Benoît Pierre : "L'ADN du Festival de BD de Puteaux, c'est la famille"

Benoît Pierre : "L'ADN du Festival de BD de Puteaux, c'est la famille" Pour son retour après deux ans d'absence pour cause de pandémie, le festival de BD de Puteaux voit les choses en grand avec la venue de Bill Morrison, le dessinateur du comics des Simpsons. Ce dernier sera accompagné de Philippe Peythieu et Véronique Augereau, les voix françaises d'Homer et Marge. Quoi de plus symbolique que la famille la plus célèbre et iconique de la pop-culture pour le retour de ce festival ?

Le Festival de BD de Puteaux n'est pas un petit nouveau dans le monde des (très nombreux) festivals de BD. C'est d'ailleurs le plus grand festival d'Île-de-France en termes de fréquentation (12 000 visiteurs lors de la dernière édition). Il y a près de vingt ans, la mairie de Puteaux a décidé de mettre en place un festival de bande dessinée pour ses administrés. Par relation interposée, elle contacte alors l'association BD'Essonne qui organise déjà à l'époque le festival BD de la ville d'Igny. Après une première édition réalisée avec succès, la mairie décide de pérenniser le rendez-vous. Chaque édition repose sur un contrat de prestation soumis au code du marché public et passe donc par un appel d'offres. À l'exception de deux années, l'association BD'Essonne a remporté l'intégralité des appels d'offres, ce qui donne une très grande continuité dans la ligne éditoriale de l'événement.

Benoît Pierre, l'un des coordinateurs de l'association BD'Essonne, décrypte pour L'Internaute l'ADN du plus gros festival BD d'Île-de-France.

Linternaute.com : Quelle est la  philosophie du festival ?

Avant tout, la ville de Puteaux a pour volonté de mettre en avant de manière festive la bande dessinée populaire. L'ADN du festival, dirigé par cette volonté, est d'être un festival familial ouvert à toutes et à tous, avec un axe principal centré sur la BD jeunesse.

© Festival bd de Puteaux/Yoann (Spirou)

Éditorialement, nous avons mis les enfants au sein de l'événement. Par exemple en créant  Radio Kids, une émission de radio organisée par les enfants de la ville qui, pendant le week-end du festival, réalise des interviews d'auteurs en public. Nous avons aussi mis en place un prix BD jeunesse avec une organisation spécifique au Festival de BD de Puteaux. En effet, nous réalisons une présélection de dix titres en partenariat avec les bibliothécaires de la ville puis c'est le CCJ (Conseil municipal des jeunes) et ses dix enfants du CM2 à la 4e qui lisent les ouvrages et débattent pour en élire un lauréat. C'est un prix très apprécié des auteurs et éditeurs de par son mécanisme qui met les enfants au cœur du système.

© Bill Morrison

Nous avons aussi mis en place des contes dessinés, comme à Saint-Malo, où un conteur - souvent un scénariste - raconte une histoire avec, à ses côtés, un dessinateur qui réalise un dessin en direct pour illustrer ses propos. C'est un rendez-vous qu'affectionnent particulièrement les enfants.

Bien entendu, les autrices et les auteurs sont primordiaux pour le festival. Nous avons une cinquantaine d'invités à chaque édition et nous les choyons au maximum avec un accueil qui n'a pas à rougir devant nombre de festivals.

C'est-à-dire ?

La ville de Puteaux a compris l'enjeu d'un tel festival et doté l'événement l'une d'une enveloppe logistique très appréciable. Et comme les membres de l'association BD'Essonne sont toutes et tous bénévoles, le budget est totalement consacré à l'organisation, ce qui nous permet des actions peu communes. Par exemple : quand nous invitons des auteurs, leurs conjoints sont aussi invités, ainsi que leurs enfants quand c'est possible. Les billets de train sont toujours en première classe et nous organisons un dîner croisière sur la Seine le samedi soir. Ce dernier est devenu mythique auprès des auteurs. Certains comme Régis Loisel, Didier Tarquin et Arleston ont accepté notre invitation grâce au bouche à oreille plus que positif dans le milieu autour de l'association et du festival..

Enfin, dès 2010, nous avons commencé à rémunérer les auteurs pour les dédicaces.

© Festival bd de Puteaux

Comment cela a-t-il été mis en place ?  

C'est arrivé de manière très naturelle. Nous avons, en 2010, créé un jour réservé aux enfants scolarisés à Puteaux. La ville fournit des albums et les enfants ont un accès privilégié aux auteurs rien que pour eux.  Comme c'est une commande spécifique, il nous semblait naturel de rémunérer les auteurs pour cette journée. Les auteurs restaient bénévolement les samedis et les dimanches. Nous avons assez vite évolué sur un package de rémunération pour les auteurs qui restaient les trois jours.

Et enfin, depuis cette année nous avons mis en place une rémunération à la journée, moins contraignante pour les auteurs qui peuvent avoir un emploi du temps compliqué. Et comme nous avons mis en place nos rémunérations il y a plusieurs années, il se trouve que notre forfait, qui est de 125€ par jour, est légèrement au-dessus de celui suggéré au sein de l'accord du ministère de la Culture.

La réalisation de l'affiche de chaque édition est confiée à un invité. Cette réalisation est-elle aussi rémunérée ?

Oui, évidemment. C'est considéré comme une commission. Le dessinateur garde le dessin original et nous payons pour les droits d'exploitation sous forme d'affiche promotionnelle et d'usage numérique pour les réseaux sociaux par exemple. C'est assez contraignant car il y a un cahier des charges très précis. La mairie est très impliquée et valide tout, des visuels aux choix des tissus ignifugés pour les tables. Je me souviens d'une année où le Marsupilami était à l'honneur et il y avait les célèbres piranhas sur l'affiche. Il y a eu des discussions qui ont failli censurer cette présence car ce sont des animaux dangereux, mais nous avons pu les conserver car ils sont iconiques dans l'univers du Marsupilami. Nous prévoyons toujours deux croquis préparatoires et essayons d'anticiper au plus les restrictions possibles.

© Festival bd de Puteaux/Jean Bastide (Boule & Bill)

Chaque édition étant régie par un appel d'offres. De combien de temps disposez-vous pour préparer la liste d'invités ?

La difficulté, en effet, réside dans le fonctionnement par appel d'offres de marché public. On pré-valide avant l'appel d'offres un nom d'invité principal. Nous contactons ce dernier en avance, pour nous assurer de sa disponibilité potentielle, et nous mettons en place un accord de principe " sous réserve" que nous remportons l'appel d'offres. Pour les autres auteurs, la majorité étant en France et connaissant notre réputation, nous arrivons à valider leur venue en deux à trois semaines. Mais nous nous y prenons le plus en amont possible car il y a tellement de festivals de BD en France, près de dix par week-end en cette saison, qu'il est impératif de réserver les auteurs avant qu'ils n'aient pris un autre engagement.

Comment choisissez-vous qui inviter ?

Pascal Cizeau, Cédric Verhaeghe et moi-même (trois membres de l'association BD'Essonne) nous constituons cette liste. Cédric et moi suivons beaucoup les nouveautés et Pascal est très à l'écoute du marché. J'aime mettre en avant les jeunes talents, cela vient du temps où j'étais libraire spécialisé. Nous avons fait venir Patrick Sobral pour la sortie du premier tome des Légendaires, bien avant que la série  n'explose et ne devienne un best-seller. Pareil avec Miss Prickly, la première dessinatrice de Mortelle Adèle. Nous essayons aussi de varier d'une année sur l'autre, pour ne pas avoir toujours les mêmes auteurs ni les mêmes séries. Avec l'association, nous mettons un point d'honneur à inviter l'ensemble des acteurs du monde de la bande dessinée : scénariste, dessinateur  ou coloriste, aussi bien masculin que féminin. Alors nous somme très fier de pouvoir dire que cette année nous avons à un auteur près une parité hommes/femmes parmi nos invités.

Vous invitez aussi régulièrement des auteurs étrangers ?

On invite les auteurs qui plaisent à nos visiteurs. Et ça n'est pas une surprise que de se dire qu'il n'y a pas de frontière pour la lecture. Nous avons eu des invités italiens, espagnols, allemands, serbes et même chinois. En 2016, nous avons réussi à contractualiser la venue de Yôichi Takahashi. Et c'est très compliqué et coûteux car un auteur japonais ne se déplace pas qu'avec sa famille, mais aussi ses éditeurs et assistants. Mais comme il y a eu les attentats, la venue de l'auteur a été annulée à la dernière minute. Mais nous sommes toujours intéressés pour inviter un mangaka au festival de Puteaux.

Concrètement, racontez-nous les étapes pour la venue de Bill Morrison cette année.

Pour le choix, je me souviens que la sortie des albums des Simpsons dans les années 2000 a été un incroyable phénomène. Notamment en librairie où j'officiais à l'époque. C'est la quintessence de la pop-culture, la série parle à tout le monde et est devenue une icône pop-moderne de la famille. C'était une évidence pour moi, alors je l'ai proposé à la mairie. En 2019, sa venue a été validée par la mairie, mais avec le Covid nous avons du décaler.

Contractuellement, ça a été très simple. Nous avons un bon relationnel avec Moïse Kissous, le fondateur du groupe Steinkis qui édite Les Simpsons  en France. Nous lui avons fait une demande, il nous a expliqué les conditions (cachet, type de vol, hôtel, etc.) et nous avons rédigé une lettre d'invitation pour Bill Morrison. Il a accepté l'invitation dans la semaine et nous avons été mis en contact en direct par l'éditeur pour organiser la partie logistique.

Bill est une personne incroyablement chaleureuse et très abordable.

© Festival bd de Puteaux/Amandine (Mistinguette)

Quelles sont vos attentes pour cette édition 2022 ?

Nous avons eu 12.000 visiteurs lors de la dernière édition dont nous nous sommes occupés, en 2018. C'est la première édition depuis la pandémie, qui n'est d'ailleurs pas encore complètement terminée. Et pour des raisons de planning de Bill Morrison, nous avons décalé le festival d'un week-end et sommes sur un week-end avec un pont. Alors nous ne savons pas exactement à quoi nous attendre, mais nous visons a minima la même fréquentation qu'en 2019.

D'autant plus que les services de la mairie jouent à fond le jeu et communiquent très en amont auprès des habitants de Puteaux. Avec la venue de Bill Morrison et de  Philippe Peythieu et Véronique Augereau, les voix françaises d'Homer et Marge, nous avons eu une plus grande couverture en presse nationale qu'habituellement alors peut-être qu'il y aura plus de monde que prévu.

Ce qui est sûr, c'est que ce sera à nouveau une très grande fête populaire et que nous sommes impatients de revoir les auteurs et les festivaliers.

Retrouvez les informations pratiques sur la page facebook du festival.