Paul Magnier : "J'ai eu un coup de cœur avec Julian Alaphilippe"

Paul Magnier : "J'ai eu un coup de cœur avec Julian Alaphilippe" INTERVIEW. A 19 ans seulement, Paul Magnier, espoir du cyclisme français et de la Soudal Quick-Step, a remporté sa première course professionnelle dès son premier jour de course ce jeudi 25 janvier.

À tout juste 19 ans, le jeune coureur français Paul Magnier a remporté sa toute première course professionnelle sur la 2e manche du Challenge Mallorca, au sprint, après avoir été parfaitement lancé par son coéquipier Luke Lamperti. Malgré la présence de Lampaert, Moscon, Cattaneo, l'équipe belge a fait confiance à son jeune coureur et ça a payé !

Il y a deux mois, à l'aube de sa première saison au contact des meilleurs coureurs de la planète, Paul Magnier s'était confié par téléphone, avant de partir en Belgique pour la présentation de l'effectif 2024 de la Soudal Quick-Step. Il raconte sa découverte du monde professionnel, ses premiers doutes quand il est tombé malade au printemps, sa rencontre avec Julian Alaphilippe et les autres coureurs de sa future équipe…

Comment es-tu venu au cyclisme quand tu étais plus jeune ?

Plus jeune, j'étais assez "multisport ", parce que dans la région de Grenoble on peut faire du ski, et j'ai aussi fait pas mal de tennis et d'athlétisme. Mon père a toujours fait du vélo en compétition, même quand il était jeune. J'allais le voir le week-end quand j'étais petit. En quatrième, il m'a acheté un vélo, donc j'ai commencé à faire les courses avec lui. Et après, l'esprit de compétition est venu rapidement. 

Devenir professionnel, qu'est-ce que ça va changer dans ton quotidien ?

Ça va devenir mon métier, donc j'en fais plus une priorité. Les études vont être secondaires, mais je vais continuer pour pouvoir aussi me changer les idées, voir d'autres gens en-dehors du monde du cyclisme (ndlr : il est actuellement en licence STAPS). Les entraînements vont forcément prendre plus de place. Et puis il y a aussi tout ce qui est à côté de l'entraînement : la récupération, par exemple. Quand tu passes ta journée en cours, c'est compliqué d'avoir les mêmes performances à l'entraînement. Je vais pouvoir me concentrer aussi sur la nutrition, le sommeil… Le volume d'entraînement sera adapté avec les entraîneurs pour ne pas avoir un trop gros écart d'année en année, pour ne pas créer de surcharge.

Pourquoi avoir choisi la Soudal Quick-Step ? As-tu eu des contacts avec d'autres équipes ?

J'ai commencé à "exploser" sur route en Juniors 2 (année des 18 ans, 2022). A ce moment-là, j'ai eu rapidement les contacts de toutes les équipes "Continental" de la région, notamment toutes les équipes belges, françaises… Finalement, ça s'était fait assez rapidement avec Trinity, car c'était la seule opportunité que j'avais pour pouvoir faire du VTT et de la route dans la même équipe. Puis la Soudal Quick-Step m'a contacté très tôt, comme d'autres équipes. Ils m'ont proposé d'aller en stage avec eux en décembre et en janvier (2022-2023). J'avais accepté volontiers. Ça s'était super bien passé, j'avais été très bien intégré dans l'équipe, alors que j'étais un petit jeune de 18 ans. À table, ils n'ont pas hésité à venir vers moi, notamment les coureurs français : Rémi Cavagna, Julian Alaphilippe, Florian Sénéchal… J'avais vraiment apprécié ça. Et quand j'ai été malade, c'est l'équipe qui est restée la plus proche de moi (ndlr : Paul Magnier a eu la mononucléose pendant une partie de la saison 2023, causant des résultats parfois décevants). Par exemple, Johan Molly (scout de la Soudal Quick-Step) n'avait pas coupé les contacts une seule fois et prenait des nouvelles toutes les semaines. Ça a pesé dans ma décision. Et, bien sûr, la Soudal Quick-Step est l'une des meilleures équipes du peloton.

Tu es en contact régulier avec ta nouvelle équipe, en attendant la saison à venir ?

Je ne sais pas si c'est parce que je suis jeune ou si c'est le cas pour tous les coureurs, mais il y a beaucoup de prises de contact, d'appels vidéos… Ça donne forcément de la confiance, on ne se sent pas perdu, même dans une grosse équipe comme celle-là. Julian (Alaphilippe), j'avais vraiment eu un "coup de cœur" avec lui pendant les stages, et on est restés en contact après. On s'envoie quelques messages parfois avant les courses. Il a aussi eu des blessures, il m'a donné des conseils pour gérer ça et la pression des médias par exemple. Ce n'est pas exactement la même chose, mais j'ai connu une situation un peu similaire quand j'ai eu la mononucléose. Je sortais d'une saison presque parfaite en Juniors 2 et j'ai un peu disparu des radars en Espoirs 1. C'était difficile mentalement, surtout quand on s'entraîne comme un malade mais que les résultats ne suivent pas. Mais ça m'a fait grandir, et c'est bien que cela me soit arrivé pendant mes années de développement.

Comment s'est passée la période avec les rumeurs de fusion entre les équipes Soudal Quick-Step et Jumbo Visma ? Tu étais dans l'inconnu pour ton avenir ?

J'étais un peu comme tout le monde, je voyais les infos dans la presse. Mon agent essayait un peu de se renseigner, mais il fallait surtout attendre. La Soudal Quick-Step m'a tout de suite renouvelé sa confiance quand ça s'est éclairci. Et dans tous les cas, je savais que j'allais avoir une opportunité quelque part. Si ça ne se faisait pas en World Tour, j'aurais pu rester à Trinity ou aller dans une autre équipe. Je ne me suis pas fait trop de soucis par rapport à ça. 

Tu vas intégrer directement l'équipe World Tour sans passer par l'équipe de développement. C'est un saut dans le grand bain encore rare, à 19 ans seulement. Comment a été prise cette décision ?

Ils avaient une place pour moi en World Tour et une place en Continental (équipe de développement). J'en ai discuté avec les entraîneurs et les directeurs sportifs, et on a fait ensemble le choix de me lancer en World Tour pour que je puisse me développer dans les meilleures conditions, avec le meilleur staff notamment. Mais aussi avec un programme adapté et des courses U23 (moins de 23 ans). Par exemple, je devrais faire Liège-Bastogne-Liège U23 et le Baby Giro (Giro U23) pour tester mes capacités de grimpeur. Je vais aussi faire des courses par étapes professionnelles, mais pas de Grand Tour pour l'instant, seulement des courses de cinq à dix jours. Evidemment, les championnats d'Europe et du Monde (en catégorie Espoirs) seront aussi un objectif en fin de saison. L'équipe est consciente que je suis encore jeune, et on ne va pas griller les étapes. 

Paul Magnier sous les couleurs de l'équipe Trinity © Paul Magnier/Trinity Racing

Comment s'est passée ta première année dans le peloton adulte sur route, avec Trinity ?

Le début était un peu dur parce que mon niveau d'anglais était pas génial, mais j'ai rapidement progressé et maintenant je me débrouille en anglais, alors qu'avant... (rires). L'ambiance était top, et on a eu de super résultats cette année (ndlr : plusieurs victoires d'étapes). Grâce à eux j'ai pu faire du VTT et de la route sans me poser de question. C'était en catégorie Continental, donc il n'y avait pas non plus des stages et des compétitions toutes les semaines. L'année prochaine avec la Soudal Quick-Step, il y aura beaucoup plus de jours de compétition, de stages, d'événements, de rencontres avec les sponsors et tout ça… 

Vas-tu continuer à combiner le VTT et le cyclisme sur route ?

Je vais tendre à faire beaucoup plus de compétitions sur route. Mais, à l'entraînement, je vais aussi faire du VTT pour continuer à varier les plaisirs. Pour les compétitions, c'est un peu à voir. Cela se fera en fonction de la vitesse à laquelle je me développe, parce que le but premier, c'est que je devienne un grand athlète sur route. Après, on sait que les disciplines extérieures comme le VTT ou le cyclocross peuvent aider au développement, donc on pourra en rajouter au calendrier. Les entraîneurs m'ont dit qu'ils n'hésiteraient pas, si je le souhaite.

Comment tu te prépares à ta première vraie saison professionnelle ? 

Je travaille avec un entraîneur de la Soudal Quick-Step. Tout est détaillé, c'est la première fois que je vois ça. Sinon, pour les sorties longues, on s'organise avec d'autres coureurs de la région. Eddy Finé (coureur de la Cofidis) habite tout près de chez moi, il y a beaucoup de coureurs et de vététistes dans la région. J'arrive toujours à trouver un petit groupe. Je vais aussi m'entraîner avec Antoine Huby (autre coureur français qui va rejoindre la Soudal Quick-Step) à Nice bientôt. On est bien organisés (rires). On a des capteurs de sommeil et d'activité, de plus en plus précis qui permettent à l'équipe d'avoir un maximum de données même en-dehors de l'entraînement. Et évidemment maintenant tout le monde utilise les capteurs de puissance, de fréquence cardiaque. La nutrition sur le vélo prend beaucoup d'importance, comme la récupération. On va chez l'ostéopathe une fois par mois, on fait des prises de sang régulières… Ils peuvent aussi nous aider sur l'aspect mental. C'est plein de petits détails qui font parfois la différence.

Quel coureur veux-tu devenir ? Quelles courses tu rêverais de gagner ?

Les classiques me font rêver. Et un de mes plus grands objectifs de carrière, si c'est possible un jour, serait d'être champion du monde. Pouvoir porter un maillot toute une saison. Champion d'Europe aussi évidemment. J'aime bien les profils comme Christophe Laporte ou Mathieu van der Poel, qui sont grands comme moi, avec beaucoup de "punch" et un bon sprint, qui sont aussi mes qualités principales. Je suis encore jeune donc je n'ai pas fini de me développer. J'ai encore grandi cet hiver, on verra avec le temps comment j'évolue.

Si tu t'orientes vers ces profils, tu auras un bon mentor en la personne de Julian Alaphilippe…

C'est sûr, il a eu deux titres de champion du monde, des classiques, et puis il a brillé sur le Tour de France aussi… Mais ça, c'est encore loin pour moi (sourire).

Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

Je voudrais quand même remercier l'équipe Trinity, qui a été là quand je suis revenu avec une condition physique à zéro après ma mononucléose. Ils m'ont rapidement fait confiance, j'ai travaillé avec un entraîneur de l'équipe pour la fin de saison. Ils m'ont directement inscrit sur le Tour du Limousin, où j'ai fait 2e de la dernière étape, puis sur le Tour de Grande-Bretagne, qui est leur course numéro une puisque l'équipe est britannique. J'étais extrêmement motivé pour la fin de saison et ils m'ont fait confiance. Pierre-Yves Chatelon (entraîneur de l'équipe de France Espoirs) m'a aussi recontacté rapidement après ma maladie et m'a témoigné de belles marques de confiance. Je ne peux que le remercier.