage moderne.

L'enseigne préférée des Français (selon le classement annuel du cabinet OC&C et membre de l'empire Mulliez) se retrouve-t-elle au coeur d'un scandale ? Un de ses principaux fournisseurs est impliqué dans un système d'esclavage moderne en Chine, selon une enquête menée par Disclose en partenariat avec Cash Investigation. Disclose révèle qu'un des fournisseurs de la firme française, Jifa, s'appuie sur un système de "trafic d'êtres humains", notamment des femmes d'origine ouïghoure réprimées par le régime chinois. Ces femmes confectionneraient des vêtements susceptibles de se retrouver dans les magasins Decathlon présents en France et partout dans le monde.

Tout est parti d'un document commercial communiqué par une source interne à Decathlon auprès de Disclose. À l'intérieur la liste des sous-traitants du groupe dans le monde entier. Résultat : Jifa en fait bien partie et la marque française lui a acheté "pour la seule année 2022, plus de 43 millions d'euros de vêtements", peut-on lire dès les premières lignes de l'enquête. C'est le début du malaise.

Travail obligatoire sous la contrainte et usines subventionnées par le régime

Depuis 2020, et l'arrêt des camps dans la province du Xinjiang, des Ouïghours seraient amenés par Pékin à travailler sous la contrainte, notamment dans l'industrie et l'agriculture. Plusieurs ONG sérieuses ont mené des investigations arrivant à cette conclusion. Cette économie profite à Jifa, le fournisseur de Decathlon. Disclose révèle que dans le sud-ouest de Xinjiang, un parc industriel est rapidement sorti de terre avec dans ses usines, celle de "Xinjiang Xirong Clothing, une filiale du groupe Jifa, spécialisée dans la confection de vêtements", indique le média. Un de ses clients européens n'est autre que Decathlon.

Problème, il ne s'agit pas d'une usine classique. À l'intérieur, y travaillent des habitants locaux, notamment des paysans de la région, qui seraient forcés à venir y travailler. "Quiconque refuse (...) risque l'emprisonnement" assure même un rapport publié en 2023 par l'université britannique Sheffield Hallam. Cette usine est actuellement "certifiée" par Decathlon. Et Jifa aurait tout intérêt à employer ce genre de publics, en effet, la marque est subventionnée par le gouvernement local à hauteur de 29 millions de yuans (près de 4 millions d'euros), pour "former des minorités ethniques du Xinjiang". Un lycée professionnel est même situé à moins d'un kilomètre des ateliers, de quoi fournir de la main d'oeuvre bon marché et jeune à l'usine Jifa et notamment la filiale Xinjiang Xirong Clothing.

"En réalité, le lycée professionnel de Yengisar ressemble davantage à une prison qu'à un établissement scolaire", dénonce Disclose. Certains bâtiments ont servi de camp d'internement de Ouïghours entre 2018 et 2021. Et Decathlon ? L'enseigne française dément tout lien avec la filiale Xinjiang Xirong Clothing, malgré le fait que Qingdao Jifa Group est aujourd'hui référencé comme sous-traitant direct de Décathlon : "Xinjiang Xirong Clothing Company n'a jamais été un fournisseur de Decathlon ", assure la marque.

Kalenji, Domyos, Kipsta et la NBA citées

Mais ce n'est pas tout, Jifa, le partenaire de Decathlon est impliqué dans une autre forme d'esclavage moderne : c'est à dire le transfert des populations à l'autre bout du pays, dans le Shandong. Ici, Disclose révèle que les autorités chinoises financent un déplacement de population en "aide au Winjiang" pour suppléer le manque de main d'oeuvre dans le Shandong. Problème pour Decathlon, Jifa possède une vingtaine d'usines dans la zone. D'après l'enquête de Disclose et de Cash Investigation, deux usines de Jifa travaillent pour la marque française dans le village de Liudi pour la première, et pour l'autre, il s'agit de l'usine de Sanzhiwang.

Des t-shirts Kalenji, des pantalons Tarmak, Domyos et des maillots Kipsta ont notamment été aperçus dans des vidéos publiées par des employés. Cash Investigation évoque également des produits arborant le logo de la ligue américaine de basket, la NBA, dont Decathlon est partenaire depuis 2021. L'enseigne revendique pouvoir vendre des produits "aux couleurs de la NBA et des franchises NBA", et ce "dans plus de 1 700 magasins Decathlon dans le monde et en ligne", en Afrique, Asie, Europe, Moyen-Orient et Amérique latine.

Enfin, concernant la récolte du coton - celui utilisé par Decathlon pourrait provenir du Xinjiang selon une cadre de Jifa - Jifa n'a pas la main sur le choix de la récolte. "Les cotons sont choisis par Decathlon", révèle l'enquête. L'enseigne française assure que " 100% du coton utilisé dans la fabrication de ses produits provient de sources engagées dans des pratiques plus responsables".