Chloé Zhao : "Je voulais que 'Les Eternels' soit une expérience très immersive" [Interview]
2021 est définitivement l'année de Chloé Zhao. Après avoir reçu la consécration de ses pairs en remportant l'Oscars de la meilleure réalisation pour Nomadland en mars, la cinéaste sino-américaine présente le dernier film Marvel, Les Eternels. En salles le 3 novembre 2021, ce blockbuster d'action semble être une entorse dans la filmographie de la réalisatrice, davantage habituée aux films plus confidentiels du cinéma d'auteur américain.
Mais en tant que grande fan du MCU, Chloé Zhao ne pouvait pas refuser la proposition faite par Kevin Feige, le président des studios. En engageant une réalisatrice de cet acabit, c'est une proposition bien différent des autres productions du studio qui est promise aux spectateurs. Nous avons rencontré la réalisatrice des Eternels lors de son passage à Paris, début novembre, pour évoquer la genèse de ce long-métrage, sa vision et les apprentissages qu'elle a pu tirer de la machine Marvel. Interview.
En fan du MCU, vous n'avez jamais caché votre joie de réaliser un film Marvel. Qu'est-ce qui vous séduit dans les productions Marvel ?
J'adore le sentiment, en tant que spectatrice, de faire partie d'une immense histoire, d'une grande famille, et que tous les mois ou tous les ans, on retrouve et on tombe amoureux de nouveaux personnages, tout en en apprenant plus sur les anciens qu'on adore. Les gens adorent parler de Marvel comme de gros films d'action, mais pour moi, ces films sont davantage centrés sur les personnages, et je les adore. Surtout Bucky Barnes et Steve Rogers.
Quelle était la vision que vous vouliez transmettre au public quand vous avez commencé à travailler sur Les Eternels ?
Je voulais que "Les Éternels" soit une expérience très immersive pour les spectateurs.
Les Éternels se déroule sur plusieurs années, à plusieurs endroits du monde, il y a une dizaine de personnages à introduire, de nombreux décors… Qu'est-ce qui était le plus difficile à finaliser sur le tournage ?
Il y a beaucoup de choses... D'abord ça m'a appris à être patiente : tout met plus de temps à se mettre en place, par exemple quand on essaie de changer d'objectif sur un plan entièrement en CGI des Déviants. Malheureusement, ça ne se fait pas en un claquement de doigts, et quand ça se fait, c'est très satisfaisant. Une autre difficulté était le fait qu'on avait ces supers personnages dans des scènes géniales, mais il a fallu faire des choix et certaines ont dû être coupées au montage. C'est notamment le cas de scènes très belles avec Sprite et Makkari. Ça, c'était dur.
Qu'avez-vous appris en travaillant sur les Éternels ?
D'abord, comme je vous disais, le fait d'être patient. Si on parle de compétences, le fait aussi de travailler avec des effets spéciaux, ce que j'adore. J'ai appris des techiques pour les scènes d'action aussi… Mais j'ai surtout appris à diriger une équipe aussi grande. Je menais déjà mes équipes sur mes précédents films, mais c'était amplifié sur celui-ci : j'ai dû apprendre à diriger mon équipe avec amour et bienveillance (rires). J'essaie de canaliser la Sersi [l'un des personnages des Eternels, NDLR] qui est en moi : "diriger avec amour".
"C'est un acte politique de montrer un tel groupe hétérogène de personnage [...] et de dire qu'il s'agit d'une famille" Chloé Zhao
Et d'un point de vue personnel ?
Politiquement, il y a plusieurs thématiques dans Les Eternels dont chaque spectateur peut s'emparer. Pour moi, c'est un acte politique de montrer un tel groupe hétérogène de personnages, qui viennent de milieux différents, qui sont différents physiquement, qui parlent différemment, qui aiment différemment… et qu'ils forment, malgré tout, une famille. Je pense que c'est un acte politique de mettre ces différences de côté et de dire : "On est humains avant tout". Egalement, ce que je voulais dire sur le message écologique… (réfléchit) Si les humains sont les plus importants dans l'univers, si notre survie est plus importante que celle des loups, de la forêt humide ou même celle de notre planète, alors il faut qu'on fasse beaucoup mieux que ce qu'on fait actuellement.
Quel est l'Eternel auquel vous vous identifiez le plus ?
J'essaie de ne pas répondre à ce genre de questions, car j'ai l'impression de devoir choisir entre mes enfants. Mais je pense qu'il y a un peu de Thena (Angelina Jolie) en moi, un peu de Makkari (Lauren Ridloff) aussi et d'Ikaris (Richard Madden). Un peu de chaque. J'aimerais être davantage comme Sersi (Gemma Chan), mais elle est tellement parfaite, c'est très difficile d'être comme elle.

Avez-vous ressenti des difficultés pour faire correspondre votre style de réalisation et de narration au cahier des charges de Marvel ?
C'est moins difficile que terrifiant à certains moments. Quand vous êtes au milieu de nulle part, avec dix acteurs dont certains des plus grandes stars du monde, et que vous avez 700 personnes qui attendent, et que vous demandez à ce que tout le monde attende des heures sans rien faire pour finaliser la dernière heure et demi de tournage… Vous avez intérêt à ce que le rendu soit bon, il faut être à la hauteur. Mais j'ai eu de la chance, le dieu de la météo était de mon côté, donc on a réussi. Et vers la fin du tournage, quand ça se reproduisait, il y avait moins d'inquiétude sur le visage de l'équipe (rires). On était davantage rassurés.
A la fin du film, il est précisé que "Les Eternels" seront de retour. Le serez-vous avec eux ?
J'adore chacune des personnes avec lesquelles j'ai pu travailler chez Marvel, donc si l'histoire est bonne, je recommencerai sans hésitation. Maitenant, "Les Eternels" appartient davantage au public qu'à moi, donc on va attendre de voir comment le film est accueilli, et on verra ce qu'il se passe ensuite.