Swift : quelle est cette "arme nucléaire" à double tranchant pour déstabiliser la Russie ?

Swift : quelle est cette "arme nucléaire" à double tranchant pour déstabiliser la Russie ? SWIFT. Le sommet des chefs d'Etats prévu cette semaine paraît décisif dans la poursuite des sanctions infligées par l'Union Européennes à la Russie. Après l'exclusion de 7 banques russes de Swift, quelles seront les nouvelles décisions pour tenter d'isoler la Russie du reste du monde ? Et Swift, comment ça marche ? On vous dit tout.

[Mis à jour le 7 mars 2022 à 10h23] Arme nucléaire à double tranchant, demi-mesure... les discussions vont bon train autour des sanctions infligées par la France et l'Europe à la Russie de Vladimir Poutine. Toujours est-il que 7 banques russes ont déjà été bannies de Swift, le principal réseau de traitement des opérations interbancaires mondiales. Une mesure qui entrera en vigueur à partir du 12 mars. Interrogé au micro de BFM TV ce lundi 7 mars, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire entendait poursuivre les sanctions de manière structurée, en incluant les intérêts de l'ensemble des pays de l'Union Européenne : " Il y aura le sommet des chefs d'Etat les 10 et 11 mars prochains, l'occasion d'examiner les différentes possibilités. Quoi qu'il en soit, ça va être un impact douloureux et massif pour la Russie ".

A contrario, la première banque du pays, Sberbank et ses 110 millions de clients présenterait trop de liens sensibles avec l'Europe, elle ne sera pas exclue du dispositif international. Toutefois, près de 70% du réseau bancaire russe devrait se voir banni de Swift. Ce sont pas moins de 300 banques russes qui devraient être dans l'incapacité d'effectuer la moindre transaction bancaire. Le secteur des énergies est notamment ciblé, pourtant, le gaz et le pétrole devraient échapper aux sanctions européenne contre Moscou. Mais alors, ne serait-ce pas une arme à double tranchant tant les entreprises françaises commercent avec les russes ? Une alternative existe en Europe avec le réseau SEPA, c'est vrai. Mais les opérations internationales les plus complexes passent plutôt par Swift.

Une chose est sure, le débranchement des banques russes de Swift constitue un moyen réel d'isoler la Russie du reste du monde. Les entreprises russes, elles, ne pourront pas emprunter, sauf à des taux très élevés, pour investir et développer l'économie. On parle pour l'heure de taux d'intérêt à hauteur de 10 à 20%, après l'augmentation déjà pratiquée par la banque centrale russe. La position du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire est claire : "Nous allons provoquer l'effondrement de l'économie russe", ni plus ni moins. L'effondrement de la Russie et la capitulation de Vladimir Poutine semblent encore loin, mais la monnaie russe, le rouble semble déjà souffrir avec un effondrement de 30%

Swift, c'est quoi ?

Swift est l'acronyme de "Society for Worldwide Interbank Financial Télécommunication". Créée en 1973, cette société basée en Belgique fait office d'intermédiaire informatique entre les clients de différentes banques. Autrement dit, elle centralises les ordres de virements, à la manière d'une messagerie électronique sécurisée entre les pays.

Swift regroupe plus de 11 600 établissements bancaires dans plus de 200 pays. L'an dernier, en 2021, le réseau a transmis 10,6 milliards d'ordres de paiement dans le monde entier.

Que risque la France si la Russie est exclue du réseau Swift ?

Dramatique pour l'économie russe, la déconnexion de Swift pourrait aussi se retourner contre les pays européens, et la France. Deuxième investisseur étranger en Russie, et premier employeur avec 160 000 salariés, la France a finalement beaucoup à perdre d'un tel acte. Aussi, l'une des principales banques russes, Rosbank, est détenue par... La Société générale !

C'est une réelle décision à double tranchant pour l'Europe. Il est difficile, voire impossible d'imagine une exclusion totale des banques russe du dispositif Swift. En effet, une telle décision empêcherait tous les Occidentaux d'acheter du pétrole, du gaz, du charbon, ou encore du blé. Un acte qui s'avèrerait contre productif pour la France, mais encore plus pour des pays comme l'Allemagne dont le 1/4 de l'énergie consommée provient de la Russie. Mais selon les dernières informations, les secteurs du gaz et du pétrole devraient être épargnés.

La France exporte 5 milliards d'euros de biens par en en Russie. Une exclusion totale de Swift de la Russie entrainerait des manques à gagner colossaux pour l'Hexagone, et des difficultés de paiement assez inédites.

La Russie va-t-elle être bannie de Swift ?

A partir du 12 mars 2022, 7 banques Russes seront bannies de Swift. Une décision validée par l'Union Européenne et les Etats-Unis de Joe Biden le mercredi 2 mars 2022. Voici les banques concernées : 

  • VTB
  • Bank Otkritie
  • Novikombank
  • Promsvyazbank
  • Rossiya Bank
  • Sovcombank
  • VEB

Selon toute vraisemblance, une grande partie du marché bancaire russe devrait être totalement exclu du réseau Swift, jusqu'à 70%. Bonne nouvelle pour la France, les achats de produits énergétiques pourraient ne pas être concernés par cette manœuvre. Notamment le gaz dont les pays européens sont, pour certains, extrêmement dépendants de la Russie. Filiale de la Société générale, la banque russe Rosbank pourrait également échapper à l'exclusion du système Swift.

Que risque économiquement la Russie après un débranchement de Swift ?

L'éventualité d'une exclusion de la Russie du réseau Swift pourrait s'avérer extrêmement pénalisant. Cela mettrait fin à toutes les transactions internationales de la Russie, de quoi engendrer un exode massif des capitaux. Le système bancaire serait clairement au ralenti, et la Russie devrait alors s'appuyer sur des systèmes de messageries sécurisées alternatives. Elle dispose effectivement, depuis quelques années, d'un système propre de validation des opérations bancaires (SPFS), mais totalement incomparable avec Swift. Seulement une petite vingtaine de banques en font partie.

La solution la plus plausible serait de se rapprocher de la Chine, elle aussi propriétaire de son propre réseau de traitement des opérations bancaires. Un handicap extrêmement lourd pour s'insérer dans l'économie mondiale. Pour rappel, les banques iraniennes ont été déconnectés du système Swift en 2012. Résultat ? La moitié des recettes d'exportations du pays étaient parties en fumée. Enfin, la Russie pourrait décider de d'appuyer sur les réseaux bancaires indiens pour conserver un minimum d'échanges avec l'international.

Bruno Le Maire a également annoncé que l'intégralité des avoirs de la banque centrale russe ont été gelés dans la nuit de lundi 28 février à mardi 1er mars. Ce qui représente des dizaines de milliards d'euros, et ce qui entrave largement les réserves de change de la banque centrale russe sur sa capacité à financer le commerce russe en devise. Comme l'a évoqué le ministre de l'Economie, les premiers effets sont déjà bien visibles pour la Russie sur "le niveau du rouble, les taux d'intérêts et sur le marché financier" avant de poursuivre : "Nous poursuivons le recensement complet des avoirs financiers de biens immobiliers, des yachts, des véhicules de luxe qui appartiendraient aux personnalités russes sous sanctions européennes." La France va également identifier l'ensemble des Russes ayant des avoirs dans l'Hexagone, et qui pourrait donc être ajoutés à la lise de sanctions européennes en raison de leur proximité avec le pouvoir russe