Luc Besson Luc Besson, rédacteur en chef spécial de L'Internaute Magazine

Pourquoi une Une sur "Les films de votre enfance" ?

Les films qui ont marqué l'enfance sont très importants, il ont une vocation préparatoire. Dans un film il y a de la musique, un peu d'écriture, de peinture, d'architecture, d'opéra, un peu de tout. Le 7e art prépare les sens pour plus tard. Les films sont importants pour l'éducation sensitive de l'enfant.

Mes films d'enfance ? Beaucoup Le Livre de la jungle et Merlin l'enchanteur. Le Livre de la jungle parce que quand on est gamin on a envie d'être comme lui. Si je peux avoir comme mère une panthère et un ours comme père, tout ça avec trois bananes, je suis heureux ! Dans Merlin, ce qui me plaît beaucoup c'est qu'on apprend à un enfant que pour être un homme il faut déjà qu'il soit un oiseau, un poisson et un écureuil. Après seulement, il pourra être un homme, et je trouve ça magnifique.
Et pour l'éducation sentimentale, je dirais La Belle et le clochard, une fois qu'on a vu ça, on est tranquille, on sait comment marche l'amour. A l'époque, il y avait un film Disney à Noël, point final, puis onze mois d'attente, et c'était un événement. Maintenant on voit sortir des films d'animation environ toutes les trois semaines. Tant mieux pour nos chérubins, mais en même temps, on a cassé ce truc de l'attente et c'est dommage.

 Les films de votre enfance
 

Quels sont, parmi vos propres films ceux qui ont le plus marqué les enfants aujourd'hui devenus grands ?

Un peu tous. Subway en Afrique, Nikita en Asie, Léon aux Etats-Unis, Le Cinquième Elément un peu partout. Mais il y a un âge, entre 15 et 19 ans où on est en plein dans le créneau et on prend les films en pleine poire. Les films vus dans cette tranche d'âge-là marquent à vie et on a tous les nôtres. Je comprends que quelqu'un qui voit Le Grand Bleu à 15 ans tombe dedans. Ça doit faire la même chose que moi quand j'ai vu Star Wars à 16 ans ! Ce sont les mêmes chocs.
 

Pourquoi avoir mis en avant ce sujet sur "Paris star des lieux de tournage" ?

Paris ne l'a pas fait exprès, mais Paris est extrêmement photogénique, pour deux raisons : d'abord parce que sur la période d'Haussmann ils ont fait des immeubles de 4-5 étages qui rentrent dans le format scope. Ce qui est l'inverse de New York qui est un cauchemar, très difficile à faire rentrer dans l'image. Et puis grâce à la nature même de la pierre, cette pierre légèrement claire qui réagit extrêmement bien à la lumière naturelle, belle à l'ombre et au soleil. Peu de rues bien droites, elles sont toujours un peu tordues, c'est un beau studio !

Les films qui rendent de beaux hommages à Paris selon vous ?

Jeunet filme très bien Paris, je pense à Amélie Poulain , c'est le premier qui me vient à l'esprit. A l'inverse il y a le dernier Woody Allen, Minuit à Paris, où je ne comprends pas qu'on puisse filmer aussi mal Paris, sans le faire exprès. Une carte postale délavée ! Je ne crois pas que ce soit lui qui ait fait le générique du début, ce n'est pas possible ! Il a plutôt bien filmé Barcelone, je suis fan de Woody Allen, mais je suis aussi parisien et ça m'a fait mal au cœur de voir Paris filmé comme ça.

 Paris, star des lieux de tournage

"Belles mais dangereuses", ça vous parle ?!

On dit toujours le sexe fort et le sexe faible, mais je trouve que quand les femmes font les méchantes, elles font encore plus peur que les hommes. Elles ont cette apparence plutôt fragile et frêle, on est quasiment en confiance, et si en plus elles mélangent ça avec un peu de charme, c'est le principe de la mante religieuse ! Dans certains cas ça fait encore plus peur. Je pense à Isabelle Adjani dans Possession, on en frémit encore ! Ou dans Misery, Sunset Boulevard, Qui a peur de Virginia Woolf ?

Ce n'est pas la méchanceté musculaire, le fait de tuer ou frapper, c'est généralement beaucoup plus sournois que ça. Il y avait comme ça un personnage très diabolique dans La Sirène du Mississippi de Truffaut avec Catherine Deneuve. Elle était femme, fragile et aimante, et en même temps tout le monde meurt autour d'elle, mais elle ne fait pas exprès, ce n'est pas ce qu'elle voulait ! C'est encore plus vicieux parce qu'on ne lui en veut même pas !

 Belles... mais très dangereuses

Pourquoi ce sujet sur "Les réalisateurs qui se font rares au cinéma" ?

C'est un luxe et un privilège de pouvoir se concentrer pendant 4 ou 6 ans sur un film. Ce n'est pas toujours facile, les goûts des gens avancent très vite, et à chaque fois ces metteurs en scène-là prennent le risque d'être éventuellement oubliés. Ce sont des artistes courageux.

 Leurs films sont rares, mais d'autant plus précieux
 

Auriez-vous pu apparaitre dans cette liste ?

J'ai commencé le cinéma il y a 35 ans, j'ai fait 14 films, donc je ne suis pas moins prolifique que d'autres, mais je suis capable de m'arrêter 2, 3, 4, 5 ans si je ne le sens pas. Et si c'est un film que je n'ai vraiment pas envie de faire, je ne le fais pas. Je suis heureux de mes films parce que je n'ai jamais triché avec moi-même, je les ai faits parce que je les aimais et que je me sentais capable d'apporter quelque chose. Je les ai faits pour de bonnes raisons qui sont les miennes. Ni pour la gloire, ni pour l'argent. The Lady, j'avais vraiment envie de le faire, je n'avais pas envie de voir ce film-là raté.

Vous avez également voulu promouvoir ce quiz sur les univers futuristes...

Sur le thème du futur, ce qui est intéressant, c'est qu'on est arrivé à la limite de l'imagination. On a aujourd'hui les outils pour faire tout et n'importe quoi, alors en tant qu'artiste on n'a plus d'excuses ! Il y en a à qui ça fait peur, moi ça m'excite ! Pouvoir aller très très loin dans l'invention, ça me rend heureux.

 Quiz : Les Univers futuristes au cinéma ?

Si vous deviez refaire le Cinquième Elément aujourd'hui ?

Le Cinquième Elément, par rapport aux effets spéciaux, correspond à la dernière année de l'âge des dinosaures !

 

Vous avez également souhaité mettre en avant ce sujet sur Jacques Tardi ?

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Tardi, le polar dessiné © L'Internaute Magazine

Les Tardi, je les ai lus ado. Ce qui est intéressant c'est ce personnage féminin, cette femme libre du début du siècle qui fume dans son bain, qui insulte tout le monde. Elle me plaisait déjà beaucoup, mais je n'ai jamais imaginé que cela pouvait faire un film. Ça m'est venu 20 ans plus tard. J'étais bloqué à la campagne en plein hiver, il devait faire -20°, donc j'ai fait un bon feu de bois et j'ai ressorti une pile de Tardi comme ça. Je me suis mis à bouquiner, et puis je me suis aperçu que maintenant adapter Adèle Blanc-Sec, la fille à cheval sur un ptérodactyle, devenait possible grâce aux moyens techniques .

Tardi est-il devenu un ami ?

Moi je l'aime beaucoup, lui, sa femme et son fils. C'est vraiment une belle famille, de belles personnes.
Il a l'air un peu bougon comme ça. Il y a toujours une différence très nette entre la perception qu'on peut avoir d'un artiste en public, en promo, et puis après la véritable personne chez qui tu prends un chocolat et tu discutes de la vie. Il y a des écarts vraiment très très grands.

 Jacques Tardi, le polar dessiné


Le documentaire "The Cove", quelques mots sur ce choix ?

Bon alors j'ai un amour pour les dauphins que j'aurais du mal à cacher. Ils étaient en train de tourner The Cove, ils sont venus me voir et j'ai dit oui tout de suite. Si un jour on fait le bilan de ce que l'humanité a pu faire de bien et de mal, ça ça fait partie de ce qu'a pu faire de plus sale et dégueulasse l'être humain. C'est d'une bêtise et d'une cruauté sans nom, pour rien. Des massacres pour faire croire que c'est du thon, qu'ils vendent quelques euros. C'est lamentable. Les Marineland du monde viennent prendre 6 ou 7 dauphins qu'ils payent 100 000 dollars pièce, et au lieu de libérer les autres, ils les massacrent. Le film a eu un Oscar et j'étais très fier.

 The Cove, la baie de la honte

Et pour finir un quiz : "Dans quelle ville se passe ce film ?"

Bienvenue chez les Ch'tis, les Taxis, tous les films de Robert Guédiguian, Guillaume Canet qui va tourner dans la région de Bordeaux, on n'est pas trop parisien je trouve dans le cinéma français. Je pense à un film de Bertrand Tavernier, Une Semaine de Vacances avec Gérard Lanvin et Nathalie Baye, ça donne vraiment envie d'aller à Lyon.

 Quiz : Dans quelle ville se situe l'action de ce film ?

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