"Tout le monde savait et pourtant" : Judith Godrèche interpelle le Sénat sur les violences sexuelles

"Tout le monde savait et pourtant" : Judith Godrèche interpelle le Sénat sur les violences sexuelles Auditionnée par le Sénat ce jeudi 29 février, l'actrice Judith Godrèche a demandé l'ouverture d'une commission d'enquête et a exigé des réponses politiques aux violences sexuelles commises dans le cinéma français.

Judith Godrèche porte le sujet des violences sexuelles dans le cinéma jusqu'au Parlement. L'actrice qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour viols sur mineurs a été entendue par la délégation aux droits des femmes du Sénat, ce jeudi 29 février. L'audition, la première menée auprès d'une actrice et représentante du monde du cinéma, se tient moins d'une semaine après le discours prononcé par la comédienne sur la scène des César 2024 et dans lequel elle a dénoncé un "trafic illicite de jeunes filles".

L'actrice, devenue la figure de proue de ce nouvel acte de #MeToo en France, donne au mouvement une dimension politique en se rendant devant le Sénat. Elle n'a d'ailleurs pas manqué de souligner le silence du milieu culturel, mais aussi celui de la politique par son manque d'intervention pour empêcher ces abus. "Tout le monde savait et pourtant à chaque fois, vous perdez nos sacs à dos, ils contenaient autant de journaux intimes avec des verrous dorés. Combien de petits pieds dans la porte seront nécessaires avant que cette société ne réagisse pour toujours ? Sans que notre enfance nous soit volée ?", a lancé Judith Godrèche aux sénateurs. Et la comédienne d'ajouter : "Ferez-vous semblant de ne pas m'avoir entendue ? Comme le fait le cinéma, parfois, sans fanfare, ni trompette", soulignant le silence dont a déjà fait preuve Emmanuel Macron à l'égard des dénonciations de violences sexuelles. Une référence à un document rédigé par le collectif 50/50 à l'adresse du chef de l'Etat il y a plusieurs années, qu'elle a lu devant le Sénat, et qui n'a suscité "aucune réaction".

Une commission d'enquête et des mesures de protection exigées

Devant le Sénat, Judith Godrèche a réclamé l'ouverture d'une commission d'enquête sur les violences sexuelles dans le cinéma pour constater l'ampleur du phénomène. "Tout le monde sait que dans l'industrie du cinéma, un agresseur déguisé en réalisateur fait pleurer les petites filles pour de vrai", a-t-elle lâché. Mais surtout, l'actrice a proposé de premières mesures de protection pour les acteurs mineurs : la présence obligatoire d'un "référent neutre sur le tournage, qui soit formé en psychologie et indépendant de la production" pour qu'un "enfant ne soit jamais laissé seul sur un tournage", ou encore la présence d'un "coach intimité" pour les scènes intimes et d'un "coach de jeu" différent du réalisateur pour les jeunes comédiens.

La comédienne qui a publiquement dénoncé des abus de la part de deux cinéastes a aussi demandé le retrait de Dominique Boutonnat, actuel président du Centre national du cinéma et de l'image animée, de son poste. L'homme a été mis en examen pour agression sexuelle et tentative de viol après une plainte de son filleul de 22 ans déposée en octobre 2020. "Aller faire une formation contre les violences sexuelles à l'intérieur de l'immeuble d'une institution dont le président lui-même est accusé de violences sexuelles... C'est quoi cette blague ?", a questionné Judith Godrèche.

Un témoignage "important" dans une "bataille politique"

Judith Godrèche a plusieurs fois interpellé le Sénat et l'a même enjoint, lui mais plus largement le monde politique, à agir : "Cette bataille est politique car aujourd'hui avec de la pédagogie, on n'obtient rien". Des appels entendus par certains parlementaires comme la sénatrice centriste Dominique Vérien qui a encouragé la comédienne à parler devant le Sénat : "Nous avons besoin de vous". "Entendre son témoignage est important, car les membres de la délégation travaillent pour que les situations de violence sur mineurs qu'elle décrit n'arrivent plus et soient sanctionnées", avait expliqué la parlementaire la semaine dernière sur Public Sénat. Aujourd'hui, elle assure : "Nous appelons au sursaut, il n'est plus possible de fermer les yeux".