Patrice Chéreau : la maladie a eu raison de l'artiste

Patrice Chéreau : la maladie a eu raison de l'artiste Acteur, comédien et metteur en scène de grand talent, Patrice Chéreau est mort ce lundi 7 octobre des suites d'un cancer du poumon.

"Vidéo : Patrice Chéreau au cinéma, de "La chair de l'orchidée" à "Persécution""

Le monde du spectacle est en deuil. Patrice Chéreau est décédé ce lundi 7 octobre. C'est un cancer du poumon, dont il souffrait depuis des mois, qui a emporté, à 68 ans, le metteur en scène, par ailleurs acteur et réalisateur. Né dans une famille de peintres en 1944 dans le Maine-et-Loire, Patrice Chéreau était d'abord un homme de théâtre. Dès 1964, en tant que membre du groupe théâtral du lycée Louis-le-Grand, il marque les esprits de la profession en mettant en scène L'Intervention, une pièce de Victor Hugo. A à peine 25 ans, il est ensuite propulsé à la direction du théâtre de Sartrouville jusqu'à sa faillite en 1970, puis s'expatriera au théâtre Piccolo de Milan jusqu'en 1972. Chéreau s'y construira une image d'homme de théâtre engagé, proche des revendications de Mai 68, capable de s'approprier les plus grands (Shakespeare, Marivaux) comme les auteurs plus confidentiels, avec toujours une obsession pour les décors.

Après avoir monté des pièces à Marseille, Lyon ou encore Paris, il dirige jusqu'en 1977 le Théâtre national populaire de Villeurbanne avec Roger Planchon, l'un de ses proches, et Robert Gilbert. Mais c'est la mise en scène d'un opéra, la "Tétralogie" de Wagner à Bayreuth, en Allemagne, qui le propulse réellement à l'international en 1976. Chéreau travaille alors avec et à la demande du compositeur Pierre Boulez et entre dès lors dans la cour des très grands.

 

Homme de théâtre, réalisateur, acteur

De retour en France en 1980, Patrice Chéreau va prendre cette fois la direction de la scène des Amandiers, à Nanterre, où il va collaborer avec Bernard-Marie Koltès pour adapter (entre autres) plusieurs de ses pièces jusqu'en 1990. Il débute en parallèle sa carrière au cinéma. Son premier film, La Chair de l'orchidée, sort en 1974. Il fera ensuite jouer Simone Signoret dans Judith Therpauve et réalisera notamment L'Homme blessé en 1983 (César du meilleur scénario original), La Reine Margot avec Isabelle Adjani en 1994 (cinq César, prix du Jury à Cannes) ou encore Ceux qui m'aiment prendront le train en 1998. Son dernier film, Persécution, avec Romain Duris, Charlotte Gainsbourg et Jean-Hugues Anglade, est sorti en 2008.

Pour le grand public enfin, Patrice Chéreau est resté un visage connu des films historiques. Le metteur en scène, réalisateur et scénariste a en effet tourné devant la caméra dès 1978 avec un premier rôle d'acteur dans Adieu Bonaparte, où il joue Napoléon. Il fera ensuite de brillantes apparitions dans Danton, où il prendra les habits de Camille Desmoulins, Le Dernier des Mohicans, dans lequel il joue le rôle du Général Montcalm, Au plus près du paradis ou encore Le Temps du loup, de Michael Haneke. Chéreau gardera cependant toujours un lien fort avec le théâtre et l'opéra avec de grandes réussites parmi lesquelles les récents Phèdre de Racine, au Théâtre de l'Odéon, et Tristan et Isolde de Richard Wagner, à la Scala de Milan. Avant sa mort, Patrice Chéreau travaillait encore à l'adaptation d'un roman de Laurent Mauvignier, intitulé Des Hommes.

Homosexuel, Patrice Chéreau n'a jamais caché sa préférence pour les hommes. Il a d'ailleurs traité de l'homosexualité dans certaines de ses productions, comme dans L'Homme blessé, qui suit le parcours d'un jeune homme de bonne famille prêt à tout pour l'amour d'un prostitué. Chéreau a rarement évoqué sa propre façon d'aimer. Une vie privée dans laquelle il se jugeait "moins bon" qu'au cinéma.

L'homme était d'ailleurs très secret, solitaire, mais apprécié par le monde du théâtre. Les hommages sont nombreux. "Avec Patrice Chéreau disparaît l'un de nos plus grands artistes et une part de nous-même. Nous nous sommes construits au fil de ses films, de ses pièces, de ses opéras. C'était un homme magnifique, généreux, exigeant avec son talent et avec les valeurs qu'il incarnait" a écrit Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, dans un communiqué.