Eurovision : les candidats LGBT surreprésentés en 2024
L'Eurovision 2024 est marqué par un nombre presque record de candidat.es LGBT+, faisant encore une fois du show une tribune pour les questions de diversité.
L'Eurovision était un concours kitsch et ennuyeux, il est devenu cool. Il sentait la naphtaline, il est désormais un avant poste de la diversité LGBT+. Comme chaque année depuis environ 10 ans, le grand show européen, qui se tient ce samedi 11 mai à Malmö, en Suède, va mettre en lumière de nombreux candidats issus des communautés LGBT, LGBTQ ou LGBTQIA (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queer, intersexes et asexuelles). Sur 37 candidats, 8 se déclarent en effet ouvertement membres de la communauté LGBT+, soit 20% des artistes.
Ce chiffre place l'édition 2024 de l'Eurovision parmi les plus représentatives de la diversité sexuelle et de genre, atteignant presque le record de l'année 2021, qui comptait neuf candidat·es LGBT+. Cette année, le concours voit en outre la participation de deux artistes non binaires, une première historique. De quoi renforcer ce statut particulier de l'Eurovision, devenu le reflet de l'évolution des sociétés européennes sur les questions de diversité et d'inclusion, mais aussi une plateforme privilégiée pour la visibilité queer.
Deux candidat.es non-binaires
Parmi les artistes très attendu.es, l'artiste suisse Nemo fait partie des des figures marquantes de l'Eurovision 2024 avec sa chanson "The Code", tout comme Bambie Thug, autre non binaire qui interprétera "Doomsday Blue" pour l'Irlande. Comptant parmi les grands favoris de l'Eurovision cette année, Nemo Mettler (le vrai nom du Suisse), a affirmé son caractère non-binaire dans plusieurs interviews. Avec Bambie Thug, née Bambie Ray Robinson, iels ont exprimé l'espoir que leur présence permettra la reconnaissance de la non-binarité sur la scène internationale et encouragera d'autres personnes à accepter leur identité.
"Certains artistes non binaires ont fait leur coming-out après avoir participé à l'Eurovision, je crois. Que l'on soit deux cette année montre qu'il est temps d'en parler. J'espère que cela incitera les gens à s'informer sur ce qu'est la non-binarité et que cela créera des discussions", a notamment confié Nemo à 20 Minutes.
D'autres artistes tels que Zaachariaha Fielding et Michael Ross, le duo qui représente l'Australie, font aussi partie des représentants de cette diversité à l'Eurovision. Les deux artistes sont des figures emblématiques de la communauté queer dans leur pays. Fielding en particulier, qui est d'origine aborigène, est reconnu pour ses performances en tant que drag-queen. Il en va de même du Belge Mustii, le pseudo de Thomas Mustin, chanteur, compositeur et metteur en scène, qui se définit comme queer et a participé en tant que juré à l'émission Drag Race dans le plat pays.
La représentante du Danemark, portant le nom de scène de Saba, fera elle aussi figure d'icône particulière dans ce concours Eurovision de la chanson. En tant que femme noire - elle a été adoptée en Ethiopie à l'âge de huit mois - et lesbienne, Anna Saba Lykke Oehlenschlægera, de son vrai nom, a souligné en amont du spectacle l'importance du symbole qu'elle peut représenter pour un certain nombre de jeunes filles. Elle partagera avec Kenzy Loevett, la candidate de San Marin, la lourde tâche de rendre visibles les lesbiennes dans la compétition. Cette dernière a elle aussi partagé publiquement son parcours personnel, soulignant la longévité de sa relation avec sa partenaire.
Silvester Belt, chanteur lituanien d'une vingtaine d'année, a pour sa part été la révélation dans son pays en amont de l'Eurovision. A tel point que les questions sur son orientation sexuelle sont devenues une préoccupation pour une partie de ses habitants. "Si vous avez besoin d'une étiquette, vous pouvez dire que je suis bisexuel", a-t-il lancé le plus simplement du monde lors des pré-selections. Un naturel qui a marqué les esprit dans un pays encore frappé par des difficultés pour les LGBT+.
On peut enfin difficilement parler des artistes queer de l'Eurovision 2024 sans mentionner le Britannique Olly Alexander, grand militant des droits LGBT+ dans son pays, auteur de plusieurs témoignages clés sur la santé mentale des jeunes gays ou sur la promotion du sexe à moindre risque. Auteur du documentaire "Grandir Gay" en 2017, il est apparu à la télévision anglaise mais aussi française récemment, pour son rôle dans "It's a sin", diffusée sur Canal+ en 2023 et sur France 2 mi-mars. Une série relatant les ravages du sida dans les années 1980 au sein de la communauté homosexuelle.
Eurovision et LGBT+, une longue histoire
Les affinités entre la communauté LGBT+ et l'Eurovision ne datent pas d'hier. Les organisateurs du concours soulignent régulièrement que l'Eurovision vise à réunir un large public, sans distinction d'identité sexuelle ou de genre. Mais d'aucuns estiment qu'un lien existait déjà, caché, dès les années 1950-1960, avec la participation d'artistes homosexuels dans une certaine ambiguïté, à l'instar de la chanteuse lesbienne Dany Dauberson, qui représentera la France dès 1956. La mise en avant à l'Eurovision de la diversité, d'abord culturelle et linguistique, puis le déferlement d'une musique et d'une mise en scène disco flamboyante, avec ses divas, va progressivement faire basculer le concours à partir des années 1970 et attirer les fans gays en nombre.
Le "coming out" se fera petit à petit dans les années 1980 et 1990, avec un public LGBT de plus en plus visible à la télévision, le show étant organisé en direct et en public à partir de 1998. Il sera aussi visible sur scène au même moment, l'Islandais Paul Oscar étant le premier candidat ouvertement gay à participer à la compétition en 1997 et l'Israélienne Dana International la première femme trans à remporter le concours l'année suivante. Menacée de mort par des religieux orthodoxes, elle sera un pivot dans la transformation de l'Eurovision en tribune politique.
D'autres artistes marqueront le concours comme la Serbe Marija Serifovic en 2007, ou la Finlandaise Krista Siegfrids, qui embrassera l'une de ses danseuses à la fin de sa prestation en 2013. Mais c'est évidemment la victoire de la drag-queen autrichienne Conchita Wurst, en 2014, qui sera le catalyseur de tous ces mouvements. C'était il y a dix ans et elle avait dédié sa victoire "à quiconque croit en un futur de paix et de liberté". Un message qui a un écho particulier à la veille de l'Eurovision 2024.