Algues vertes en Bretagne : les agriculteurs directement accusés
La révélation d'une note confidentielle écrite début septembre par le préfet des Côtes-d'Armor, Jean-Louis Fargeas, par les sites internet de "Ouest France" et du "Télégramme" a déclenché une vague de réactions. Ce courrier de 14 pages destiné au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au secrétaire d'état à l'écologie relate les résultats des premières investigations concernant le raz-de-marée d'algues vertes sur les côtes bretonnes.
Pour le préfet, les agriculteurs sont responsables de cette situation. "Le juge administratif fait directement le lien entre la présence dans l'eau de nitrates à un taux supérieur aux normes et la prolifération des algues vertes [...] Il établit que ces nitrates proviennent essentiellement de l'épandage des lisiers issus des exploitations d'élevage". Face à ce constat, l'homme exprime son impuissance et son mécontentement : "la diminution visible et notable de ce phénomène ne pourra passer que par un changement profond des pratiques agricoles sur les secteurs concernés, ce que la profession agricole n'est pas prête à accepter pour le moment". Le ton est donné.

Une pollution récurrente
Depuis les années 70, les plages des côtes bretonnes sont souillées par ces algues nauséabondes, ulva armoricana, qui pullulent au pire moment de la saison touristique. Une étude menée en 1985 par Jean-Yves Piriou, chercheur en environnement littoral à l'Ifremer, mettait en avant la responsabilité du taux élevé de nitrates dans les baies peu profondes, confinées et la prolifération de ces laitues de mer.
"Sur les plages touchées, le taux de nitrates est de 35 à 60 mg par litre" explique Jean-Yves Piriou au journal "Le Monde", "pour diminuer de moitié le nombre d'algues vertes, il faudrait un taux de nitrates inférieur à 10 mg par litre [...] L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a démontré que 85% de ces nitrates étaient d'origine agricole".
Des algues dangereuses pour la santé
Les laitues de mer ont fait parler d'elles en juillet 2008 avec la mort suspecte de deux chiens puis cet été avec le décès d'un cheval sur la plage de Saint-Michel-en-Grève. Une étude récente de l'Institut national de l'environnement et des risques (Ineris) prouve que l'hydrogène sulfuré, émis par les algues en décomposition échouées sur la plage, pouvait être mortel à certaines doses.
Bien que l'Etat ait dégagé plus d'un milliard d'euros d'aides pour réduire la pollution en Bretagne, la situation n'évolue pas rapidement. A cela, le préfet des Côtes d'Armor avance sa solution dans sa note de septembre : "il s'agit de révolutionner sur ces secteurs, qui représentent 2 190 exploitations agricoles, les pratiques agricoles et changer complètement le modèle économique existant".
Suite à la médiatisation de ce courrier, les agriculteurs ont fait savoir leur indignation par le président de la chambre d'agriculture de Bretagne, Jacques Jaouen. "Se faire salir de cette manière, c'est inadmissible" lâche-t-il dans les colonnes de "Libération".
Une mission interministérielle est actuellement en cours, elle devrait rendre ses conclusions au Premier ministre, François Fillon, à la fin de l'année.